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22/12/2017 | FRANCE | N°400649

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 22 décembre 2017, 400649


Vu la procédure suivante :

Le comité d'entreprise de la société Avaya France a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 16 juillet 2015 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France a homologué le document unilatéral fixant le plan de sauvegarde de l'emploi de la société Avaya France. Par un jugement n° 1507946 du 1er décembre 2015, le tribunal administratif a annulé cette décision.

Par un arrêt n° 16VE00282 du 14 avril

2016, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé pa...

Vu la procédure suivante :

Le comité d'entreprise de la société Avaya France a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 16 juillet 2015 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France a homologué le document unilatéral fixant le plan de sauvegarde de l'emploi de la société Avaya France. Par un jugement n° 1507946 du 1er décembre 2015, le tribunal administratif a annulé cette décision.

Par un arrêt n° 16VE00282 du 14 avril 2016, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société Avaya France contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 juin, 13 juillet et 10 novembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Avaya France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Fuchs, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Avaya France et à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat du comité d'entreprise de la société Avaya France ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par une décision du 16 juillet 2015, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France a homologué le plan de sauvegarde de l'emploi de la société Avaya France qui prévoyait, dans le cadre d'une réorganisation de l'activité de cette société, le licenciement de 31 des 117 salariés ; que, par un arrêt du 14 avril 2016, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société Avaya France contre le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 1er décembre 2015 qui avait annulé, sur demande du comité d'entreprise de la société, la décision du 16 juillet 2015, au motif que, le document unilatéral fixant le plan de sauvegarde de l'emploi ne prenant pas en compte le critère des qualités professionnelles pour définir l'ordre des licenciements, cette omission faisait obstacle à son homologation ; que la société Avaya France demande l'annulation de cet arrêt ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 1233-24-2 du code du travail, relatif aux plans de sauvegarde de l'emploi, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " L'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 porte sur le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63. / Il peut également porter sur : / (...) 2° La pondération et le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements mentionnés à l'article L. 1233-5 (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 1233-24-4 du même code : " A défaut d'accord mentionné à l'article L. 1233-24-1, un document élaboré par l'employeur après la dernière réunion du comité d'entreprise fixe le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi et précise les éléments prévus aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, dans le cadre des dispositions légales et conventionnelles en vigueur " ; qu'enfin, l'article L. 1233-57-3 de ce code, dans sa rédaction alors applicable, dispose que : " En l'absence d'accord collectif (...), l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2 (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsque les critères d'ordre des licenciements fixés dans un plan de sauvegarde de l'emploi figurent dans un document unilatéral élaboré par l'employeur sur le fondement de l'article L. 1233-24-4, il appartient à l'autorité administrative, saisie de la demande d'homologation de ce document, de vérifier la conformité de ces critères et de leurs règles de pondération aux dispositions législatives et conventionnelles applicables ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 1233-5 du code du travail : " Lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. / Ces critères prennent notamment en compte : / 1° Les charges de famille, en particulier celle des parents isolés ; / 2° L'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise ; / 3° La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ; / 4° Les qualités professionnelles appréciées par catégorie. / L'employeur peut privilégier un de ces critères, à condition de tenir compte de l'ensemble des autres critères prévus au présent article (...) " ; qu'il résulte de la lettre même de ces dispositions qu'en l'absence d'accord collectif ayant prévu d'autres critères, l'employeur qui procède à un licenciement collectif pour motif économique est tenu, pour déterminer l'ordre des licenciements, de prendre en compte l'ensemble des critères qui sont énumérés à l'article L. 1233-5 cité ci-dessus, y compris le critère des qualités professionnelles mentionné à son 4° ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il vient d'être dit, il résulte des termes mêmes de l'article L. 1233-5 du code du travail que la conclusion d'un accord collectif permet de déroger aux critères fixés à cet article pour fixer l'ordre des licenciements ; que, par suite, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant qu'était sans incidence sur le litige l'invocation, par la société Avaya France des dispositions de l'article L. 2251-1 du même code aux termes desquelles : " Une convention ou un accord peut comporter des stipulations plus favorables aux salariés que les dispositions légales en vigueur. Ils ne peuvent déroger aux dispositions qui revêtent un caractère d'ordre public " ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'en estimant que ni la position exprimée par le comité d'entreprise ni le choix effectué par l'employeur quant à l'absence de prise en compte du critère des qualités professionnelles ne pouvaient être regardés comme revêtant le caractère d'un accord collectif de travail au sens des dispositions de l'article L. 2251-1 du code du travail, la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis et n'a pas commis d'erreur de droit ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'en jugeant que le " principe de faveur " ne pouvait utilement faire obstacle à l'application des dispositions de l'article L. 1233-5 du code du travail, la cour n'a pas davantage commis d'erreur de droit ; qu'eu égard à l'inopérance du moyen auquel elle répondait, elle n'a pas non plus insuffisamment motivé sa décision ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu'en jugeant que la méconnaissance, par le plan de sauvegarde de l'emploi, des dispositions de l'article L. 1233-5 du code du travail, était constitutive d'un manquement qui faisait obstacle, quelles qu'en soient les conséquences concrètes pour l'entreprise Avaya France, à ce que l'administration homologue le document fixant ce plan, la cour n'a pas non plus commis d'erreur de droit ;

8. Considérant, enfin, que la société Avaya France ne saurait utilement demander au juge de cassation de déroger, pour une annulation prononcée par un arrêt qu'il ne censure pas, au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la société Avaya France doit être rejeté ;

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Avaya France une somme de 3 000 euros à verser au comité d'entreprise de la société Avaya France, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la société Avaya France est rejeté.

Article 2 : La société Avaya France versera au comité d'entreprise de la société Avaya France une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Avaya France et au comité d'entreprise de la société Avaya France.

Copie en sera adressée à la ministre du travail.


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 400649
Date de la décision : 22/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 déc. 2017, n° 400649
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Fuchs
Rapporteur public ?: M. Frédéric Dieu
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP FABIANI, LUC-THALER, PINATEL

Origine de la décision
Date de l'import : 09/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:400649.20171222
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