La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/02/2018 | FRANCE | N°406933

France | France, Conseil d'État, 1ère et 4ème chambres réunies, 05 février 2018, 406933


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 janvier, 20 mars et 12 décembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Conseil national de l'ordre des médecins demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2016-1538 du 16 novembre 2016 relatif à la convention unique pour la mise en oeuvre des recherches à finalité commerciale impliquant la personne humaine dans les établissements de santé, les maisons et les centres de santé ainsi que l

'arrêté du 16 novembre 2016 fixant le modèle de convention unique prévu à l'art...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 janvier, 20 mars et 12 décembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Conseil national de l'ordre des médecins demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2016-1538 du 16 novembre 2016 relatif à la convention unique pour la mise en oeuvre des recherches à finalité commerciale impliquant la personne humaine dans les établissements de santé, les maisons et les centres de santé ainsi que l'arrêté du 16 novembre 2016 fixant le modèle de convention unique prévu à l'article R. 1121-4 du code de la santé publique ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 2013-316 du 16 avril 2013 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Florence Marguerite, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat du Conseil national de l'ordre des médecins.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du IV de l'article L. 1121-16-1 du code de la santé publique : " Lorsqu'une recherche mentionnée au 1° et au 2° de l'article L. 1121-1 à finalité commerciale est réalisée dans des établissements de santé ou des maisons ou des centres de santé, le promoteur prend en charge les frais supplémentaires liés à d'éventuels fournitures ou examens spécifiquement requis par le protocole. / La prise en charge des frais supplémentaires fait l'objet d'une convention conclue entre le promoteur, le représentant légal de chacun des organismes mentionnés au premier alinéa du IV et, le cas échéant, le représentant légal des structures destinataires des contreparties versées par le promoteur. La convention, conforme à une convention type définie par arrêté du ministre chargé de la santé, comprend les conditions de prise en charge de tous les coûts liés à la recherche, qu'ils soient ou non relatifs à la prise en charge du patient. Cette convention est transmise au Conseil national de l'ordre des médecins. Elle est conforme aux principes et garanties prévus au présent titre. Elle est visée par les investigateurs participant à la recherche. / Les conditions d'application du présent article, notamment celles auxquelles se conforment, dans leur fonctionnement et dans l'utilisation des fonds reçus, les structures destinataires des contreparties mentionnées au deuxième alinéa du IV sont précisées par décret ". Le Conseil national de l'ordre des médecins demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2016-1538 du 16 novembre 2016 pris pour l'application de ces dispositions, qui a introduit un article R. 1121-4 dans le code de la santé publique, devenu l'article R. 1121-3-1 en vertu du décret n° 2016-1537 du même jour, ainsi que l'arrêté du 16 novembre 2016 fixant le modèle de convention unique prévu par cet article R. 1121-4 du code de la santé publique.

Sur la légalité du décret du 16 novembre 2016 :

En ce qui concerne sa légalité externe :

2. Aux termes de l'article 2 de la loi du 16 avril 2013 relative à l'indépendance de l'expertise en matière de santé et d'environnement et à la protection des lanceurs d'alerte, dans sa rédaction applicable à la date du décret attaqué, la commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d'environnement : " 1° Emet des recommandations générales sur les principes déontologiques propres à l'expertise scientifique et technique dans les domaines de la santé et de l'environnement, et procède à leur diffusion ; / 2° Est consultée sur les codes de déontologie mis en place dans les établissements et organismes publics ayant une activité d'expertise ou de recherche dans le domaine de la santé ou de l'environnement dont la liste est fixée dans les conditions prévues à l'article 3. Lorsqu'un comité de déontologie est mis en place dans ces établissements ou organismes, elle est rendue destinataire de son rapport annuel ".

