Vu la procédure suivante :
La société Electricité Réseau de France devenue la société Enedis a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler les décisions des 10 février et 1er mars 2012 par lesquelles le département de la Creuse lui a imposé, pour la réalisation des travaux de raccordement du parc éolien de Bussière-Saint-Georges au poste de Boussac, des sujétions relatives à la réfection de la chaussée de la route départementale 917. Par un jugement n° 1201403 du 16 octobre 2014, ce tribunal a fait droit à sa demande.
Par un arrêt n° 14BX03525 du 27 octobre 2016, la cour administrative d'appel de Bordeaux, sur appel du département de la Creuse, a annulé ce jugement et rejeté la demande de la société.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 23 décembre 2016, 16 mars 2017 et 17 juillet 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Enedis demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du département de la Creuse ;
3°) de mettre à la charge du département de la Creuse la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'énergie ;
- le code de la voirie routière ;
- le décret n° 2011-1697 du 1er décembre 2011 relatif aux ouvrages des réseaux publics d'électricité et des autres réseaux d'électricité et au dispositif de surveillance et de contrôle des ondes électromagnétiques ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Emmanuelle Petitdemange, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat de la socité Enedis et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat du département de la Creuse ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, sur le fondement du décret du 1er décembre 2011, la société Electricité Réseau de France (ERDF) a soumis le 29 février 2012 à approbation du préfet de la Creuse un projet de réalisation d'une liaison à Haute tension entre le futur parc éolien de Bussière-Saint-Georges et le poste source de Boussac. La société ERDF avait auparavant, conformément aux exigences de l'article 3 dudit décret, sollicité l'avis du département de la Creuse, en qualité de gestionnaire du domaine public départemental. Par un courrier du 10 février 2012, confirmé le 1er mars 2012, le président du conseil général de la Creuse a indiqué à la société que ces travaux devraient être conduits dans le respect d'un certain nombre de prescriptions et l'invitait, notamment, à procéder à la réfection de la route départementale 917 (RD 917) sur une largeur de 3,10 mètres. Par arrêté du 16 mars 2012, le préfet de la Creuse l'a autorisée " à faire exécuter les travaux prévus au projet d'exécution, à charge pour lui de se conformer aux dispositions des arrêtés et décrets en vigueur, ainsi qu'aux prescriptions particulières préconisées lors des consultations, auxquelles il prend l'engagement de satisfaire ". Le 5 avril suivant, la société ERDF a sollicité du département de la Creuse, en application des dispositions du règlement départemental de voirie, un " accord technique " préalable à la réalisation des travaux sur la RD 917. Par décision du 23 avril 2012, le président du conseil général de la Creuse a fait droit à cette demande sous réserve du respect des prescriptions énoncées dans ses courriers des 10 février et 1er mars 2012. Par un jugement du 16 octobre 2014, le tribunal administratif de Limoges a fait droit à la demande de la société ERDF tendant à l'annulation des courriers des 10 février et 1er mars 2012, en tant qu'ils lui imposaient la réfection de la RD 917 sur une largeur de 3,10 mètres. La société, devenue société Enedis, se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 27 octobre 2016 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé ce jugement et rejeté sa demande comme irrecevable.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 2 du décret du 1er décembre 2011 alors en vigueur, pris pour l'application des articles L. 323-11 à L. 323-13 du code de l'énergie relatifs au contrôle de la construction et de l'exploitation des ouvrages de transport et de distribution : " I. - Sans préjudice des conditions prévues par d'autres réglementations, tout projet d'un ouvrage d'un réseau public de distribution d'électricité fait l'objet, préalablement à son exécution, d'une approbation dans les conditions fixées par l'article 3 (...) ". Cet article 3 prévoit que " (...) le maître d'ouvrage consulte le préfet, les maires des communes et les gestionnaires des domaines publics sur le territoire ou l'emprise desquels les ouvrages doivent être implantés ainsi que les gestionnaires de services publics concernés par le projet. A cette fin, il leur transmet un dossier comprenant : / - une note de présentation décrivant les caractéristiques principales du projet ; /- une carte à une échelle appropriée sur laquelle figure le tracé de détail des canalisations électriques et l'emplacement des autres ouvrages électriques projetés ; / - tous documents aptes à justifier la conformité du projet avec la réglementation technique en vigueur. / Les avis des parties consultées sont rendus dans un délai d'un mois. S'ils ne sont pas parvenus dans ce délai, ils sont réputés donnés. / A l'issue du délai précité, le maître d'ouvrage adresse au préfet une demande d'approbation du projet qui mentionne l'accord entre l'autorité organisatrice du réseau et le gestionnaire de celui-ci, accompagnée d'un dossier comprenant : / - les justificatifs de la saisine des parties consultées et les avis qu'elles ont rendus ; / - les réponses que le maître d'ouvrage apporte aux observations formulées ; / - les propositions du maître d'ouvrage quant à la poursuite du projet. / A réception du dossier, le préfet adresse au demandeur le récépissé de la demande. Il statue dans un délai de six semaines à compter de sa saisine. A défaut de décision notifiée dans ce dernier délai, l'approbation du projet est réputée acquise sur la base des propositions du maître d'ouvrage (...) ".
