La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/05/2018 | FRANCE | N°408223

France | France, Conseil d'État, 1ère et 4ème chambres réunies, 30 mai 2018, 408223


Vu la procédure suivante :

M. et Mme A...B... ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 10 mars 2016 par laquelle le président du conseil départemental de la Haute-Marne a refusé de leur verser l'allocation dite " tiers digne de confiance ". Par un jugement n° 1600489 du 15 décembre 2016, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a fait droit à cette demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 février 2017 et 22 mai 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le d

partement de la Haute-Marne demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce j...

Vu la procédure suivante :

M. et Mme A...B... ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 10 mars 2016 par laquelle le président du conseil départemental de la Haute-Marne a refusé de leur verser l'allocation dite " tiers digne de confiance ". Par un jugement n° 1600489 du 15 décembre 2016, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a fait droit à cette demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 février 2017 et 22 mai 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département de la Haute-Marne demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge du département des Pyrénées-Orientales la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de procédure civile ;
- la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 ;
- la loi n° 2015-382 du 3 avril 2015 ;
- l'ordonnance n° 2014-1543 du 19 décembre 2014 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Florence Marguerite, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Corlay, avocat de la département de la Haute-Marne.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par un jugement du 7 décembre 2015, le juge des enfants près le tribunal de grande instance de Perpignan a prolongé jusqu'à sa majorité le placement de l'enfant C... D... chez ses grands-parents, M. et Mme B..., domiciliés dans le département de la Haute-Marne. Par un courrier du 3 mars 2016, le département des Pyrénées-Orientales a informé M. et Mme B...qu'il ne prendrait plus en charge les frais financiers de la mesure prononcée par le juge des enfants de Perpignan à compter du mois de décembre 2015 en raison de leur domiciliation en Haute-Marne. Par un courrier du 10 mars 2016, dont M. et Mme B...ont demandé l'annulation au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, le département de la Haute-Marne a refusé de verser à ces derniers l'allocation dite " tiers digne de confiance " au titre de la prise en charge de leur petite-fille. Par un jugement du 15 décembre 2016, contre lequel le département de la Haute-Marne se pourvoit en cassation, le tribunal administratif a annulé la décision du 10 mars 2016.

2. Aux termes de l'article L. 228-3 du code de l'action sociale et des familles : " Le département prend en charge financièrement au titre de l'aide sociale à l'enfance, à l'exception des dépenses résultant de placements dans des établissements et services publics de la protection judiciaire de la jeunesse, les dépenses d'entretien, d'éducation et de conduite de chaque mineur : / 1° Confié par l'autorité judiciaire en application des articles 375-3,375-5 et 433 du code civil à des personnes physiques, établissements ou services publics ou privés ; / 2° Confié au service de l'aide sociale à l'enfance dans les cas prévus au 3° de l'article L. 222-5 ; / 3° Ou pour lequel est intervenue une délégation d'autorité parentale, en application des articles 377 et 377-1 du code civil, à un particulier ou à un établissement habilité dans les conditions fixées par voie réglementaire. (...) ". Aux termes des deuxième à quatrième alinéas de l'article L. 228-4 du même code, dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 19 décembre 2014 portant diverses mesures relatives à la création de la métropole de Lyon, alors en vigueur : " Les dépenses mentionnées à l'article L. 228-3 sont prises en charge par le département du ressort de la juridiction qui a prononcé la mesure en première instance, nonobstant tous recours éventuels contre les décisions correspondantes, dans les conditions suivantes : / 1° Les dépenses mentionnées au 2° de l'article L. 228-3 sont prises en charge par le département auquel le mineur est confié par l'autorité judiciaire ; / 2° Les autres dépenses mentionnées à l'article L. 228-3 résultant de mesures prononcées en première instance par l'autorité judiciaire sont prises en charge par le département sur le territoire duquel le mineur est domicilié... ".

3. Il résulte de l'article 7 de l'ordonnance du 19 décembre 2014 portant diverses mesures relatives à la création de la métropole de Lyon, éclairée par le rapport au Président de la République qui l'accompagnait, prise sur le fondement de l'article 39 de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, qui habilitait le Gouvernement à prendre des mesures d'adaptation de la législation en vigueur en conséquence de la création de la métropole de Lyon, ainsi que de la loi du 3 avril 2015 ratifiant cette ordonnance, éclairée par ses travaux préparatoires, qu'en modifiant l'article L. 228-4 du code de l'action sociale et des familles, l'auteur de ces dispositions, qui entendait régler la répartition, entre la métropole de Lyon, qui exerce sur son territoire les compétences du département, et le département du Rhône, du financement des dépenses d'entretien, d'éducation et de conduite de mineurs incombant à l'aide sociale à l'enfance, a alors déterminé, dans les cas où le ressort de la juridiction couvre plusieurs départements, celui d'entre eux devant assurer la prise en charge financière de la mesure décidée par l'autorité judiciaire, ce que confirment les termes des deuxième à cinquième alinéas de l'article L. 228-4, dans leur rédaction issue de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle, éclairée par ses travaux préparatoires. Les dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article L. 228-4 du code de l'action sociale et des familles fixent le principe selon lequel la charge financière des mesures d'assistance éducative ordonnées par le juge des enfants est attribuée au département du ressort de la juridiction qui a prononcé la mesure en première instance. Par suite, les 1° et 2° du même article ne sauraient trouver à s'appliquer qu'à des départements situés dans le ressort de cette juridiction.

4. Le département de la Haute-Marne est, dès lors, fondé à soutenir que le tribunal administratif a commis une erreur de droit en jugeant que les dispositions de l'article L. 228-4 du code de l'action sociale et des familles, dans leur rédaction applicable du 1er janvier 2015 au 20 novembre 2016, attribuaient la prise en charge financière des dépenses résultant de mesures de placement, décidées par l'autorité judiciaire, pour des mineurs qui ne sont pas confiés directement à l'aide sociale à l'enfance, au département sur le territoire duquel le mineur est domicilié.ou sur le territoire duquel sa résidence a été fixée

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 qu'en application des dispositions de l'article L. 228-4 du code de l'action sociale et des familles dans sa rédaction applicable au litige, la charge financière de la mesure de placement de C... D... chez ses grands-parents domiciliés en Haute-Marne, dès lors qu'elle avait été décidée par le juge des enfants de Perpignan, incombait au département des Pyrénées-Orientales. Par suite, M. et Mme B...ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision du président du conseil départemental de la Haute-Marne refusant la prise en charge financière de cette mesure.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département des Pyrénées-Orientales une somme de 3 000 euros à verser au département de la Haute-Marne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 15 décembre 2016 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. et Mme A...B...devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est rejetée.
Article 3 : Le département des Pyrénées-Orientales versera une somme de 3 000 euros au département de la Haute-Marne sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au département de la Haute-Marne, à M. et Mme A... B...et au département des Pyrénées-Orientales.
Copie en sera adressée au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à la ministre des solidarités et de la santé.


Synthèse
Formation : 1ère et 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 408223
Date de la décision : 30/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 30 mai. 2018, n° 408223
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Florence Marguerite
Rapporteur public ?: M. Rémi Decout-Paolini
Avocat(s) : CORLAY

Origine de la décision
Date de l'import : 03/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:408223.20180530
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award