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18/05/2018 | FRANCE | N°408059

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre jugeant seule, 18 mai 2018, 408059


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 16 février et 16 mai 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union nationale de l'architecture et des maîtres d'oeuvre (UNAMO) demande au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2016-1738 du 14 décembre 2016 relatif à des dispenses de recours à un architecte ;

2°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle relativ

e à l'interprétation des articles 49 et 56 du traité sur le fonctionnement de l'Union ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 16 février et 16 mai 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union nationale de l'architecture et des maîtres d'oeuvre (UNAMO) demande au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2016-1738 du 14 décembre 2016 relatif à des dispenses de recours à un architecte ;

2°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle relative à l'interprétation des articles 49 et 56 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 ;

- la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 ;

- la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 ;

- la décision du 21 juillet 2017 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l'Union nationale de l'architecture et des maîtres d'oeuvre :

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sandrine Vérité, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de l'Union nationale de l'architecture et des maîtres d'oeuvre.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " (...) les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un État membre dans le territoire d'un autre État membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un État membre établis sur le territoire d'un État membre. / La liberté d'établissement comporte l'accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d'entreprises, et notamment de sociétés au sens de l'article 54, deuxième alinéa, dans les conditions définies par la législation du pays d'établissement pour ses propres ressortissants, sous réserve des dispositions du chapitre relatif aux capitaux ". Aux termes du premier alinéa de l'article 56 de ce traité : " (...) les restrictions à la libre prestation des services à l'intérieur de l'Union sont interdites à l'égard des ressortissants des États membres établis dans un État membre autre que celui du destinataire de la prestation ".

2. Une restriction à la liberté d'établissement et à la liberté de prestation des services à l'intérieur de l'Union européenne peut être admise au titre des mesures dérogatoires prévues par le traité si elle est justifiée par des raisons impérieuses d'intérêt général et si les mesures restrictives s'appliquent de manière non discriminatoire, sont propres à garantir la réalisation de l'objectif qu'elles poursuivent et ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre.

3. L'article 3 de la loi du 3 janvier 1977 sur l'architecture prévoit que : " Quiconque désire entreprendre des travaux soumis à une autorisation de construire doit faire appel à un architecte pour établir le projet architectural faisant l'objet de la demande de permis de construire, sans préjudice du recours à d'autres personnes participant, soit individuellement, soit en équipe, à la conception. Cette obligation n'exclut pas le recours à un architecte pour des missions plus étendues. / Le projet architectural mentionné ci-dessus définit par des plans et documents écrits l'implantation des bâtiments, leur composition, leur organisation et l'expression de leur volume ainsi que le choix des matériaux et des couleurs (...) ". L'article 4 de la même loi, dans sa rédaction issue de la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de création, à l'architecture et au patrimoine, dispose que : " Par dérogation à l'article 3 ci-dessus, ne sont pas tenues de recourir à un architecte les personnes physiques ou exploitations agricoles qui déclarent vouloir édifier ou modifier, pour elles-mêmes, une construction de faible importance dont les caractéristiques, et notamment la surface maximale de plancher, sont déterminées par décret en Conseil d'Etat. Ces caractéristiques peuvent être différentes selon la destination des constructions. / (...) Pour les constructions édifiées ou modifiées par les personnes physiques, à l'exception des constructions à usage agricole, la surface maximale de plancher déterminée par ce décret ne peut être supérieure à 150 mètres carrés ". L'article L. 431-1 du code de l'urbanisme prévoit que la demande de permis de construire ne peut être instruite que si la personne qui désire entreprendre des travaux soumis à une autorisation a fait appel à un architecte pour établir le projet architectural faisant l'objet de la demande de permis de construire et le premier alinéa de l'article L. 431-3 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 7 juillet 2016, déroge à cette exigence dans les mêmes termes que l'article 4 de la loi du 3 janvier 1977. Enfin, l'article R. 431-2 de ce code, dans sa rédaction issue du décret du 14 décembre 2016 dont l'Union nationale de l'architecture et des maîtres d'oeuvre demande l'annulation pour excès de pouvoir, précise que ne sont pas tenues de recourir à un architecte les personnes physiques ou les exploitations agricoles qui déclarent vouloir édifier ou modifier pour elles-mêmes soit une construction à usage autre qu'agricole dont la surface de plancher n'excède pas cent cinquante mètres carrés, soit une construction à usage agricole remplissant certaines conditions.

4. Par les dispositions critiquées de l'article 4 de la loi du 3 janvier 1977 et de l'article L. 431-3 du code de l'urbanisme, destinées à favoriser la qualité des constructions, leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant et le respect des paysages naturels ou urbains, le législateur a poursuivi un objectif impérieux d'intérêt général. Ces dispositions n'introduisent aucune discrimination, directe ou indirecte, en fonction de la nationalité du professionnel considéré ou, s'agissant d'une société, de la localisation de son siège. En prévoyant que les personnes physiques édifiant ou modifiant pour elles-mêmes une construction, à moins qu'elle ne soit à usage agricole, devraient nécessairement recourir à un architecte pour établir le projet architectural joint à la demande de permis de construire si la surface de plancher de la construction excède 150 mètres carrés, le législateur a adopté des mesures qui sont propres à garantir l'objectif poursuivi et ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre, au regard notamment de la surface moyenne de plancher des maisons individuelles faisant l'objet de permis de construire délivrés à des particuliers.

5. Par suite, l'Union nationale de l'architecture et des maîtres d'oeuvre n'est pas fondée à soutenir que le décret attaqué a été pris sur le fondement de dispositions qui méconnaîtraient l'article 56 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ni, à supposer même que les dispositions de l'article 15 de la directive du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur ne fassent pas obstacle à une telle appréciation, l'article 49 de ce traité.

6. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de l'Union nationale de l'architecture et des maîtres d'oeuvre tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 14 décembre 2016 relatif à des dispenses de recours à un architecte doivent être rejetées.

7. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font, dès lors, obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de l'Union nationale de l'architecture et des maîtres d'oeuvre est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'Union nationale de l'architecture et des maîtres d'oeuvre, au Premier ministre et à la ministre de la culture.


Synthèse
Formation : 1ère chambre jugeant seule
Numéro d'arrêt : 408059
Date de la décision : 18/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 18 mai. 2018, n° 408059
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sandrine Vérité
Rapporteur public ?: M. Rémi Decout-Paolini
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:408059.20180518
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