Vu la procédure suivante :
M. A...B..., à l'appui de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 décembre 2017 du préfet du Loiret l'assignant à résidence dans le département du Loiret pour une durée de six mois, a produit un mémoire, enregistré le 6 janvier 2018 au greffe du tribunal administratif, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel il soulève une question prioritaire de constitutionnalité mettant en cause la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 742-1 et L. 742-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par une ordonnance n° 1800050 du 7 mars 2018, enregistrée le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif d'Orléans, avant qu'il soit statué sur la demande de M.B..., a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 742-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par la question prioritaire de constitutionnalité transmise, et par deux mémoires enregistrés les 13 avril et 16 mai 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... soutient que l'article L. 742-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable au litige, méconnaît l'article 53-1 de la Constitution et le quatrième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 53-1 et 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Barrois de Sarigny, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Xavier Domino, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de M. B...;
1. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
2. Considérant que, sur le fondement de ces dispositions, M. B...a demandé, à l'appui du recours pour excès de pouvoir qu'il a formé devant le tribunal administratif d'Orléans contre l'arrêté du 22 décembre 2017 du préfet du Loiret l'assignant à résidence aux fins de mise en oeuvre de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile, que soit renvoyée au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles L. 742-1 et L. 742-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par une ordonnance du 7 mars 2018, la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif d'Orléans a décidé, par application de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, de ne transmettre la question de constitutionnalité au Conseil d'Etat qu'en tant qu'elle met en cause l'article L. 742-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
3. Considérant que si le ministre de l'intérieur fait valoir, devant le Conseil d'Etat, que le recours formé par M. B...devant le tribunal administratif est devenu sans objet dès lors que les services de la préfecture du Loiret lui ont remis, le 5 mars 2018, un dossier de demande d'asile et que lui a été délivrée une attestation de demandeur d'asile selon la procédure normale, le tribunal administratif d'Orléans n'a pas, à la date de la présente décision, prononcé de non-lieu à statuer sur le recours dont il est saisi ; qu'il s'ensuit que la question prioritaire de constitutionnalité transmise n'a pas perdu son objet et qu'il y a lieu, pour le Conseil d'Etat, de statuer sur son renvoi au Conseil constitutionnel ;
4. Considérant que les articles L. 742-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile organisent la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile en application du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par ce règlement ; que l'article L. 742-1 prévoit que l'étranger qui a présenté une demande d'asile que l'autorité administrative estime relever de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat ; que le second alinéa de cet article L. 742-1 précise qu'il ne " ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat " ; que l'article L. 742-2, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée, permettait à l'autorité administrative d'assigner à résidence l'étranger, pour une durée maximale de six mois renouvelable une fois, aux fins de mise en oeuvre de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile ; que M. B...soutient, à l'appui de la question de constitutionnalité qui a été transmise au Conseil d'Etat, que l'article L. 742-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile porterait atteinte au droit d'asile garanti par le quatrième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et l'article 53-1 de la Constitution ;
5. Considérant qu'aux termes du quatrième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel renvoie le Préambule de la Constitution : " Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la République " ; que, toutefois, l'article 53-1 de la Constitution, issu de la loi constitutionnelle du 25 novembre 1993 relative aux accords internationaux en matière de droit d'asile, a permis à la République de " conclure avec les États européens qui sont liés par des engagements identiques aux siens en matière d'asile et de protection des Droits de l'homme et des libertés fondamentales, des accords déterminant leurs compétences respectives pour l'examen des demandes d'asile qui leur sont présentées " ; que les dispositions du second alinéa de cet article 53-1, selon lesquelles " même si la demande n'entre pas dans leur compétence en vertu de ces accords, les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif ", si elles réservent le droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne étrangère alors même que l'examen de sa demande d'asile relèverait de la compétence d'un autre Etat, ne sauraient par elles-mêmes s'opposer à l'application de dispositions mettant en oeuvre les accords, conclus avec des Etats européens, en vertu desquels l'examen de demandes d'asile peut relever de la compétence d'un autre Etat que la France ;
6. Considérant que les dispositions de l'article L. 742-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoient des mesures susceptibles d'être prises par l'autorité administrative aux fins de mise en oeuvre de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile, organisée par le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ; que ces dispositions ne s'opposent pas, ainsi que le relève d'ailleurs explicitement le dernier alinéa de l'article L. 742-1, à ce que l'Etat puisse souverainement décider d'accorder l'asile à une personne étrangère dont l'examen de la demande d'asile relèverait pourtant de la compétence d'un autre Etat en vertu du règlement du 26 juin 2013 ; qu'elles ne méconnaissent pas le droit d'asile énoncé au quatrième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 qui, compte tenu des dispositions de l'article 53-1 de la Constitution, n'implique pas que l'étranger qui s'en prévaut bénéficie d'un droit au séjour provisoire sur le territoire qui excéderait le droit au maintien sur le territoire prévu dans le cadre de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile en vertu du règlement du 26 juin 2013 ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la question de la conformité à la Constitution de l'article L. 742-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne présente pas un caractère sérieux ; qu'il n'y a, dès lors, pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité transmise par le tribunal administratif d'Orléans.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre et au tribunal administratif d'Orléans.