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07/02/2018 | FRANCE | N°416291

France | France, Conseil d'État, 1ère et 4ème chambres réunies, 07 février 2018, 416291


Vu la procédure suivante :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 10 février 2017 par laquelle le président du conseil départemental de la Manche a confirmé le bien-fondé d'un indu de revenu de solidarité active d'un montant de 7 167,15 euros, se rapportant à la période du 1er octobre 2014 au 31 juillet 2016. Par un jugement n° 1700713 du 18 juillet 2017, le tribunal administratif de Caen a réformé la décision du président du conseil départemental de la Manche en ce qu'elle fixe un indu de revenu de solidarité active supérieur

à celui résultant de la prise en compte des revenus de l'intéressée sel...

Vu la procédure suivante :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 10 février 2017 par laquelle le président du conseil départemental de la Manche a confirmé le bien-fondé d'un indu de revenu de solidarité active d'un montant de 7 167,15 euros, se rapportant à la période du 1er octobre 2014 au 31 juillet 2016. Par un jugement n° 1700713 du 18 juillet 2017, le tribunal administratif de Caen a réformé la décision du président du conseil départemental de la Manche en ce qu'elle fixe un indu de revenu de solidarité active supérieur à celui résultant de la prise en compte des revenus de l'intéressée selon les modalités fixées dans les motifs du jugement et a renvoyé Mme B...devant le président du conseil départemental pour la détermination du montant de l'indu devant être mis à sa charge.

Par un pourvoi, enregistré le 5 décembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'ensemble de ses conclusions ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à l'intégralité des conclusions de sa demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge du département de la Manche la somme de 3 500 euros à verser à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, son avocat, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un mémoire, enregistré le 5 décembre 2017, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, Mme B...demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son pourvoi, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles L. 114-19 et L. 114-20 du code de la sécurité sociale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de la sécurité sociale, notamment ses articles L. 114-19 et L. 114-20 ;

- le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Dorothée Pradines, auditeur,

- les conclusions de M. Charles Touboul, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de MmeB....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B...se pourvoit en cassation contre le jugement du 18 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Caen n'a fait que partiellement droit à sa demande d'annulation de la décision du président du conseil départemental de la Manche du 10 février 2017 confirmant le bien-fondé d'un indu de revenu de solidarité active d'un montant de 7 167,15 euros qui lui était réclamé au titre de la période du 1er octobre 2014 au 31 juillet 2016.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

3. Les articles L. 114-19 et L. 114-20 du code de la sécurité sociale ont pour objet d'instaurer, à des fins de contrôle, un droit de communication au bénéfice des organismes de sécurité sociale. S'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond, notamment du rapport d'enquête du 28 septembre 2016, que la caisse d'allocations familiales de la Manche a exercé ce droit de communication et utilisé les relevés de compte bancaire de Mme B...des années 2014 et 2015 ainsi obtenus, ces dispositions n'ont toutefois pas été invoquées par les parties à l'appui des moyens qu'elles ont soulevés devant le tribunal administratif, n'ont pas été appliquées par lui et n'étaient pas susceptibles de l'être au titre des moyens qu'il lui appartenait de relever d'office. La question de leur conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution est ainsi sans incidence sur la régularité ou le bien-fondé du jugement contre lequel la requérante se pourvoit en cassation. Par suite, les dispositions contestées des articles L. 114-19 et L. 114-20 du code de la sécurité sociale ne sont pas applicables au litige dont le Conseil d'Etat, juge de cassation, est saisi au stade de l'admission du pourvoi.

4. Ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que les articles L. 114-19 et L. 114-20 du code de la sécurité sociale portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être regardé comme non sérieux.

Sur les autres moyens du pourvoi :

5. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ".

6. Pour demander l'annulation du jugement qu'elle attaque, Mme B...soutient en outre que :

- le tribunal a insuffisamment répondu à son argumentation selon laquelle une partie des mouvements de fonds constatés sur son compte avait pour origine des virements qu'elle effectuait elle-même à partir de sommes qu'elle retirait en espèces afin d'éviter une saisie d'huissier ou le prélèvement de ces sommes par son ex-époux ;

- il a commis une erreur de droit et a dénaturé les pièces du dossier en jugeant que la décision du 10 février 2017 était suffisamment motivée et n'avait pas à mentionner le montant des ressources non déclarées qu'il lui était reproché d'avoir perçues ;

