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16/02/2018 | FRANCE | N°412161

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 16 février 2018, 412161


Vu la procédure suivante :

Par un mémoire, enregistré le 20 novembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat et un mémoire en réplique enregistré le 16 janvier 2018, la Confédération Générale du Travail et la Fédération CGT des Cheminots demandent au Conseil d'État, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de leur requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2017-757 du 3 mai 2017, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis

par la Constitution de l'article L. 114-2 du code de la sécurité intérieure....

Vu la procédure suivante :

Par un mémoire, enregistré le 20 novembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat et un mémoire en réplique enregistré le 16 janvier 2018, la Confédération Générale du Travail et la Fédération CGT des Cheminots demandent au Conseil d'État, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de leur requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2017-757 du 3 mai 2017, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 114-2 du code de la sécurité intérieure.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 34 et 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de la sécurité intérieure, notamment son article L. 114-2 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bertrand Mathieu, conseiller d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Xavier Domino, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de la Confédération générale du travail et de la Fédération CGT des cheminots ;

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant que, sur le fondement de ces dispositions, la Confédération générale du travail et la Fédération CGT des cheminots demandent que soit renvoyée au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 114-2 du code de la sécurité intérieure, à l'appui du recours pour excès de pouvoir qu'elles ont formé contre le décret du 3 mai 2017 pris pour leur application ;

3. Considérant qu'aux termes de cet article L. 114-2, dans sa rédaction applicable à la date du décret attaqué, résultant de la loi n° 2016-339 du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs et de la loi n° 2017-258 du 28 février 2017 relative à la sécurité publique : " Les décisions de recrutement et d'affectation concernant les emplois en lien direct avec la sécurité des personnes et des biens au sein d'une entreprise de transport public de personnes ou d'une entreprise de transport de marchandises dangereuses soumise à l'obligation d'adopter un plan de sûreté peuvent être précédées d'enquêtes administratives destinées à vérifier que le comportement des personnes intéressées n'est pas incompatible avec l'exercice des fonctions ou des missions envisagées. / Si le comportement d'une personne occupant un emploi mentionné au premier alinéa laisse apparaître des doutes sur la compatibilité avec l'exercice des missions pour lesquelles elle a été recrutée ou affectée, une enquête administrative peut être menée à la demande de l'employeur ou à l'initiative de l'autorité administrative. / L'autorité administrative avise sans délai l'employeur du résultat de l'enquête. / La personne qui postule pour une fonction mentionnée au même premier alinéa est informée qu'elle est susceptible, dans ce cadre, de faire l'objet d'une enquête administrative dans les conditions du présent article. / L'enquête précise si le comportement de cette personne donne des raisons sérieuses de penser qu'elle est susceptible, à l'occasion de ses fonctions, de commettre un acte portant gravement atteinte à la sécurité ou à l'ordre publics. / L'enquête peut donner lieu à la consultation du bulletin n° 2 du casier judiciaire et de traitements automatisés de données à caractère personnel relevant de l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'exception des fichiers d'identification. / Lorsque le résultat d'une enquête réalisée en application du deuxième alinéa du présent article fait apparaître, le cas échéant après l'exercice des voies de recours devant le juge administratif dans les conditions fixées au neuvième alinéa, que le comportement du salarié concerné est incompatible avec l'exercice des missions pour lesquelles il a été recruté ou affecté, l'employeur lui propose un emploi autre que ceux mentionnés au premier alinéa et correspondant à ses qualifications. En cas d'impossibilité de procéder à un tel reclassement ou en cas de refus du salarié, l'employeur engage à son encontre une procédure de licenciement. Cette incompatibilité constitue la cause réelle et sérieuse du licenciement, qui est prononcé dans les conditions prévues par les dispositions du code du travail relatives à la rupture du contrat de travail pour motif personnel. / L'employeur peut décider, à titre conservatoire et pendant la durée strictement nécessaire à la mise en oeuvre des suites données au résultat de l'enquête qui lui est communiqué par l'autorité administrative, de retirer le salarié de son emploi, avec maintien du salaire. / Le salarié peut contester, devant le juge administratif, l'avis de l'autorité administrative dans un délai de quinze jours à compter de sa notification et, de même que l'autorité administrative, interjeter appel puis se pourvoir en cassation dans le même délai. Les juridictions saisies au fond statuent dans un délai de deux mois. La procédure de licenciement ne peut être engagée tant qu'il n'a pas été statué en dernier ressort sur ce litige. / Le présent article est applicable aux salariés des employeurs de droit privé, ainsi qu'au personnel des personnes publiques employé dans les conditions du droit privé ou régi par un statut particulier, recrutés ou affectés sur les emplois mentionnés au premier alinéa. / Un décret en Conseil d'Etat fixe la liste des fonctions concernées et détermine les modalités d'application du présent article " ;

4. Considérant que la Confédération générale du travail et la Fédération CGT des cheminots soutiennent que le législateur, en ne précisant pas les critères devant être pris en compte par l'employeur pour identifier un comportement justifiant qu'une enquête administrative puisse être sollicitée, en n'indiquant pas que l'enquête ne pourrait être réalisée que par une autorité publique et en ne prévoyant pas la possibilité pour la personne faisant l'objet d'une enquête d'avoir accès aux éléments recueillis et de faire valoir ses observations, serait resté en deçà de sa compétence de telle sorte que seraient affectés les droits et libertés garantis par la Constitution, en particulier par les articles 2, 12 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

5. Considérant, toutefois, que la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit ;

6. Considérant, en premier lieu, que l'article L. 114-2 du code de la sécurité intérieure a précisément déterminé les cas dans lesquels les décisions de recrutement et d'affectation dans les entreprises de transport public de personnes ou les entreprises de transport de marchandises dangereuses soumises à l'obligation d'adopter un plan de sûreté peuvent être précédées d'une enquête administrative, en limitant la possibilité de diligenter ces enquêtes aux décisions visant à pourvoir des emplois en lien direct avec la sécurité des personnes et des biens ; que, s'agissant des personnes occupant déjà un de ces emplois, le législateur a subordonné le déclenchement de l'enquête à la condition que le comportement de la personne laisse apparaître des doutes sur la compatibilité avec l'exercice des missions en cause ; qu'en déterminant ainsi le champ des enquêtes susceptibles d'être effectuées, pour des motifs tenant à la sécurité des personnes et des biens, le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'article L. 114-2 du code de la sécurité intérieure que les enquêtes administratives qu'il prévoit sont effectuées par l'autorité administrative ; que, par suite, le grief tiré de ce que le législateur aurait délégué à des personnes privées l'exercice de missions de police administrative manque en fait ;

8. Considérant, en troisième lieu, que la possibilité d'effectuer, pour des raisons de sécurité, les enquêtes administratives prévues par l'article L. 114-2 du code de la sécurité intérieure ne constitue pas une sanction ayant le caractère d'une punition ; que, dès lors le grief tiré de la méconnaissance du principe constitutionnel des droits de la défense est inopérant ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; qu'il n'y a, dès lors, pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la Confédération générale du travail et par la Fédération CGT des Cheminots.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Confédération générale du travail, premier requérant dénommé et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 412161
Date de la décision : 16/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 16 fév. 2018, n° 412161
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bertrand Mathieu
Rapporteur public ?: M. Xavier Domino
Avocat(s) : SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:412161.20180216
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