3. Ces dispositions ne font pas, par elles-mêmes, obligation au Premier ministre de consulter cette commission avant de prendre des actes règlementaires qui ne constituent pas des codes de déontologie définis par le paragraphe 2. Par suite, le moyen tiré du défaut de consultation de cet organisme ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne sa légalité interne :

4. Le décret attaqué insère dans le code de la santé publique un article R. 1121-4, devenu l'article R. 1121-3-1, ainsi rédigé : " I.- Lorsqu'une recherche mentionnée au 1° et au 2° de l'article L. 1121-1 à finalité commerciale est réalisée dans des établissements de santé, ou des maisons ou des centres de santé, elle fait l'objet de la convention prévue au deuxième alinéa du IV de l'article L. 1121-16-1, entre le représentant légal du lieu de la recherche et le représentant légal du promoteur de la recherche. / Cette convention est dénommée convention unique. Elle est exclusive de tout autre contrat à titre onéreux conclu pour la recherche à finalité commerciale dont il s'agit dans l'établissement de santé, la maison ou le centre de santé concerné. / Lorsque la recherche se déroule dans plusieurs lieux, la convention conclue entre le promoteur et le représentant légal des établissements, maisons ou centres de santé, dénommés établissements associés, comporte les mêmes stipulations que celles de la convention conclue entre le promoteur et l'établissement coordonnateur, notamment pour l'identification, la facturation et le paiement que le promoteur doit prendre en charge. / Le promoteur est tenu de : / 1° Fournir gratuitement les produits faisant l'objet de la recherche, ou de les mettre gratuitement à disposition pendant le temps de la recherche, sauf dans les cas où la loi en dispose autrement ; / 2° Prendre en charge les frais définis ci-dessous qui sont engagés par l'établissement de santé, maison ou un centre de santé : / - d'une part, les frais de mise en oeuvre du protocole de la recherche non liés à la prise en charge médicale du patient ou du volontaire sain, dénommés " coûts ", notamment les tâches d'investigation nécessaires à la recherche et les tâches administratives et logistiques liées à la recherche ; / -d'autre part, les frais supplémentaires, dénommés " surcoûts ", qui s'entendent des frais liés à la prise en charge médicale du patient ou du volontaire sain, et requis par la mise en oeuvre du protocole. Il s'agit des frais exposés au titre d'actes nécessaires à la mise en oeuvre de la recherche, qui doivent être pratiqués en plus de ceux qui sont cités dans les recommandations de bonnes pratiques cliniques élaborées ou validées par la Haute Autorité de santé, lorsqu'elles existent, ou à défaut, des actes relevant de la pratique courante pour la prise en charge de l'affection concernée, et qui ne peuvent pas faire l'objet d'une facturation à l'assurance maladie ou au patient. / La convention conclue par le promoteur avec l'établissement coordonnateur et les conventions similaires conclues le cas échéant avec les établissements associés sont conformes à une convention type définie par arrêté du ministre chargé de la santé, qui fixe notamment les modalités de calcul des coûts et surcoûts générées par la recherche. / II.- Des contreparties prévues par la convention unique au titre de la qualité escomptée des données issues de la recherche biomédicale peuvent être versées par le promoteur. / La convention peut prévoir que tout ou partie des contreparties mentionnées à l'alinéa précédent soient directement versées à une structure tierce distincte, participant à la recherche mais ne relevant pas de l'autorité du représentant légal de l'établissement ou de la maison ou du centre de santé où se déroule également la recherche. Des contreparties ne peuvent être accordées que si la structure tierce remplit les conditions suivantes : / 1° Elle est désignée par le représentant légal de l'établissement de santé, de la maison ou du centre de santé conformément au droit de la commande publique s'il y a lieu ; / 2° Elle dispose d'une gouvernance qui soit propre à la prémunir, ainsi que ses dirigeants, d'un risque de mise en cause de leur responsabilité, notamment au regard du risque de conflit d'intérêt ou de la violation des principes et règles de protection des personnes participant à la recherche ; / 3° Elle utilise les fonds reçus du promoteur à des fins de recherche. / III.- Le représentant légal de l'établissement de santé, maison ou centre de santé ainsi que le représentant légal du promoteur et, le cas échéant, le représentant légal de la personne morale tierce susmentionnée signent la convention. / L'investigateur responsable de la recherche dans l'établissement de santé, la maison ou le centre de santé, vise la convention, attestant ainsi qu'il en a pris connaissance. / (...) / La convention unique est ensuite transmise pour information, sans délai, par le promoteur au Conseil national de l'ordre des médecins ".

