La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/03/2018 | FRANCE | N°405315

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 28 mars 2018, 405315


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 22 novembre 2016 et 30 juin 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B...demande au Conseil d'Etat :

1°) de condamner l'Etat à lui verser, en réparation des préjudices qu'il a subis en raison de la durée excessive de jugement de ses requêtes du 18 janvier 2008 et du 20 août 2008, une indemnité de 500 000 euros ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat de M.B..., au titre des articl

es L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 22 novembre 2016 et 30 juin 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B...demande au Conseil d'Etat :

1°) de condamner l'Etat à lui verser, en réparation des préjudices qu'il a subis en raison de la durée excessive de jugement de ses requêtes du 18 janvier 2008 et du 20 août 2008, une indemnité de 500 000 euros ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat de M.B..., au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Huet, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat de M. B...;

1. Considérant qu'il résulte des principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions administratives que les justiciables ont droit à ce que leurs requêtes soient jugées dans un délai raisonnable ; que, si la méconnaissance de cette obligation est sans incidence sur la validité de la décision juridictionnelle prise à l'issue de la procédure, les justiciables doivent néanmoins pouvoir en faire assurer le respect ; qu'ainsi, lorsque la méconnaissance du droit à un délai raisonnable de jugement leur a causé un préjudice, ils peuvent obtenir la réparation de l'ensemble des dommages, tant matériels que moraux, directs et certains, ainsi causés par le fonctionnement défectueux du service public de la justice ;

2. Considérant que le caractère raisonnable du délai de jugement d'une affaire doit s'apprécier de manière à la fois globale, compte tenu, notamment, de l'exercice des voies de recours, particulière à chaque instance et concrète, en prenant en compte sa complexité, les conditions de déroulement de la procédure et, en particulier, le comportement des parties tout au long de celle-ci, mais aussi, dans la mesure où la juridiction saisie a connaissance de tels éléments, l'intérêt qu'il peut y avoir, pour l'une ou l'autre, compte tenu de sa situation particulière, des circonstances propres au litige et, le cas échéant, de sa nature même, à ce qu'il soit tranché rapidement ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme B... ont saisi le tribunal administratif de Toulouse les 18 janvier et 20 août 2008 de deux demandes tendant à l'annulation, d'une part, d'un courrier du 27 décembre 2008 du Préfet de la Haute-Garonne les informant que le concours de la force publique avait été réclamé pour procéder à leur expulsion et les invitant à quitter les lieux et, d'autre part, de sa décision du 8 janvier 2008 accordant ce concours de la force publique ; que le tribunal a, en les joignant, statué sur leurs demandes le 26 janvier 2012, soit quatre ans et trois mois après l'introduction de la première demande et trois ans et huit mois après l'introduction de la seconde ; que leur appel, enregistré le 11 juin 2012, a été rejeté par un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 24 novembre 2014 ;

4. Considérant que si M. B...a introduit le 26 novembre 2014 un recours en rectification d'erreur matérielle contre l'arrêt du 24 novembre, rejeté par la cour administrative d'appel de Bordeaux le 15 avril 2015, la durée de jugement de ce dernier recours, finalement rejeté et qui a donc été sans incidence sur la date à laquelle le litige a été définitivement tranché, n'a pas à être prise en compte ; que la durée globale de la procédure à prendre en compte a ainsi été de six ans, dix mois et six jours pour les deux instances ; que cette durée globale, alors que la complexité des affaires n'était pas avérée et qu'il y avait un intérêt particulier pour les requérants, ayant fait l'objet d'une procédure d'expulsion, à ce qu'elles soient jugées rapidement, doit être regardée comme excessive ;

5. Considérant que si durée de la procédure devant la juridiction administrative n'a pas eu d'influence sur les préjudices immobiliers et mobiliers invoqués par M.B..., il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que M. B...a subi, du fait du délai excessif de la procédure de jugement, de désagréments allant au-delà de ceux provoqués habituellement par un procès ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence qui en sont résultés en les fixant à 2 000 euros, tous intérêts compris à la date de la présente décision ;

6. Considérant que M.B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat de M.B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à cette société ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'Etat est condamné à verser à M. B...une somme de 2 000 euros tous intérêts compris à la date de la présente décision.

Article 2 : L'Etat versera à la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat de M. B..., la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B...et à la garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 405315
Date de la décision : 28/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 28 mar. 2018, n° 405315
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Laurent Huet
Rapporteur public ?: M. Frédéric Dieu
Avocat(s) : SCP COUTARD, MUNIER-APAIRE

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:405315.20180328
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award