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30/05/2018 | FRANCE | N°401892

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 30 mai 2018, 401892


Vu la procédure suivante :

La SA Banque BIA a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2000 et 2001, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 0606997 du 13 juillet 2010, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 10VE03058 du 19 février 2013, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la SA Banque BIA contre ce jugement.

Par

une décision n° 369076 du 17 juin 2015, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a ...

Vu la procédure suivante :

La SA Banque BIA a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2000 et 2001, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 0606997 du 13 juillet 2010, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 10VE03058 du 19 février 2013, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la SA Banque BIA contre ce jugement.

Par une décision n° 369076 du 17 juin 2015, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cet arrêt en tant qu'il a statué sur les provisions pour dépréciation des titres de créances négociables et sur les provisions pour dépréciation des créances détenues sur la banque IBEC.

Par un arrêt n° 15VE01985 du 26 mai 2016, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté dans cette mesure l'appel formé par la SA Banque BIA contre le jugement du 13 juillet 2010.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 27 juillet et 26 octobre 2016 et le 29 janvier 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SA Banque BIA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Luc Matt, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la SA Banque BIA.

Considérant ce qui suit :

1. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'en mars 2001, la SA Banque BIA a souscrit auprès de la Société Générale vingt-cinq coupures d'un bon à moyen terme négociable et acquis vingt-cinq coupures d'un " Euro Medium Term Note " émis par la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance, pour des montants de 25 millions d'euros à chaque fois. En vertu des contrats de souscription des titres conclus avec les organismes émetteurs, ces titres sont remboursés au terme d'une période de dix ans à leur valeur nominale, correspondant à leur prix de souscription, et donnent lieu, chaque année, au versement d'un intérêt variable, dont le montant est déterminé en appliquant au montant nominal des titres un taux de 10 % corrigé par la plus faible performance annuelle d'un panier d'actions de sociétés cotées françaises ou étrangères, sans que ce taux puisse être inférieur à zéro. Alors que la SA Banque BIA justifiait la provision pour dépréciation des titres de créance négociables litigieux à la clôture de l'exercice 2001 par la baisse du cours des actions des panels de référence depuis la souscription des titres, la cour a jugé que la baisse du cours des actions composant les panels de référence entre la souscription des titres et la clôture de l'exercice n'était pas de nature à justifier une baisse de la valeur probable de négociation des titres litigieux par rapport à leur valeur de souscription, en l'absence de production de tout élément de preuve relatif à la rémunération totale anticipée des titres au cours de leur durée de vie et au niveau des taux d'intérêt de marché. En exigeant ainsi que soit fournie, comme moyen de preuve de l'évolution de la valeur de tels titres, une comparaison entre leur taux de rendement actuariel et le taux du marché obligataire, la cour, qui a répondu à l'argumentation dont elle était saisie sans soulever un moyen d'office, n'a pas commis d'erreur de droit, dès lors que la valeur de marché d'un titre de créances négociable dépend non seulement des intérêts servis, mais aussi du taux d'intérêt du marché pour des titres équivalents de même maturité.

2. En second lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SA Banque BIA a constitué, à la clôture de l'exercice 2000, une provision pour couvrir un risque de perte sur une créance qu'elle détenait sur la banque russe IBEC par l'intermédiaire d'un groupement bancaire, à hauteur de 87,27 % du montant de cette créance. L'administration n'a admis la déduction de la provision inscrite à la clôture de cet exercice qu'à hauteur de 30 % du montant de la créance. En jugeant que le rapport d'inspection de la commission bancaire relatif à l'exercice clos en 2001, dont la société requérante se prévalait et qui indiquait que la restructuration de la dette de la banque IBEC justifiait, au titre de cet exercice, une provision à hauteur de 43,33 % du montant de la créance postérieurement à la conclusion, en septembre 2001, de l'accord sur la restructuration de la dette de la banque IBEC, n'était pas de nature à justifier le taux de provision retenu à la clôture de l'exercice 2000, la cour a commis une erreur de droit, dès lors que le taux de provisionnement à retenir avant cette restructuration ne pouvait pas être inférieur au taux de provisionnement à retenir postérieurement à la restructuration. Il résulte de ce qui précède que la SA Banque BIA est seulement fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il s'est prononcé sur la provision pour risque constituée à la clôture de l'exercice 2000 sur la créance détenue sur la banque IBEC.

3. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Le Conseil d'Etat étant saisi, en l'espèce, d'un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l'affaire au fond dans cette mesure.

4. Si la SA Banque BIA fait valoir que la banque russe IBEC, à qui elle avait consenti un prêt de 3 millions de dollars en août 1989 dans le cadre d'un groupement bancaire, a connu des difficultés financières après la disparition de l'URSS et a cessé tout remboursement au titre de son prêt à compter de 1992, elle ne fait état d'aucun élément de nature à justifier le taux de 87,27 % qu'elle a retenu pour calculer la provision litigieuse à la clôture de l'exercice 2000. En revanche, comme il a été dit au point 2, elle est fondée à se prévaloir du rapport d'inspection de la commission bancaire relatif à l'exercice clos en 2001 pour justifier que le taux de provision retenu à la clôture de l'exercice 2000 ne saurait être inférieur à celui de 43,33 % sur le capital que ce rapport recommandait de retenir pour l'exercice 2001, après la restructuration de la dette de la banque IBEC négociée en septembre 2001. Le montant déductible de la provision pour risque sur la créance détenue sur la banque IBEC constituée à la clôture de l'exercice 2000 doit donc être calculé, non pas à partir du taux de 30 % du montant de la créance, retenu à tort par l'administration, mais à partir du taux de 43,33 % que justifie, comme il lui incombe, la société requérante. Il résulte de ce qui précède que la SA Banque BIA est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 13 juillet 2010, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise ne lui a pas accordé une réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice 2000 à raison de la différence entre le calcul de la provision litigieuse à un taux de 30 % et à un taux de 43,33 %.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à la SA Banque BIA au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 26 mai 2016 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé en tant qu'il s'est prononcé sur la provision pour risque constituée à la clôture de l'exercice 2000 sur la créance détenue sur la banque IBEC.

Article 2 : Il est accordé à la SA Banque BIA une réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice 2000 à raison de la différence entre le calcul de la provision sur la créance détenue sur la banque IBEC à un taux de 30 % et à un taux de 43,33 %.

Article 3 : Le jugement du 13 juillet 2010 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à la SA Banque BIA au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions du pourvoi et de la requête d'appel de la SA Banque BIA est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la SA Banque BIA et au ministre de l'action et des comptes publics.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 30 mai. 2018, n° 401892
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Luc Matt
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Date de la décision : 30/05/2018
Date de l'import : 05/06/2018

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 401892
Numéro NOR : CETATEXT000036965981 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2018-05-30;401892 ?
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