S'agissant des " contreparties " prévues à la première phrase du II :

5. En premier lieu, les dispositions citées au point 1 du IV de l'article L. 1121-16-1 du code de la santé publique, auxquelles se réfèrent celles du 6° bis de l'article L. 1122-1 du même code qui prévoient que l'information délivrée aux personnes participant à la recherche porte notamment, le cas échéant, sur " les modalités de versement de contreparties en sus de la prise en charge des frais supplémentaires liés à la recherche ", ont explicitement autorisé, dans le cadre des recherches à finalité commerciale, le versement par le promoteur de " contreparties ", distinctes de la prise en charge des coûts de toute nature induits par la recherche, en faveur des établissements, maisons ou centres de santé au sein desquels la recherche est réalisée, ou, le cas échéant, en faveur d'une " structure " tierce désignée par ces derniers. Il résulte des travaux parlementaires de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, de laquelle sont issues ces dispositions, que ces " contreparties " constituent une forme d'intéressement collectif aux résultats de la recherche ainsi réalisée et sont convenues entre le promoteur de la recherche, l'établissement, la maison ou le centre de santé et, le cas échéant, la structure tierce. Le Conseil national de l'ordre des médecins n'est donc pas fondé à soutenir que les dispositions litigieuses du décret attaqué méconnaissent ces dispositions législatives ou l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la norme en prévoyant le versement de telles contreparties, en plus de la prise en charge des " frais de mise en oeuvre du protocole de la recherche non liés à la prise en charge médicale du patient ou du volontaire sain ", qualifiés de " coûts ", et des " frais liés à la prise en charge médicale du patient ou du volontaire sain ", qualifiés de " surcoûts ".

6. En deuxième lieu, les contreparties définies par le décret attaqué doivent, ainsi qu'il a été dit au point 5, être versées soit aux établissements, maisons ou centres de santé au sein desquels la recherche est réalisée, soit, le cas échéant, à une structure tierce désignée par ces derniers et, dans les deux cas, les fonds correspondants doivent être utilisés par ces personnes morales conformément à leur objet statutaire et ne sauraient être reversés aux médecins investigateurs ou aux membres de l'équipe de recherche, ni être utilisés dans des conditions contraires aux dispositions régissant leurs rémunérations. Dès lors, le Conseil national de l'ordre des médecins ne peut utilement invoquer, à l'encontre du décret qu'il attaque, les dispositions des articles L. 4113-5 et L. 4113-6 du code de la santé publique, au demeurant de même valeur que les dispositions du IV de l'article L. 1121-16-1, régissant respectivement les rémunérations susceptibles d'être versées aux personnes ne remplissant pas les conditions requises pour l'exercice de la médecine et les rémunérations versées aux médecins.

7. Enfin, si toute recherche impliquant la personne humaine doit, aux termes de l'article L. 1121-2 du code de la santé publique, se fonder sur le dernier état des connaissances scientifiques et viser à étendre la connaissance scientifique de l'être humain et les moyens susceptibles d'améliorer sa condition et, aux termes de l'article L. 1121-3 du même code, respecter les recommandations de bonnes pratiques fixées selon les cas par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ou par voie règlementaire, il était loisible au pouvoir règlementaire, sans méconnaître ces dispositions, de prévoir que des contreparties pouvaient être allouées " au titre de la qualité escomptée des données issues de la recherche biomédicale ", en fonction d'une évaluation qualitative des travaux de recherche à réaliser.

S'agissant des conditions applicables aux structures tierces destinataires des contreparties, prévues aux deuxième à cinquième alinéas du II :

8. Par les dispositions citées au point 1 du IV de l'article L. 1121-16-1 du code de la santé publique, le législateur a confié au pouvoir réglementaire le soin de définir les conditions auxquelles doivent se conformer, " dans leur fonctionnement et dans l'utilisation des fonds reçus, les structures destinataires des contreparties ".

