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19/03/2018 | FRANCE | N°399868

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 19 mars 2018, 399868


Vu les procédures suivantes :

1° La SA Pierre et Vacances a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge de l'imposition d'un montant total de 37 654 734 euros à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice 2003 en application de l'article 1758 bis du code général des impôts. Par un jugement n° 1107985 du 18 juillet 2013, le tribunal administratif de Montreuil a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 13VE03080 du 17 mars 2016, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté le recours du ministre des finances et des compt

es publics contre ce jugement.

Par un pourvoi, enregistré le 17 mai 2016...

Vu les procédures suivantes :

1° La SA Pierre et Vacances a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge de l'imposition d'un montant total de 37 654 734 euros à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice 2003 en application de l'article 1758 bis du code général des impôts. Par un jugement n° 1107985 du 18 juillet 2013, le tribunal administratif de Montreuil a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 13VE03080 du 17 mars 2016, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté le recours du ministre des finances et des comptes publics contre ce jugement.

Par un pourvoi, enregistré le 17 mai 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat sous le n° 399868, le ministre des finances et des comptes publics demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.

2° La SA Pierre et Vacances a demandé au tribunal administratif de Montreuil le rétablissement du déficit reportable au titre de l'exercice 2003 du groupe fiscal intégré dont elle est la société mère, à concurrence d'une somme de 44 352 685 euros. Par un jugement n° 1107986 du 18 juillet 2013, le tribunal administratif de Montreuil a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 13VE03082 du 17 mars 2016, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté le recours du ministre des finances et des comptes publics contre ce jugement.

Par un pourvoi, enregistré le 17 mai 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat sous le n° 399869, le ministre des finances et des comptes publics demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt, par le même moyen que sous le n° 399868.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 94-1163 du 29 décembre 1994 ;

- la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 ;

- le code de justice administrative

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Luc Matt, maître des requêtes.

- les conclusions de M. Yohann Bénard, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la société Pierre et Vacances.

Considérant ce qui suit :

1. Les pourvois visés ci-dessus présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Aux termes du 1 de l'article 145 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux litiges : " Le régime fiscal des sociétés mères, tel qu'il est défini aux articles 146 et 216, est applicable aux sociétés (...) qui détiennent des participations satisfaisant aux conditions ci-après : (...) / c. Les titres de participations doivent avoir été souscrits à l'émission. A défaut, la personne morale participante doit avoir pris l'engagement de les conserver pendant un délai de deux ans. / (...) Les titres échangés dans le cadre de l'une des opérations visées aux 7 et 7 bis de l'article 38 et 2 de l'article 115 sont réputés détenus jusqu'à la cession des titres reçus en échange. (...) ". En vertu du 7 bis de l'article 38 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Le profit ou la perte réalisé lors de l'échange de droits sociaux résultant d'une fusion ou d'une scission de sociétés peut être compris dans le résultat de l'exercice au cours duquel les droits sociaux reçus en échange sont cédés. Dans ce cas, le profit ou la perte résultant de la cession ultérieure de ces droits sociaux est déterminé par rapport à la valeur que les droits sociaux remis à l'échange avaient du point de vue fiscal. (...) " ". Selon le I de l'article 210-0 A de ce code : " Les dispositions relatives aux fusions et aux scissions, prévues au 7 bis de l'article 38 (...) sont applicables : / 1° S'agissant des fusions, aux opérations par lesquelles : / a. Une ou plusieurs sociétés absorbées transmettent, par suite et au moment de leur dissolution sans liquidation, l'ensemble de leur patrimoine à une autre société préexistante absorbante, moyennant l'attribution à leurs associés de titres de la société absorbante et, éventuellement, d'une soulte ne dépassant pas 10 % de la valeur nominale de ces titres (...) ". Enfin, selon l'article 1758 bis du même code, alors en vigueur : " En cas de non-respect de l'engagement prévu au premier alinéa du c du 1 de l'article 145 la société participante est tenue de verser au Trésor une somme égale au montant de l'impôt dont elle a été exonérée indûment, majoré des intérêts de retard décomptés au taux de 0,75 % par mois. Ce versement est exigible dans les trois mois suivant la cession. "

3. Il résulte de ces dispositions que les titres de participation qui n'ont pas été souscrits à l'émission n'ouvrent droit au bénéfice du régime des sociétés mères que s'ils sont conservés pendant un délai de deux ans. Le c du 1 de l'article 145 du code général des impôts prévoit que les échanges de titres auxquels donnent lieu les opérations de fusion ou de scission mentionnées au 7 bis de l'article 38 du même code n'entraînent pas la rupture de cette condition, regardée comme satisfaite jusqu'à la cession des titres reçus en échange par la société mère. Toutefois, dès lors que le législateur a seulement entendu, ainsi qu'il ressort des travaux préparatoires, dès le vote de la loi du 29 décembre 1994 de finances rectificative pour 1994 et avant même le vote de la loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, garantir la neutralité des opérations de fusion, y compris celles pour lesquelles l'option pour l'application du régime de faveur prévu par l'article 210 A du même code n'a pas été exercée, au regard de l'engagement de conservation des titres de participation, le contribuable ne saurait bénéficier de cette disposition s'il a choisi de ne pas demander le sursis d'imposition de la plus-value ou de la moins-value à laquelle a donné lieu l'échange de titres jusqu'à la cession des titres reçus en échange.

4. Il ressort des énonciations des arrêts attaqués, en premier lieu, que la SA Pierre et Vacances a acquis, le 26 septembre 2003, 50 % des titres de la société de droit néerlandais DN1, qui lui a versé le même jour un dividende de 134 946 590 euros, en deuxième lieu, que l'absorption de la société DN1 par la société Gran Dorado NV en décembre 2003 constituait une fusion au sens de l'article 210-0 A du code général des impôts et, en troisième lieu, que les titres de la société DN1 détenus par la SA Pierre et Vacances ont été échangés dans le cadre d'une opération de fusion mentionnée au 7 bis de l'article 38 du même code. En jugeant que, pour le bénéfice de l'exonération d'impôt sur les dividendes versés par la société DN1 à la SA Pierre et Vacances résultant de l'article 145 du code général des impôts, les titres litigieux devaient être réputés avoir été conservés jusqu'à la cession des titres reçus en échange, alors même que la SA Pierre et Vacances n'avait pas demandé que la moins-value d'échange constatée à la suite de l'absorption de la société DN1 par la société Gran Dorado NV fasse l'objet du sursis d'imposition prévu par le 7 bis de l'article 38 précité mais l'avait immédiatement déduite des résultats de l'exercice clos en septembre 2004, la cour a commis une erreur de droit. Par suite, le ministre est fondé à demander l'annulation des arrêts qu'il attaque.

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans les présentes instances, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : Les arrêts du 17 mars 2016 de la cour administrative d'appel de Versailles sont annulés.

Article 2 : Les affaires sont renvoyées à la cour administrative d'appel de Versailles.

Article 3 : Les conclusions présentées par la SA Pierre et Vacances au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'action et des comptes publics et à la SA Pierre et Vacances.


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 399868
Date de la décision : 19/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 19 mar. 2018, n° 399868
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Luc Matt
Rapporteur public ?: M. Yohann Bénard
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:399868.20180319
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