Vu les procédures suivantes :
1° Le syndicat Sud Santé Sociaux 31 a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 27 avril 2011 par laquelle le directeur du centre hospitalier universitaire de Toulouse a fixé le tableau de service des infirmiers du service des grands brûlés pour la période commençant le 30 mai 2011 et la décision du 13 juillet 2012 par laquelle il a fixé ce tableau de service pour la période postérieure à cette date. Par un jugement n° 1103285, 1300114 du 17 décembre 2014, le tribunal administratif a annulé ces décisions.
Par un arrêt n° 15BX00530, 15BX00532 du 19 janvier 2016, la cour administrative d'appel de Bordeaux, statuant sur appel du centre hospitalier universitaire de Toulouse, a annulé ce jugement en tant qu'il annulait la décision du 13 juillet 2012 et rejeté les conclusions du syndicat tendant à l'annulation de cette décision.
Sous le n° 398069, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 mars et 17 juin 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat Sud Santé Sociaux 31 demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il fait droit à l'appel du centre hospitalier universitaire de Toulouse ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du centre hospitalier universitaire de Toulouse ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Toulouse la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Le syndicat Sud Santé Sociaux 31 a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 27 avril 2011 par laquelle le directeur du centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse a fixé le tableau de service des aides-soignants du service des grands brûlés pour la période commençant le 30 mai 2011 et la décision du 13 juillet 2012 par laquelle il a fixé ce tableau de service pour la période postérieure à cette date. Par un jugement n° 1103286, 1300113 du 17 décembre 2014, le tribunal administratif a annulé ces décisions.
Par un arrêt n° 15BX00534, 15BX00535 du 19 janvier 2016, la cour administrative d'appel de Bordeaux, statuant sur l'appel du CHU de Toulouse, a annulé ce jugement en tant qu'il annulait la décision du 13 juillet 2012 et rejeté les conclusions du syndicat tendant à l'annulation de cette décision.
Sous le n° 398070, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 mars et 17 juin 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat Sud Santé Sociaux 31 demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il fait droit à l'appel du CHU de Toulouse ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du CHU de Toulouse ;
3°) de mettre à la charge du CHU de Toulouse la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 2002-9 du 4 janvier 2002 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat du syndicat Sud Santé Sociaux 31 et à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat du centre hospitalier universitaire de Toulouse.
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le directeur du centre hospitalier universitaire de Toulouse a arrêté les tableaux de service respectifs des infirmiers et des aides-soignants du service des grands brûlés de cet établissement pour la période postérieure au 30 mai 2011 par deux décisions du 27 avril 2011 et pour la période postérieure au 13 juillet 2012 par deux décisions prises à cette même date ; que le tribunal administratif de Toulouse, statuant sur la demande du syndicat Sud Santé Sociaux 31, a annulé ces décisions par deux jugements du 17 décembre 2014 ; que, par deux arrêts du 19 janvier 2016, la cour administrative d'appel de Bordeaux, statuant sur l'appel du centre hospitalier universitaire de Toulouse, a annulé ces jugements en tant qu'ils annulaient les décisions du 13 juillet 2012 et rejeté les conclusions dirigées par le syndicat requérant contre ces décisions ; que, par deux pourvois, le syndicat Sud Santé Sociaux 31 demande l'annulation de ces arrêts en tant qu'ils font droit aux requêtes d'appel du centre hospitalier universitaire de Toulouse ; que ses pourvois présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 1er du décret du 4 janvier 2002 relatif au temps de travail et à l'organisation du travail dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " La durée du travail est fixée à 35 heures par semaine dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée " ; qu'aux termes de l'article 6 du même décret : " L'organisation du travail doit respecter les garanties ci-après définies. / La durée hebdomadaire de travail effectif, heures supplémentaires comprises, ne peut excéder 48 heures au cours d'une période de 7 jours. / (...) " ; qu'aux termes de l'article 9 : " Le travail est organisé selon des périodes de référence dénommées cycles de travail définis par service ou par fonctions et arrêtés par le chef d'établissement après avis du comité technique d'établissement ou du comité technique paritaire. / Le cycle de travail est une période de référence dont la durée se répète à l'identique d'un cycle à l'autre et ne peut être inférieure à la semaine ni supérieure à douze semaines ; le nombre d'heures de travail effectué au cours des semaines composant le cycle peut être irrégulier. / Il ne peut être accompli par un agent plus de 44 heures par semaine. / Les heures supplémentaires et repos compensateurs sont décomptés sur la durée totale du cycle. Les repos compensateurs doivent être pris dans le cadre du cycle de travail " ; qu'enfin, aux termes du dernier alinéa de l'article 11 : " (...) Il ne peut être effectué plus de 39 heures hebdomadaires en moyenne sur le cycle, hors heures supplémentaires, ni plus de 44 heures par semaine, hors heures supplémentaires, en cas de cycle irrégulier " ;
3. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que la durée de travail effectif des agents de la fonction publique hospitalière ne peut excéder quarante-huit heures, heures supplémentaires comprises, au cours d'une période de sept jours, ni quarante-quatre heures, heures supplémentaires non comprises, au cours d'une semaine civile, ni trente-neuf heures en moyenne par semaine civile, heures supplémentaires non comprises, au cours d'un cycle irrégulier ; que les articles 6 et 16 à 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, qui disposent que la durée hebdomadaire du travail calculée sur une période de référence pouvant aller de quatre à douze mois ne peut excéder quarante-huit heures en moyenne par semaine civile, heures supplémentaires comprises, sont sans incidence sur l'interprétation à retenir des dispositions de l'article 6 du décret cité ci-dessus, selon lesquelles la durée hebdomadaire maximale de travail, calculée de façon absolue et non en moyenne, " ne peut excéder 48 heures au cours d'une période de 7 jours " ; qu'eu égard à la lettre et à l'objet des dispositions relatives au temps de travail, qui visent à assurer la protection de la santé et la sécurité des salariés, ces dernières dispositions doivent être interprétées comme imposant que la durée du travail effectué par un agent de la fonction publique hospitalière au cours de toute période de sept jours, déterminée de manière glissante, et non au cours de chaque semaine civile, n'excède pas quarante-huit heures ;
4. Considérant, par suite, qu'en jugeant, par un motif qui n'était pas surabondant, qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne faisait obstacle à ce qu'un cycle d'une semaine civile soit retenu par le centre hospitalier universitaire comme période de référence au cours de laquelle le temps de travail effectif, heures supplémentaires comprises, ne peut excéder quarante-huit heures, la cour administrative d'appel de Bordeaux a commis une erreur de droit qui justifie l'annulation de ses arrêts en tant qu'ils statuent sur les décisions du 13 juillet 2012 ;
5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
6. Considérant qu'aux termes du 1° de l'article 7 du décret précité du 4 janvier 2002 : " 1° En cas de travail continu, la durée quotidienne de travail ne peut excéder 9 heures pour les équipes de jour, 10 heures pour les équipes de nuit. Toutefois lorsque les contraintes de continuité du service public l'exigent en permanence, le chef d'établissement peut, après avis du comité technique d'établissement, ou du comité technique, déroger à la durée quotidienne du travail fixée pour les agents en travail continu, sans que l'amplitude de la journée de travail ne puisse dépasser 12 heures " ; qu'eu égard à la spécificité du service public hospitalier, ces dispositions doivent être regardées comme permettant le recours à une durée quotidienne de travail de douze heures dans les services où, eu égard à la situation particulière des patients accueillis, le maintien auprès d'eux des mêmes personnels soignants pendant cette durée permet d'assurer un niveau adéquat de qualité des soins ; que, pour annuler les tableaux de service établis le 13 juillet 2012, le tribunal administratif a jugé qu'il n'était pas établi que les contraintes de continuité du service public exigeaient en permanence le recours à une durée quotidienne de travail de douze heures ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que l'organisation du travail des agents en cycle de douze heures se justifie en l'espèce par des contraintes de continuité propres au service des grands brûlés et tenant notamment à la qualité des soins que le maintien des mêmes personnels auprès des patients permet d'assurer à ceux-ci du point de vue du suivi de leur cicatrisation, de leur alimentation et de la limitation des infections ; qu'ainsi, c'est à tort que, pour annuler le tableau de service établi à compter du 13 juillet 2012, le tribunal administratif s'est fondé sur le motif tiré d'un dépassement non justifié de la durée maximale quotidienne de travail ;
7. Mais considérant qu'il appartient au juge d'appel, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par le syndicat Sud Santé Sociaux 31 ; qu'il résulte de ce qui est indiqué au point 3 ci-dessus que les tableaux de services en litige méconnaissent les dispositions de l'article 6 du décret précité en ce que la durée de travail qu'ils fixent pour certains infirmiers et aides soignants du service des grands brûlés excède la durée maximale établie par ce décret à quarante-huit heures, heures supplémentaires comprises, sur toute période de sept jours, déterminée de manière glissante ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier universitaire de Toulouse n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par les jugements dont il relève appel, le tribunal administratif de Toulouse a annulé les tableaux de service du 13 juillet 2012 ;
9. Considérant que, si l'annulation des arrêts de la cour administrative d'appel de Marseille entraîne l'annulation rétroactive des tableaux de service en litige, cette annulation n'est pas de nature à emporter des conséquences manifestement excessives, eu égard tant aux effets que ces actes ont produits et aux situations qui ont pu se constituer lorsqu'ils étaient en vigueur qu'à l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de leurs effets ; qu'il n'y a dès lors pas lieu d'en différer l'annulation dans le temps ;
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du syndicat Sud Santé Sociaux 31, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHU de Toulouse la somme de 5 000 euros à verser au syndicat Sud Santé Sociaux 31 au titre de la présente instance et de l'instance d'appel ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 des arrêts attaqués sont annulés.
Article 2 : Les appels dirigés par le centre hospitalier universitaire de Toulouse contre les jugements du 17 décembre 2014 en tant qu'ils statuent sur les tableaux de service du 13 juillet 2012 sont rejetés.
Article 3 : Le centre hospitalier universitaire de Toulouse versera la somme de 5 000 euros au syndicat Sud Santé Sociaux 31 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier universitaire de Toulouse au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au centre hospitalier universitaire de Toulouse et au syndicat Sud Santé Sociaux 31.
Copie en sera transmise à la ministre des solidarités et de la santé.