La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/06/2018 | FRANCE | N°411858

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 06 juin 2018, 411858


Vu la procédure suivante :

Par un mémoire, enregistré le 26 juin 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département de La Réunion demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n°2017-615 du 24 avril 2017 pris en application de l'article 131 de la loi n°2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016,

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Cons

titution ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code général des...

Vu la procédure suivante :

Par un mémoire, enregistré le 26 juin 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département de La Réunion demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n°2017-615 du 24 avril 2017 pris en application de l'article 131 de la loi n°2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016,

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- l'article 131 de la loi n°2016-1918 du 29 décembre 2016 ;

- la décision du 22 septembre 2017 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le département de La Réunion ;

- la décision n°2017-678 QPC du 8 décembre 2017 statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le département de La Réunion ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pierre Ramain, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boulloche, avocat du département de La Réunion ;

Considérant ce qui suit :

1. L'article 131 de la loi du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016 institue un fonds exceptionnel à destination des départements métropolitains et des collectivités territoriales d'outre-mer connaissant une situation financière dégradée, afin de les aider à financer les dépenses sociales liées au versement des allocations individuelles de solidarité. Cet article prévoit la répartition de ce fonds entre une enveloppe destinée aux départements de métropole et une enveloppe destinée aux collectivités ultra-marines et fixe les critères d'éligibilité au fonds et de répartition des sommes entre les départements et collectivités éligibles. Le département de la Réunion demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 24 avril 2017, pris pour l'application de ces dispositions, qui détermine le montant des sommes allouées à chacune des enveloppes de ce fonds et précise le montant de l'aide financière supplémentaire exceptionnelle apportée aux départements et collectivités rencontrant des difficultés pour faire face à la hausse des dépenses d'allocations individuelles de solidarité .

Sur la légalité externe du décret attaqué :

2. Contrairement à ce que soutient le département requérant, aucun texte n'imposait la consultation des collectivités territoriales concernées par la mise en place du fonds institué par l'article 131 de la loi du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016 préalablement à la publication du décret attaqué. Le moyen tiré ce que ce décret aurait été adopté à l'issue d'une procédure irrégulière doit dès lors être écarté.

3. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, "Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent". Le décret attaqué détermine le montant des sommes affectées au financement des deux enveloppes du fonds de soutien aux collectivités territoriales institué par l'article 131 de la loi de finances rectificative pour 2016. Il ne présente pas le caractère d'une décision administrative individuelle. Dès lors, le moyen tiré de ce que le décret attaqué serait insuffisamment motivé est inopérant.

4. Par sa décision n°2017-678 QPC du 8 décembre 2017, rendue à la suite du renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le département de La Réunion, le Conseil constitutionnel a déclaré qu'il ne résultait ni des dispositions de l'article 34 de la Constitution, ni d'aucune autre disposition constitutionnelle que le législateur était tenu de fixer lui-même le montant des enveloppes instituées par les dispositions de l'article 131 de la loi de finances rectificative pour 2016. Il s'ensuit qu'en déterminant le montant des sommes allouées aux enveloppes du fonds, le décret attaqué n'a pas méconnu le domaine de la loi.

Sur la légalité interne du décret attaqué :

5. Par sa décision n°2017-678 QPC du 8 décembre 2017, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les trois derniers alinéas du paragraphe I de l'article 131 de la loi de finances rectificative pour 2016. Il a jugé qu'en instituant au sein du fonds d'aide exceptionnelle deux enveloppes distinctes pour les collectivités de métropole et d'outre-mer, le législateur avait tenu compte de leurs situations et charges spécifiques en matière d'allocations individuelles de solidarité que le fonds avait pour objet de financer et que la différence de traitement qu'il a instituée était justifiée par un motif d'intérêt général en rapport direct avec l'objet de la loi.

7. En premier lieu, si le département requérant soutient qu'en faisant supporter aux seules collectivités d'outre-mer les situations particulières des collectivités de Saint-Martin et de la Guyane et qu'en faisant ainsi peser sur elles des charges plus lourdes, il porte atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques, au principe d'égalité devant la loi et au principe d'assimilation des collectivités d'outre-mer et de métropole, le décret attaqué se borne à déterminer le montant des enveloppes dont le principe a été fixé par la loi et a été déclaré conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision citée au point 5. Ces moyens ne peuvent dès lors qu'être écartés.

8. En deuxième lieu, dès lors que les dispositions du décret attaqué ont pour objet d'apporter une aide exceptionnelle de l'Etat aux départements et collectivités territoriales pour faciliter la prise en charge des compétences que la loi leur a confiées, le département requérant ne saurait soutenir qu'en ne lui accordant pas un financement suffisant, elles portent atteinte au principe d'autonomie financière, au principe de libre administration des collectivités territoriales, au principe selon lequel une personne publique ne doit pas payer une somme qu'elle ne doit pas et à l'article L 1614-1 du code général des collectivités territoriales.

9. En troisième lieu, si le département requérant soutient que les dispositions du décret attaqué méconnaissent le principe de sécurité juridique dès lors qu'elles ont été prises près de quatre mois après la publication de la loi, le délai pris par le gouvernement pour prendre les dispositions réglementaires d'application d'une loi n'affecte pas la légalité de ces dispositions. Ce moyen ne peut donc qu'être écarté.

10. Il résulte de ce tout ce qui précède que le département de La Réunion n'est pas fondé à demander l'annulation du décret qu'il attaque. Ses conclusions présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête du département de La Réunion est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au département de La Réunion, au Premier ministre, au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, au ministre de la cohésion des territoires et à la ministre des outre-mer.


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 411858
Date de la décision : 06/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 06 jui. 2018, n° 411858
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Pierre Ramain
Rapporteur public ?: Mme Aurélie Bretonneau
Avocat(s) : SCP BOULLOCHE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:411858.20180606
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award