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13/06/2018 | FRANCE | N°417289

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 13 juin 2018, 417289


Vu la procédure suivante :

M. et Mme B...A...ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer, à titre principal, la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 en ce qu'elle résulte de la remise en cause de réductions d'impôts correspondant aux investissements réalisées par des sociétés en participation dont ils étaient associés et, à titre subsidiaire, le report sur l'année suivante du bénéfice de cette réduction d'impôt et la décharge correspondante de la cotisation prim

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Vu la procédure suivante :

M. et Mme B...A...ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer, à titre principal, la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 en ce qu'elle résulte de la remise en cause de réductions d'impôts correspondant aux investissements réalisées par des sociétés en participation dont ils étaient associés et, à titre subsidiaire, le report sur l'année suivante du bénéfice de cette réduction d'impôt et la décharge correspondante de la cotisation primitive d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2011. Par un jugement n° 1512524 du 8 avril 2016, le tribunal administratif de Paris, après avoir constaté un non-lieu partiel à statuer, a rejeté le surplus de leur demande.

Par un arrêt n° 16PA01876 du 14 novembre 2017, la cour administrative d'appel de Paris a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. et MmeA..., mettant en cause la conformité à la Constitution des dispositions de l'article 199 undecies B du CGI, dans leur rédaction issue de l'article 98 de la loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, et rejeté l'appel formé par ces derniers contre le jugement du tribunal administratif.

Par un pourvoi, enregistré le 15 janvier 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme A...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010, notamment son article 98 ;

le code général des impôts ;

le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Ophélie Champeaux, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de M. et MmeA....

Considérant ce qui suit :

Sur la contestation du refus de transmission au Conseil d'Etat de la question prioritaire de constitutionnalité :

1. Les dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel prévoient que lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative aux droits et libertés garantis par la Constitution, elle transmet au Conseil d'Etat la question de constitutionnalité ainsi posée à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux.

2. L'article 199 undecies B du code général des impôts institue une réduction d'impôt sur le revenu en faveur des contribuables domiciliés en France, qui réalisent, dans les départements et territoires d'outre-mer, " des investissements productifs neufs " dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34. En vertu du dix-neuvième alinéa du I de cet article, cette réduction d'impôt s'applique également lorsque le contribuable procède à de tels investissements par l'intermédiaire d'une société soumise au régime d'imposition prévu à l'article 8, dont les parts sont détenues directement, ou par l'intermédiaire d'une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée. Le 1° du I de l'article 98 de la loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 a cependant exclu du bénéfice de cette réduction d'impôt les investissements réalisés par l'intermédiaire de sociétés en participation à compter de l'imposition des revenus de l'année 2011. M. et Mme A...soutiennent que ces dispositions méconnaissent l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

3. Aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen: " Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ". Il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions. Ce faisant, il ne saurait toutefois priver de garanties légales des exigences constitutionnelles. En particulier, il ne saurait, sans motif d'intérêt général suffisant, ni porter atteinte aux situations légalement acquises ni remettre en cause les effets qui peuvent légitimement être attendus de telles situations.

4. Les dispositions contestées sont applicables à compter de l'imposition des revenus de l'année 2011 et sont dépourvues de portée rétroactive. Elles n'ont eu ni pour objet ni pour effet de modifier le fait générateur de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts, qui est la date de la création de l'immobilisation au titre de laquelle l'investissement productif a été réalisé ou de sa livraison effective dans le département d'outre-mer et, dans ce dernier cas, la date à laquelle l'entreprise, disposant matériellement de l'investissement productif, peut commencer son exploitation effective et, dès lors, en retirer des revenus. Par suite, les requérants ne sauraient se fonder sur la circonstance qu'ils avaient souscrit au capital de sociétés en participation avant l'entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions pour soutenir qu'elles portent atteinte à des situations légalement acquises ou aux effets qui peuvent légitimement être attendus de telles situations. Ils ne pouvaient, en particulier, légitimement attendre que leur soient appliquées les dispositions en vigueur à la date de cette souscription, alors que les installations n'ont été effectivement exploitées que postérieurement à l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions et qu'ainsi, à la date de la souscription, le fait générateur de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts n'était pas encore intervenu.

5. Il résulte de ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité tirée de ce que les dispositions du 1° du I de l'article 98 de la loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 méconnaissent l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui n'est pas nouvelle, est dépourvue de caractère sérieux. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre, les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation du refus de transmission de cette question prioritaire de constitutionnalité par la cour administrative d'appel de Paris.

Sur les autres moyens du pourvoi :

6. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ".

7. Pour demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent, M. et Mme A...soutiennent que la cour administrative d'appel de Paris :

- a méconnu les articles 36 et 98 de la loi de finances pour 2011 en jugeant que ces textes s'appliquaient à des investissements qui avaient donné lieu à des versements de fonds antérieurs au 29 septembre 2010 s'agissant des investissements dans l'énergie solaire et antérieurs au 1er janvier 2011 s'agissant des investissements des sociétés en participation ;

- a méconnu l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. Aucun de ces moyens n'est de nature à justifier l'admission du pourvoi.

D E C I D E :

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Article 1er : La contestation du refus de transmission au Conseil d'Etat de la question prioritaire de constitutionnalité mettant en cause les dispositions du 1° du I de l'article 98 de la loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 est écartée.

Article 2 : Le surplus des conclusions du pourvoi de M. et Mme A...n'est pas admis.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme B...A....

Copie en sera adressée au ministre de l'action et des comptes publics et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 417289
Date de la décision : 13/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 13 jui. 2018, n° 417289
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Ophélie Champeaux
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:417289.20180613
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