- son jugement, qui repose sur la prise en considération d'éléments recueillis dans le cadre de l'exercice du droit de communication instauré par les articles L. 114-19 et L. 114-20 du code de la sécurité sociale, qui sont inconstitutionnels, est dépourvu de base légale ;

- le tribunal a commis une erreur de droit au regard de l'article L. 114-21 du code de la sécurité sociale en jugeant qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait à la caisse d'allocations familiales et au département de lui communiquer le rapport d'enquête établi par l'agent assermenté à l'issue du contrôle ;

- il a méconnu le principe de l'égalité des armes et le droit à une procédure équitable garantis par l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en jugeant qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait à la caisse et au département de lui communiquer le rapport d'enquête établi par l'agent assermenté à l'issue du contrôle.

7. Aucun de ces moyens n'est de nature à permettre l'admission du pourvoi.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par MmeB....

Article 2 : Le pourvoi de Mme B...n'est pas admis.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme A...B..., au département de la Manche et à la ministre des solidarités et de la santé.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 1ère et 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 416291
Date de la décision : 07/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

PROCÉDURE - VOIES DE RECOURS - CASSATION - POUVOIRS DU JUGE DE CASSATION - ADMISSION DES POURVOIS EN CASSATION - QPC POSÉE À L'OCCASION D'UN POURVOI N'AYANT PAS ENCORE FAIT L'OBJET D'UNE ADMISSION (PAPC) - CAS DE DISPOSITIONS LÉGISLATIVES NON INVOQUÉES PAR LES PARTIES DEVANT LE JUGE DU FOND - NON APPLIQUÉES ET NON SUSCEPTIBLES D'ÊTRE RELEVÉES D'OFFICE PAR CE DERNIER - DISPOSITIONS SANS INCIDENCE SUR LE LITIGE EN CASSATION - CONSÉQUENCE - DISPOSITIONS NON APPLICABLES AU LITIGE DEVANT LE JUGE DE CASSATION AU STADE DE LA PAPC - MOYEN NON SÉRIEUX.

54-08-02-03-01 Dispositions législatives dont la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution est contestée, n'ayant pas été invoquées par les parties à l'appui des moyens qu'elles ont soulevés devant le tribunal administratif, n'ayant pas été appliquées par lui et n'ayant pas été susceptibles de l'être au titre des moyens qu'il lui appartenait de relever d'office.... ,,La question de la conformité de ces dispositions aux droits et libertés garantis par la Constitution est ainsi sans incidence sur la régularité ou le bien-fondé du jugement contre lequel la requérante se pourvoit en cassation. Par suite, les dispositions législatives contestées ne sont pas applicables au litige dont le Conseil d'Etat, juge de cassation, est saisi au stade de l'admission du pourvoi. En conséquence, moyen non sérieux.

PROCÉDURE - QPC POSÉE À L'OCCASION D'UN POURVOI N'AYANT PAS ENCORE FAIT L'OBJET D'UNE ADMISSION (PAPC) - CAS DE DISPOSITIONS LÉGISLATIVES NON INVOQUÉES PAR LES PARTIES DEVANT LE JUGE DU FOND - NON APPLIQUÉES ET NON SUSCEPTIBLES D'ÊTRE RELEVÉES D'OFFICE PAR CE DERNIER - DISPOSITIONS SANS INCIDENCE SUR LE LITIGE EN CASSATION - CONSÉQUENCE - DISPOSITIONS NON APPLICABLES AU LITIGE DEVANT LE JUGE DE CASSATION AU STADE DE LA PAPC.

54-10-05-01-03 Dispositions législatives dont la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution est contestée, n'ayant pas été invoquées par les parties à l'appui des moyens qu'elles ont soulevés devant le tribunal administratif, n'ayant pas été appliquées par lui et n'ayant pas été susceptibles de l'être au titre des moyens qu'il lui appartenait de relever d'office.... ,,La question de la conformité de ces dispositions aux droits et libertés garantis par la Constitution est ainsi sans incidence sur la régularité ou le bien-fondé du jugement contre lequel la requérante se pourvoit en cassation. Par suite, les dispositions législatives contestées ne sont pas applicables au litige dont le Conseil d'Etat, juge de cassation, est saisi au stade de l'admission du pourvoi.


Publications
Proposition de citation : CE, 07 fév. 2018, n° 416291
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Dorothée Pradines
Rapporteur public ?: M. Charles Touboul
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:416291.20180207
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