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26/04/2018 | FRANCE | N°413170

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 26 avril 2018, 413170


Vu la procédure suivante :

La société Le Grau du Roi Loisirs a demandé au tribunal administratif de Nîmes, d'une part, d'annuler le courrier du 23 août 2013 par lequel le directeur de cabinet du ministre de l'intérieur lui a interdit d'installer des machines à sous au sein des emplacements fumeurs du casino qu'elle exploite au Grau du Roi, ainsi que le courrier du 25 novembre 2013 du directeur des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'intérieur confirmant cette interdiction, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 648,50 euros

par jour à compter du 25 août 2013, ou de 647,18 euros par jour, ...

Vu la procédure suivante :

La société Le Grau du Roi Loisirs a demandé au tribunal administratif de Nîmes, d'une part, d'annuler le courrier du 23 août 2013 par lequel le directeur de cabinet du ministre de l'intérieur lui a interdit d'installer des machines à sous au sein des emplacements fumeurs du casino qu'elle exploite au Grau du Roi, ainsi que le courrier du 25 novembre 2013 du directeur des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'intérieur confirmant cette interdiction, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 648,50 euros par jour à compter du 25 août 2013, ou de 647,18 euros par jour, au titre du manque à gagner, augmentée des intérêts légaux, capitalisés, courant à compter du 21 octobre 2013. Par un jugement n° 1400242 du 2 juillet 2015, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 15MA03672 du 6 juin 2017, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de la société Le Grau du Roi Loisirs, annulé ce jugement, annulé le courrier du 23 août 2013 et rejeté le surplus de ses conclusions.

Par un pourvoi, enregistré le 8 août 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Le Grau du Roi Loisirs demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

- le code de la santé publique ;

- l'arrêté du 14 mai 2007 relatif à la réglementation des jeux dans les casinos ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de la société Le Grau du Roi Loisirs.

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, le 18 mars 2013, la société Le Grau du Roi Loisirs a ouvert dans les locaux du casino qu'elle exploite des espaces fumeurs équipés de machines à sous ; que, par un courrier du 23 août 2013, le directeur de cabinet du ministre de l'intérieur a demandé au directeur de cette société de veiller à ce qu'aucune machine à sous ne soit mise à la disposition des clients dans les espaces fumeurs ; que la société a formé un recours gracieux contre ce courrier et demandé à être indemnisée des préjudices économiques qu'il lui causait ; que cette demande a été rejetée par un courrier du directeur des libertés publiques et des affaires juridiques du 25 novembre 2013 ; que, par un jugement du 2 juillet 2015, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté les conclusions de la société Le Grau du Roi Loisirs tendant à l'annulation des décisions contenues dans les courriers des 23 août et 25 novembre 2013 et à l'indemnisation de ses préjudices ; que, par un arrêt du 6 juin 2017, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement, annulé la décision du 23 août 2013 et rejeté le surplus des conclusions de la société ; que la société requérante demande l'annulation de cet arrêt ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 3511-7 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable à la date des décisions attaquées : " Il est interdit de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif, notamment scolaire, et dans les moyens de transport collectif, sauf dans les emplacements expressément réservés aux fumeurs. / Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application de l'alinéa précédent " ; qu'aux termes de l'article R. 3511-1 du même code, dans sa rédaction applicable à la même date : " L'interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif mentionnée à l'article L. 3511-7 s'applique : / 1° Dans tous les lieux fermés et couverts qui accueillent du public ou qui constituent des lieux de travail ( ...) " ; qu'aux termes de l'article R. 3511-2 du même code, dans sa rédaction applicable à la même date : " L'interdiction de fumer ne s'applique pas dans les emplacements mis à la disposition des fumeurs au sein des lieux mentionnés à l'article R. 3511-1 et créés, le cas échéant, par la personne ou l'organisme responsable des lieux (...) " ; qu'aux termes de son article R. 3511-3, alors en vigueur : " Les emplacements réservés mentionnés à l'article R. 3511-2 sont des salles closes, affectées à la consommation de tabac et dans lesquelles aucune prestation de service n'est délivrée. Aucune tâche d'entretien et de maintenance ne peut y être exécutée sans que l'air ait été renouvelé, en l'absence de tout occupant, pendant au moins une heure (...) " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 68-27 de l'arrêté du 14 mai 2007 relatif à la réglementation des jeux dans les casinos : " Tout casino qui exploite les machines à sous dans un local distinct doit au moins employer dans cette salle un caissier et affecter un membre du comité de direction au contrôle de ces jeux. Il pourra également employer un mécanicien pour effectuer les opérations courantes d'entretien et de dépannage (...) " ;

4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'installation de machines à sous au sein d'un local clos implique nécessairement la présence dans ce local d'un caissier ainsi que l'intervention d'un membre du comité de direction en cas d'événement ou d'incident requérant sa présence ; qu'une telle situation est incompatible avec le respect des dispositions du code de la santé publique citées ci-dessus, qui excluent l'intervention de personnels dans les salles closes réservées aux fumeurs avant que l'air y ait été renouvelé, en l'absence de tout occupant, pendant au moins une heure ; qu'il en résulte qu'en jugeant qu'une salle close affectée exclusivement à la consommation de tabac, au sens de l'article R. 3511-3 du code de la santé publique précité, constituait nécessairement un local distinct, au sens de l'article 68-27 de l'arrêté du 14 mai 2007 relatif à la réglementation des jeux dans les casinos, et en en déduisant que l'installation de machines à sous dans une telle salle méconnaissait les dispositions du code de la santé publique, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit ni inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis ; qu'au demeurant, les dispositions de l'article R. 3511-3 du code de la santé publique selon lesquelles aucune prestation de services n'est délivrée dans les emplacements réservés aux fumeurs font obstacle à ce qu'un casino permette à ses clients de bénéficier de prestations de jeux dans un tel emplacement ; que le pourvoi doit, par suite, être rejeté ;

5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à la société Le Grau du Roi Loisirs la somme qu'elle demande à ce titre ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de la société Le Grau du Roi Loisirs est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Le Grau du Roi Loisirs et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 413170
Date de la décision : 26/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 avr. 2018, n° 413170
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Dominique Langlais
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge
Avocat(s) : SCP GASCHIGNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:413170.20180426
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