3. En second lieu, aux termes de l'article L. 113-3 du code de la voirie routière : " Sous réserves des prescriptions prévues à l'article L. 122-3, (...) les services publics de transport ou de distribution d'électricité ou de gaz peuvent occuper le domaine public routier en y installant des ouvrages, dans la mesure où cette occupation n'est pas incompatible avec son affectation à la circulation terrestre (...) ". Aux termes de l'article L. 323-1 du code de l'énergie : " La concession ou autorisation de transport ou de distribution d'électricité confère à l'entrepreneur le droit d'exécuter sur les voies publiques et leurs dépendances tous travaux nécessaires à l'établissement et à l'entretien des ouvrages en se conformant aux conditions du cahier des charges, des règlements de voirie et des décrets en Conseil d'Etat prévus à l'article L. 323-11, sous réserve du respect des dispositions du code de la voirie routière, en particulier de ses articles L. 113-3 et L. 122-3 ". Il découle de ces dispositions que le droit d'occupation du domaine public routier reconnu à la société ERDF, devenue société Enedis, en sa qualité de concessionnaire d'un réseau d'électricité ne peut s'exercer que dans les conditions prévues par les règlements de voirie. Les autorités compétentes peuvent, par la voie de ces règlements, subordonner l'exercice du droit dont il s'agit aux conditions qui se révèlent indispensables pour assurer la protection du domaine public routier dont elles ont la charge et en garantir un usage répondant à sa destination.
4. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que le concessionnaire d'un réseau public de distribution d'électricité doit, préalablement à la réalisation de tout projet de construction d'ouvrage de ce réseau, d'une part, solliciter l'approbation du préfet au titre du code de l'énergie dans les conditions prévues par le décret du 1er décembre 2011, d'autre part, alors même qu'il tient de la loi le droit d'occuper le domaine public routier en y installant des ouvrages compatibles avec son affectation à la circulation terrestre et d'exécuter sur les voies publiques tous travaux nécessaires à l'établissement et à l'entretien de ces ouvrages, recueillir l'accord des services du gestionnaire de la voirie quant aux modalités techniques de réalisation des travaux, dans le respect des prescriptions des règlements de voirie.
5. La cour a relevé, par une appréciation souveraine non arguée de dénaturation, que les courriers des 10 février et 1er mars 2012 par lesquels le président du conseil général de la Creuse a indiqué à la société requérante que les travaux envisagés devraient être conduits dans le respect d'un certain nombre de conditions techniques avaient été émis dans le cadre de la procédure d'approbation du projet par l'arrêté préfectoral du 16 mars 2012 prévue par les dispositions précitées de l'article 3 du décret du 1er décembre 2011, alors même qu'ils mentionnaient des prescriptions à respecter par les intervenants s'agissant de son domaine public routier, prescriptions qui ont ultérieurement été fixées par le président du conseil départemental dans sa décision du 23 avril 2012 d'autorisation des travaux prise en application du règlement départemental de voirie. Elle n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que ces avis, pris ainsi dans le cadre de la procédure d'approbation du projet par l'arrêté préfectoral du 16 mars 2012, constituaient des mesures préparatoires à cette décision, ni en jugeant, par suite, qu'un recours pour excès de pouvoir contre de telles mesures était irrecevable.
6. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi de la société Enedis doit être rejeté. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à sa charge la somme de 3 000 euros à verser au département de la Creuse, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de ce département qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de la société Enedis est rejeté.
Article 2 : La société Enedis versera au département de la Creuse une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée la société Enedis et au département de la Creuse.