9. D'une part, le 3° du II de l'article R. 1121-4 du décret attaqué, qui encadre les conditions d'utilisation des fonds reçus du promoteur en précisant qu'ils doivent être utilisés à des fins de recherche, n'est entaché sur ce point d'aucune illégalité. D'autre part, en prévoyant au 2° du II que la structure tierce doit disposer " d'une gouvernance qui soit propre à la prémunir, ainsi que ses dirigeants, d'un risque de mise en cause de leur responsabilité, notamment au regard du risque de conflit d'intérêt ou de la violation des principes et règles de protection des personnes participant à la recherche ", le pouvoir règlementaire a précisé, sans méconnaître aucune exigence légale, les conditions auxquelles doivent se conformer, pour leur fonctionnement, les structures tierces pouvant être destinataires des contreparties. En outre, ces dispositions ne font pas, par elles-mêmes, obstacle à la mise en cause de la responsabilité de la structure tierce destinataire des contreparties pour les dommages qu'elle pourrait causer, le cas échéant, dans le cadre des règles spécifiques prévues par l'article L. 1121-10 du code de la santé publique s'agissant des recherches sur la personne humaine. Dès lors, le Conseil national de l'ordre des médecins n'est pas fondé à soutenir que ces dispositions du décret attaqué méconnaîtraient l'article L. 1121-16-1 du code de la santé publique faute de préciser les conditions de fonctionnement de ces structures et d'utilisation des fonds reçus, ni le droit d'agir en réparation d'un fait fautif protégé par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

S'agissant du " paiement " mentionné au troisième alinéa du I lorsque la recherche se déroule dans plusieurs lieux :

10. Le paiement mentionné par ces dispositions porte nécessairement sur les frais à la charge du promoteur pour chacun des établissements, maisons ou centres de santé participant à la recherche, définis par le I de l'article R. 1121-4 du code de la santé publique, sans préjudice des éventuelles contreparties qui pourraient être convenues, en application du II du même article. Il appartient nécessairement aux signataires de la convention de répartir la prise en charge de ces frais entre tous les établissements, maisons ou centres de santé concernés de manière à éviter tout risque de double facturation. Dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le pouvoir règlementaire n'aurait pas identifié l'objet du paiement que le promoteur doit prendre en charge, ni qu'il aurait méconnu l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la norme.

S'agissant du visa de la convention par l'investigateur responsable de la recherche, prévu au deuxième alinéa du III :

11. Aux termes de l'article L. 1121-1 du code de la santé publique : " (...) La ou les personnes physiques qui dirigent et surveillent la réalisation de la recherche sur un lieu sont dénommées investigateurs. / Lorsque le promoteur d'une recherche impliquant la personne humaine confie sa réalisation à plusieurs investigateurs sur plusieurs lieux en France, le promoteur désigne parmi les investigateurs un coordonnateur. / Si, sur un lieu, la recherche est réalisée par une équipe, l'investigateur est le responsable de l'équipe et est dénommé investigateur principal. (...) ".

12. Si les dispositions citées au point 1 du IV de l'article L. 1121-16-1 du code de la santé publique prévoient que la convention est visée " par les investigateurs participant à la recherche ", elles ont ainsi entendu faire référence tant à l'investigateur coordonnateur lorsque la recherche est réalisée sur plusieurs lieux qu'à l'investigateur principal ou aux investigateurs principaux de chacun des lieux de recherche, au sens de l'article L. 1121-1 du code de la santé publique. Par suite, le décret attaqué a pu légalement prévoir que, pour chacun des établissements dans lequel la recherche se déroule, la convention est visée par l'investigateur " responsable de la recherche ", c'est-à-dire la personne physique qui soit dirige et surveille seule la réalisation des opérations de recherche, soit est responsable de l'équipe de recherche. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance du IV de l'article L. 1121-16-1 du code de la santé publique doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre des solidarités et de la santé, que le Conseil national de l'ordre des médecins n'est pas fondé à demander l'annulation du décret qu'il attaque.

