Vu la procédure suivante :
Par un mémoire, enregistré le 16 janvier 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, M. A...demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son pourvoi tendant à l'annulation de l'arrêt n° 16NT00966 du 25 juillet 2017 relatif à sa demande de condamnation de l'Etat à lui verser les fractions de traitements et indemnités correspondant au service à temps plein qu'il a effectué entre le 11 novembre 2010 et le 15 février 2012 dans le cadre du dispositif de cessation progressive d'activité, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 54 de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 34 et 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Thomas Odinot, auditeur,
- les conclusions de M. Olivier Henrard, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Le Prado, avocat de M.A....
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 54 de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites : " I. - L'ordonnance n° 82-297 du 31 mars 1982 portant modification de certaines dispositions du code des pensions civiles et militaires de retraite et relative à la cessation d'activité des fonctionnaires et des agents de l'Etat et des établissements publics de l'Etat à caractère administratif et l'ordonnance n° 82-298 du 31 mars 1982 relative à la cessation progressive d'activité des agents titulaires des collectivités locales et de leurs établissements publics à caractère administratif sont abrogées. / II. - Les personnels admis, avant le 1er janvier 2011, au bénéfice de la cessation anticipée d'activité conservent, à titre personnel, ce dispositif. / III. - Les personnels mentionnés au II peuvent, à tout moment et sous réserve d'un délai de prévenance de trois mois, demander à renoncer au bénéfice de la cessation progressive d'activité " ;
3. Considérant qu'à l'appui de la question prioritaire de constitutionnalité qu'il soulève à l'encontre des dispositions de l'article 54 de la loi du 9 novembre 2010, M. A...soutient qu'en ne prévoyant pas que la renonciation au bénéfice de la cessation progressive d'activité emporte des conséquences rétroactives, permettant en particulier à un agent ayant renoncé à ce bénéfice de percevoir une rémunération correspondant à la quotité de service qu'il a réellement effectuée jusqu'à la date d'effet de sa sortie du dispositif de cessation progressive d'activité, le législateur n'a pas exercé pleinement la compétence qui lui est confiée par l'article 34 de la Constitution et a ce faisant porté atteinte au principe d'égalité des fonctionnaires devant la loi qui découle de l'article 6 de la Déclaration des droits l'homme et du citoyen ;
4. Considérant que les dispositions des articles 2 et suivants de l'ordonnance du 31 mars 1982 ont institué un dispositif de cessation progressive d'activité permettant aux fonctionnaires de l'Etat et de ses établissements publics à caractère administratif, sous certaines conditions, de réduire la quotité de temps de travail qu'ils accomplissent tout en diminuant la part de traitement, primes et indemnités qu'ils perçoivent ; que tout en supprimant ce dispositif, les dispositions de l'article 54 de la loi du 9 novembre 2010 ont prévu un droit d'option pour les personnels admis à bénéficier de ce dispositif avant le 1er janvier 2011, ces derniers pouvant soit le conserver, à titre personnel, soit y renoncer à tout moment, sous réserve d'un délai de prévenance de trois mois ; que cette alternative permet aux bénéficiaires du dispositif, s'ils le souhaitent, de reprendre une activité à temps complet ou de poursuivre leur activité professionnelle au-delà de l'âge d'ouverture des droits à retraite ; qu'en s'abstenant de prévoir la régularisation de la situation financière des agents qui renoncent au bénéfice de la cessation progressive d'activité, le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence, les modalités concrètes d'application du dispositif de cessation progressive d'activité et, le cas échéant, la détermination des effets de la renonciation à ce dispositif ne ressortissant pas du domaine réservé à la loi par l'article 34 de la Constitution ; que le législateur n'a pas davantage méconnu le principe d'égalité devant la loi, qui ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; qu'en effet, les fonctionnaires ayant bénéficié de la cessation progressive d'activité et y ayant renoncé et ceux n'en ayant pas bénéficié avant le 1er janvier 2011 sont placés dans des situations différentes et la différence de traitement qui en résulte est en rapport direct avec l'objet des dispositions tant de l'ordonnance du 31 mars 1982, qui visait à une diminution de l'activité de fonctionnaires avant le départ à la retraite, que de l'article 54 de la loi du 9 novembre 2010, qui a supprimé le dispositif de cessation progressive d'activité afin de participer à l'objectif d'allongement de l'activité professionnelle des fonctionnaires ; que, dès lors, la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que l'article 54 de la loi du 9 novembre 2010 porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M.A....
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et à la garde des sceaux, ministre de la justice.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre et au ministre de l'action et des comptes publics.