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13/06/2018 | FRANCE | N°407438

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 13 juin 2018, 407438


Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 407438, par une ordonnance n° 1700072 du 30 janvier 2017, enregistrée le 2 février 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Poitiers a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête, enregistrée le 10 janvier 2017 au greffe de ce tribunal, présentée par M. B...A.... Par cette requête et un nouveau mémoire, enregistrés le 20 novembre 2017 au secrétariat du contentieux du conseil d'Etat, M. A...demande au Conseil

d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 3 janvi...

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 407438, par une ordonnance n° 1700072 du 30 janvier 2017, enregistrée le 2 février 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Poitiers a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête, enregistrée le 10 janvier 2017 au greffe de ce tribunal, présentée par M. B...A.... Par cette requête et un nouveau mémoire, enregistrés le 20 novembre 2017 au secrétariat du contentieux du conseil d'Etat, M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 3 janvier 2017 par laquelle le président de l'université de Poitiers l'a, au nom de l'Etat, suspendu de ses fonctions pour une durée de quatre mois ;

2°) d'enjoindre à l'université de Poitiers de le réintégrer dans ses fonctions, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'université de Poitiers la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 407760, par une requête, un mémoire en réplique et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 8 février et 20 novembre 2017 et les 14 et 23 mai 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la même décision du 3 janvier 2017 ;

2°) d'enjoindre à l'université de Poitiers de le réintégrer dans ses fonctions, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'université de Poitiers la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'arrêté du 10 février 2012 portant délégation de pouvoirs en matière de recrutement et de gestion de certains personnels enseignants des établissements publics d'enseignement supérieur et de recherche ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anissia Morel, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Zribi, Texier, avocat de M. A...et à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de l'université de Poitiers ;

Vu les trois notes en délibéré, enregistrées les 28 mai 2018 à 11 heures 45 et 11 heures 48 et le 9 juin 2018, présentées par M.A... ;

1. Considérant que les requêtes présentées par M. A...présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une même décision ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 951-4 du code de l'éducation : " Le ministre chargé de l'enseignement supérieur peut prononcer la suspension d'un membre du personnel de l'enseignement supérieur pour un temps qui n'excède pas un an, sans suspension de traitement " ;

3. Considérant que M.A..., professeur à la faculté de droit de Poitiers, a fait l'objet, le 19 juillet 2016, d'une sanction d'interdiction d'exercer toutes fonctions d'enseignement pendant une durée de cinq ans, par la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université de Poitiers, au motif qu'il avait eu un comportement de harcèlement à l'égard de plusieurs de ses étudiantes ; que, saisi en appel de cette décision, le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER), statuant en formation disciplinaire a, par une décision du 22 novembre 2016, prononcé le sursis à exécution de cette sanction ; que le président de l'université de Poitiers a toutefois, le 3 janvier 2017, suspendu M. A...de ses fonctions pour une durée de quatre mois, sur le fondement des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 951-4 du code de l'éducation ; que, par une requête enregistrée au greffe du tribunal administratif de Poitiers et par une autre requête enregistrée au greffe du secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision ; qu'il y a lieu de joindre ces requêtes pour statuer par une seule décision ;

Sur la légalité externe de la décision attaquée :

4. Considérant que l'article L. 951-3 du code de l'éducation autorise le ministre chargé de l'enseignement supérieur à déléguer aux présidents des universités tout ou partie de ses pouvoirs en matière de recrutement et de gestion des personnels relevant de son autorité ; qu'en application de ces dispositions, l'article 2 de l'arrêté du 10 février 2012 portant délégation de pouvoirs en matière de recrutement et de gestion de certains personnels enseignants des établissements publics d'enseignement supérieur et de recherche, prévoit que " les présidents et les directeurs des établissements publics d'enseignement supérieur dont la liste est fixée à l'article 3 du présent arrêté reçoivent délégation des pouvoirs du ministre chargé de l'enseignement supérieur pour le recrutement et la gestion des personnels enseignants mentionnés à l'article 1er du présent arrêté en ce qui concerne : [...] 24. La suspension " ; qu'il résulte de ces dispositions et de celles de l'article 3 du même arrêté que le président de l'université de Poitiers disposait d'une délégation permanente de signature du ministre pour prendre, au nom de l'Etat, la décision attaquée ; que M.A..., qui ne saurait par ailleurs sérieusement exiger du président de l'université " qu'il apporte la preuve du procès-verbal constatant son élection en qualité de président ", n'est, par suite, pas fondé à soutenir que la décision qu'il attaque a été prise par une autorité incompétente ;