Sur la légalité de l'arrêté du 16 novembre 2016 :

14. Les conclusions aux fins d'annulation du décret du 16 novembre 2016 étant rejetées par la présente décision, l'arrêté attaqué ne saurait être annulé par voie de conséquence de l'annulation de ce décret.

En ce qui concerne le visa de l'investigateur prévu par les modèles de convention unique annexés à l'arrêté :

15. Il est annexé à l'arrêté attaqué deux modèles de convention unique selon qu'il est prévu que la recherche se déroule dans un seul établissement, maison ou centre de santé ou dans plusieurs sous la coordination de l'un d'entre eux. Il résulte de ce qui a été dit au point 12 que, s'agissant du modèle de convention unique applicable aux établissements associés, le visa du seul investigateur principal pouvait être légalement prévu. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du IV de l'article L. 1121-16-1 selon lesquelles la convention " est visée par les investigateurs participant à la recherche " doit être écarté.

En ce qui concerne l'article 9 des modèles de convention unique annexés à l'arrêté :

16. Aux termes de l'article R. 5121-13 du code de la santé publique, applicable aux expérimentations de médicaments à usage humain : " Sous réserve des dispositions des articles L. 1123-6 à L. 1123-8 et L. 1123-13 et de celles prises pour leur application, les expérimentateurs, les investigateurs et les personnes appelées à collaborer aux essais sont tenus au secret professionnel en ce qui concerne notamment la nature des produits étudiés, les essais, les personnes qui s'y prêtent et les résultats obtenus. / Ils ne peuvent, sans l'accord du promoteur, donner d'informations relatives aux essais qu'au ministre chargé de la santé, aux médecins inspecteurs de santé publique, aux pharmaciens inspecteurs de santé publique, au directeur général et aux inspecteurs de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. / Les essais ne peuvent faire l'objet d'aucun commentaire écrit ou oral sans l'accord conjoint de l'expérimentateur ou de l'investigateur et du promoteur. "

17. En premier lieu, si l'article 9-1 des modèles de convention unique figurant en annexe de l'arrêté attaqué impose à l'établissement, à la maison ou au centre de santé au sein duquel les recherches sont réalisées une obligation de confidentialité qui ne peut être levée que " en cas d'accord écrit donné par l'entreprise ou sur demande des autorités compétentes, ou dans le cadre de publications comme défini ci-dessous ", ces dispositions ne sauraient, par elles-mêmes, porter atteinte aux obligations de signalement pesant sur les membres des professions de santé, qui résultent notamment des dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article R. 5121-13 du code de la santé publique, ni, par voie de conséquence, au principe d'indépendance du médecin ou à la disposition de l'article L. 1121-2 du même code selon laquelle " l'intérêt des personnes qui se prêtent à une recherche impliquant la personne humaine prime toujours les seuls intérêts de la science et de la société ".

18. En second lieu, si l'article 9-3 des mêmes modèles prévoit que la recherche ne pourra faire l'objet d'aucune publication ou d'aucune communication écrite ou orale par l'établissement coordonnateur ou associé ou l'investigateur sans l'accord préalable et écrit de l'entreprise promoteur de la recherche, ces dispositions se bornent à reproduire, ainsi qu'elles l'indiquent expressément, les dispositions précitées de l'article R. 5121-13 du code de la santé publique. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du ministre chargé de la santé pour imposer de telles restrictions à la liberté d'expression des médecins investigateurs ne peut qu'être écarté.

19. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre des solidarités et de la santé, que le Conseil national de l'ordre des médecins n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 16 novembre 2016.

Sur les frais liés au litige :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête du Conseil national de l'ordre des médecins est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au Conseil national de l'ordre des médecins, au Premier ministre et à la ministre des solidarités et de la santé.


Synthèse
Formation : 1ère et 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 406933
Date de la décision : 05/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 05 fév. 2018, n° 406933
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Florence Marguerite
Rapporteur public ?: M. Rémi Decout-Paolini
Avocat(s) : SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:406933.20180205
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award