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06/06/2018 | FRANCE | N°414696

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 06 juin 2018, 414696


Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiée à associé unique (SASU) Castorama France a demandé au tribunal administratif de Dijon de lui accorder la décharge des rappels de taxe sur les surfaces commerciales auxquels elle a été assujettie au titre des années 2010, 2011 et 2012, à raison de son établissement situé à Marsannay-la-Côte (Côte-d'Or). Par un jugement n° 1500961 du 4 avril 2017, ce tribunal a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 17LY02271 du 28 septembre 2017, la cour administrative d'appel de Lyon a, d'une part, transmis au Conse

il d'État, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrativ...

Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiée à associé unique (SASU) Castorama France a demandé au tribunal administratif de Dijon de lui accorder la décharge des rappels de taxe sur les surfaces commerciales auxquels elle a été assujettie au titre des années 2010, 2011 et 2012, à raison de son établissement situé à Marsannay-la-Côte (Côte-d'Or). Par un jugement n° 1500961 du 4 avril 2017, ce tribunal a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 17LY02271 du 28 septembre 2017, la cour administrative d'appel de Lyon a, d'une part, transmis au Conseil d'État, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 2 juin 2017 au greffe de cette cour, présenté par la société Castorama France contre ce jugement en tant qu'il concerne les années 2011 et 2012 et, d'autre part, rejeté l'appel formé par la société contre ce jugement en tant qu'il concerne l'année 2010.

Par ce pourvoi et deux mémoires complémentaires enregistrés les 28 novembre 2017 et 28 février 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Castorama France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il se prononce sur les rappels dus au titre des années 2011 et 2012 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 ;

- le décret n° 95-85 du 26 janvier 1995 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexandre Koutchouk, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de la société Castorama France.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Castorama France, qui exerce une activité de vente de matériaux de construction et de produits d'aménagement et de décoration de la maison au sein, notamment, d'un établissement situé à Marsannay-la-Côte (Côte-d'Or), a été assujettie à des rappels de taxe sur les surfaces commerciales au titre des années 2010 à 2012 au motif qu'elle ne pouvait pas bénéficier de la réduction de taux de 30 %, qu'elle avait appliquée, prévue par les dispositions du A de l'article 3 du décret du 26 janvier 1995 en ce qui concerne la vente exclusive de certaines marchandises par des professions exerçant une activité nécessitant des surfaces de vente anormalement élevées. La société se pourvoit en cassation contre le jugement du 4 avril 2017 du tribunal administratif de Dijon en tant qu'il rejette sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de taxe sur les surfaces commerciales mises à sa charge au titre des années 2011 et 2012.

2. Aux termes de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Il est institué une taxe sur les surfaces commerciales assise sur la surface de vente des magasins de commerce de détail, dès lors qu'elle dépasse quatre cents mètres carrés des établissements ouverts à partir du 1er janvier 1960 quelle que soit la forme juridique de l'entreprise qui les exploite. (...) / Un décret prévoira (...) des réductions pour les professions dont l'exercice requiert des superficies de vente anormalement élevées (...) ". Aux termes de l'article 3 du décret du 26 janvier 1995 relatif à la taxe sur les surfaces commerciales, pris pour l'application de ces dispositions, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " A. La réduction de taux prévue au dix-septième alinéa de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972 susvisé en faveur des professions dont l'exercice requiert des superficies de vente anormalement élevées est fixée à 30 p. 100 en ce qui concerne la vente exclusive des marchandises énumérées ci-après: / - meubles meublants ; / (...) - matériaux de construction (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'en subordonnant, par le A de l'article 3 du décret du 26 janvier 1995, le bénéfice de la réduction de taux, fixée à 30 %, à la condition que l'activité de vente des marchandises qu'il énumère soit exercée à titre exclusif, le pouvoir réglementaire s'est borné à déterminer le champ d'application de la mesure de réduction de taux prévue par le législateur en faveur des professions dont l'exercice requiert des superficies de vente anormalement élevées, sans excéder les compétences qu'il tenait des dispositions législatives citées au point 2.

4. Par suite, le tribunal administratif de Dijon a entaché son jugement d'une erreur de droit en se fondant, pour rejeter la demande de la requérante tendant au bénéfice de cette réduction, sur ce que le pouvoir réglementaire avait, en posant une condition d'exclusivité non prévue par la loi, entaché les dispositions du A de l'article 3 du décret du 26 janvier 1995 d'illégalité.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que la société Castorama est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque, en tant qu'il statue sur les impositions dues au titre des années 2011 et 2012.

6. Il y a lieu, dans des circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à la société Castorama au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 4 avril 2017 est annulé en tant qu'il statue sur les impositions dues au titre des années 2011 et 2012.

Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure au tribunal administratif de Dijon.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à la société Castorama au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiée à associé unique Castorama France et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 414696
Date de la décision : 06/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-03-06 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPOSITIONS LOCALES AINSI QUE TAXES ASSIMILÉES ET REDEVANCES. TAXES OU REDEVANCES LOCALES DIVERSES. - TAXE SUR LES SURFACES COMMERCIALES (TASCOM) - RÉDUCTION DE TAUX DE 30% EN FAVEUR DES PROFESSIONS DONT L'EXERCICE REQUIERT DES SUPERFICIES DE VENTE ANORMALEMENT ÉLEVÉES (A DE L'ARTICLE 3 DU DÉCRET DU 26 JANVIER 1995) - CONDITION TENANT À CE QUE L'ACTIVITÉ SOIT EXERCÉE À TITRE EXCLUSIF - COMPÉTENCE DU POUVOIR RÉGLEMENTAIRE POUR ÉDICTER UNE TELLE CONDITION - EXISTENCE.

19-03-06 Il résulte de l'article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés et de l'article 3 du décret n° 95-85 du 26 janvier 1995 relatif à la taxe sur les surfaces commerciales pris pour son application, qu'en subordonnant, par le A de ce dernier article, le bénéfice de la réduction de taux, fixée à 30 %, à la condition que l'activité de vente des marchandises qu'il énumère soit exercée à titre exclusif, le pouvoir réglementaire s'est borné à déterminer le champ d'application de la mesure de réduction de taux prévue par le législateur en faveur des professions dont l'exercice requiert des superficies de vente anormalement élevées, sans excéder les compétences qu'il tenait des dispositions de la loi du 13 juillet 1972.


Publications
Proposition de citation : CE, 06 jui. 2018, n° 414696
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alexandre Koutchouk
Rapporteur public ?: M. Romain Victor
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN, STOCLET

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:414696.20180606
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