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26/01/2018 | FRANCE | N°408312

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 26 janvier 2018, 408312


Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiée Atac a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations primitives et supplémentaires de contribution pour une pêche durable auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010. Par un jugement n° 1407165 du 7 juillet 2015, ce tribunal a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 15VE02885 du 29 décembre 2016, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société Atac contre ce jugement.
>Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés...

Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiée Atac a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations primitives et supplémentaires de contribution pour une pêche durable auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010. Par un jugement n° 1407165 du 7 juillet 2015, ce tribunal a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 15VE02885 du 29 décembre 2016, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société Atac contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 23 février, 9 mai et 28 novembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Atac demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- le règlement (CEE) n° 2658/87 du Conseil du 23 juillet 1987 relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun et le règlement (CE) n° 1214/2007 de la Commission du 20 septembre 2007 modifiant l'annexe I du règlement (CEE) n° 2658/87 du Conseil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'arrêté du 16 janvier 2008 fixant la liste des poissons, crustacés, mollusques ou invertébrés marins visés à l'article 302 bis KF du code général des impôts ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Etienne de Lageneste, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la SAS Atac.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, à la suite d'un contrôle, l'administration fiscale a réintégré les ventes de saumons dans l'assiette de la contribution pour une pêche durable à laquelle la société Atac a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010 et a, en conséquence, mis à sa charge des cotisations supplémentaires de cette contribution. La société a demandé au tribunal administratif de Montreuil la décharge de ces cotisations supplémentaires ainsi que des cotisations primitives. Par un jugement du 7 juillet 2015, le tribunal administratif a rejeté cette demande. La société se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 29 décembre 2016 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre ce jugement.

2. Aux termes de l'article 302 bis KF du code général des impôts, alors en vigueur : " Les ventes en France métropolitaine à des personnes autres que des personnes assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée agissant en tant que telles, de poissons, crustacés, mollusques et autres invertébrés marins, ainsi que de produits alimentaires dont le poids comporte pour plus de 30 % de tels produits de la mer sont soumises à une taxe. / La taxe ne s'applique pas aux huîtres et aux moules. / La liste des poissons, crustacés, mollusques ou invertébrés marins visés au premier alinéa est fixée par arrêté. / La taxe est calculée au taux de 2 % sur le montant hors taxe des ventes des produits visés au premier alinéa. / La taxe est due par les personnes dont le chiffre d'affaires de l'année précédente a excédé le premier des seuils mentionnés au I de l'article 302 septies A. / Le fait générateur et l'exigibilité de la taxe interviennent dans les mêmes conditions que celles applicables en matière de taxe sur la valeur ajoutée. La taxe est constatée, liquidée, recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe ".

3. En premier lieu, la société requérante soutient que la cour a méconnu l'article R. 611-7 du code de justice administrative en jugeant, sans en informer préalablement les parties qui n'avaient pas débattu sur ce point, que, au sens de l'article 302 bis KF du code général des impôts, les " poissons marins " dont les ventes entrent dans le champ de la taxe instituée par les dispositions de l'article 302 bis KF du code général des impôts étaient les poissons pêchés en mer. En statuant ainsi, la cour, qui s'est bornée à énoncer, conformément à son office, l'interprétation qu'elle retenait des dispositions constituant la base légale des impositions en litige, n'a pas relevé d'office un moyen qu'elle aurait dû communiquer aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

4. En second lieu, l'article 302 bis KF du code général des impôts renvoie à un arrêté la détermination de la liste des poissons, mentionnés au premier alinéa de cet article, dont la vente est soumise à la contribution pour une pêche durable. L'arrêté du Premier ministre du 16 janvier 2008 dispose que les poissons marins, à l'exclusion des poissons d'ornement, sont soumis à la taxe et renvoie aux rubriques 0301 à 0305 de la " nomenclature combinée " fixée par l'annexe I modifiée du règlement (CEE) n° 2658/87 du Conseil du 23 juillet 1987. La nomenclature combinée définit les caractéristiques et propriétés objectives des marchandises soumises à la vente dans l'Union européenne. En renvoyant à plusieurs des rubriques de cette nomenclature, l'arrêté a nécessairement entendu se référer aux caractéristiques et propriétés objectives des marchandises qu'elle répertorie. Or il ressort de la nomenclature combinée, dans sa version applicable à la date de publication de l'arrêté, que les saumons sont classés, dans plusieurs de ses rubriques, parmi les poissons d'eau douce et qu'en tout état de cause, ils ne sont jamais classés, dans les autres rubriques, comme poissons marins. Par suite, en jugeant que, lorsqu'il est pêché en mer, le saumon doit être regardé comme un poisson marin au sens de l'article 302 bis KF précité, sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'il soit mentionné en tant que poisson d'eau douce aux rubriques 0301 et 0304 de la nomenclature combinée, la cour a méconnu les dispositions de l'arrêté du 16 janvier 2008.

5. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, qui visent tous à contester l'inclusion des ventes de saumon dans le champ de la taxe, la société Atac est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque en tant qu'il a statué sur les cotisations supplémentaires de contribution pour une pêche durable.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

7. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que, pour l'application de l'article 302 bis KF du code général des impôts, les saumons sont classés par l'arrêté du 16 janvier 2008 susmentionné parmi les poissons d'eau douce. Leur vente n'est donc pas assujettie à la contribution pour une pêche durable. Dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la société Atac est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de contribution pour une pêche durable auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010. Par suite, son jugement doit, dans cette mesure, être annulé.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Atac, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt en date du 29 décembre 2016 de la cour administrative d'appel de Versailles et le jugement en date du 7 juillet 2015 du tribunal administratif de Montreuil sont annulés en tant qu'ils statuent sur la demande en décharge des cotisations supplémentaires de contribution pour une pêche durable.

Article 2 : La société Atac est déchargée des cotisations supplémentaires de contribution pour une pêche durable auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010.

Article 3 : L'Etat versera à la société Atac la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiée Atac et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 408312
Date de la décision : 26/01/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 26 jan. 2018, n° 408312
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Etienne de Lageneste
Rapporteur public ?: M. Romain Victor
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:408312.20180126
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