5. Considérant que les décisions de suspension prononcées, sur le fondement de l'article L. 951-4 du code de l'éducation, sont des mesures conservatoires, prises dans le souci de préserver le bon fonctionnement du service public universitaire ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision litigieuse aurait revêtu le caractère d'une sanction disciplinaire déguisée ; que, par suite, M. A...n'est pas fondé à soutenir que la mesure qu'il attaque aurait dû être motivée en raison de ce qu'elle lui inflige une sanction ; que, pour le même motif, le moyen tiré de ce que sa motivation serait insuffisante est inopérant ;

Sur la légalité interne de la décision attaquée :

6. Considérant que la suspension d'un professeur d'université sur le fondement de l'article L. 951-4 du code de l'éducation ne peut être légalement prononcée que dans l'attente de l'issue d'une procédure disciplinaire ou de poursuites pénales engagées à son encontre, si les faits imputés à l'intéressé présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité et que la continuation des activités de cet enseignant au sein de l'établissement présente des inconvénients suffisamment sérieux pour le service ou pour le déroulement des procédures en cours ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers que deux messages anonymes à caractère intimidant ou menaçant ont été adressés à des étudiantes directement concernées par la procédure disciplinaire engagée à l'encontre de M.A... ; qu'il ressort également des dossiers, sans que l'intéressé puisse utilement contester les conditions de l'enquête conduite par l'université, que ces messages électroniques pouvaient être attribués à M. A... avec un très haut niveau de vraisemblance, au demeurant renforcée par des éléments postérieurs à la décision attaquée ; qu'en se fondant sur ces faits et sur la circonstance qu'ils avaient connu une certaine diffusion parmi les étudiants de l'université pour prendre la décision attaquée, le président de l'université, qui n'a pas entaché sa décision d'inexactitude matérielle, a fait une exacte application des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 951-4 du code de l'éducation ;

8. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 5, la décision attaquée par M. A... n'a pas le caractère d'une sanction ; que, par suite, tant le moyen tiré de ce qu'elle lui infligerait une sanction disproportionnée que le moyen tiré de ce qu'elle aurait méconnu la chose jugée par la décision du 22 novembre 2016 du CNESER, statuant en formation disciplinaire, prononçant le sursis à exécution de la sanction disciplinaire qui le visait, sont inopérants ; que, par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en suspendant M. A... de ses fonctions plus d'un mois après cette décision du CNESER le président de l'université de Poitiers aurait entendu faire obstacle à cette dernière et aurait, pour ce motif, entaché l'acte attaqué de violation de la loi ou de détournement de pouvoir ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 3 janvier 2017 par laquelle le président de l'université de Poitiers l'a suspendu de ses fonctions pour une durée de quatre mois ;

10. Considérant que, la décision en litige ayant été prise au nom de l'Etat, l'université de Poitiers n'a pas la qualité de partie en défense dans la présente instance ; que sa présence en qualité d'observateur ne lui confère pas davantage la qualité de partie, dès lors qu'elle n'aurait pas eu, à défaut d'être présente, qualité pour faire tierce-opposition du présent arrêt ; que, par suite, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A...la somme qu'elle demande à ce titre ; que, pour les mêmes motifs, ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'université la somme que M. A...demande au même titre ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les requêtes de M. A...sont rejetées.

Article 2 : Le surplus des conclusions de l'université de Poitiers présenté au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et à l'université de Poitiers.


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 407438
Date de la décision : 13/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 13 jui. 2018, n° 407438
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Anissia Morel
Rapporteur public ?: M. Frédéric Dieu
Avocat(s) : SCP ZRIBI, TEXIER ; SCP FABIANI, LUC-THALER, PINATEL

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:407438.20180613
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