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20/12/2017 | FRANCE | N°396153

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre jugeant seule, 20 décembre 2017, 396153


Vu la procédure suivante :

La société SGI a demandé au tribunal administratif de La Réunion de prononcer la décharge des amendes qui lui ont été infligées sur le fondement de l'article 1756 quater du code général des impôts au titre de l'année 2004 pour un montant de 6 123 639 euros et au titre de l'année 2005 pour un montant de 9 048 499 euros. Par deux jugements n° 0801076 et n° 0901188 du 28 février 2013, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté ses demandes.

Par un arrêt nos 13BX01202, 13BX01203 du 15 octobre 2015, la cour administrative d'appel de

Bordeaux a rejeté les appels formés par la société SGI contre ces jugements.
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Vu la procédure suivante :

La société SGI a demandé au tribunal administratif de La Réunion de prononcer la décharge des amendes qui lui ont été infligées sur le fondement de l'article 1756 quater du code général des impôts au titre de l'année 2004 pour un montant de 6 123 639 euros et au titre de l'année 2005 pour un montant de 9 048 499 euros. Par deux jugements n° 0801076 et n° 0901188 du 28 février 2013, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté ses demandes.

Par un arrêt nos 13BX01202, 13BX01203 du 15 octobre 2015, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté les appels formés par la société SGI contre ces jugements.

Par un pourvoi sommaire et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 15 janvier et 15 avril 2016 et le 22 juin 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société SGI demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de L'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2014-418 QPC du 8 octobre 2014 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Ophélie Champeaux, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Yohann Bénard, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de la société SGI ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que des amendes ont été mises à la charge de la société SGI au titre des années 2004 et 2005, pour des montants de 6 123 639 euros et 9 048 499 euros, en application de l'article 1756 quater du code général des impôts. La société a contesté ces amendes devant le tribunal administratif de La Réunion qui, par deux jugements du 28 février 2013, a rejeté ses demandes. Elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 15 octobre 2015 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté les requêtes qu'elle avait formées contre ces jugements.

2. Aux termes des dispositions alors applicables de l'article 1756 quater du code général des impôts, dont les dispositions ont été reprises à l'article 1740 du même code : " Lorsqu'il est établi qu'une personne a fourni volontairement de fausses informations ou n'a pas respecté les engagements qu'elle avait pris envers l'administration permettant d'obtenir pour autrui les avantages fiscaux prévus par les articles 199 undecies A, 199 undecies B, 217 undecies et 217 duodecies, elle est redevable d'une amende fiscale égale au montant de l'avantage fiscal indûment obtenu, sans préjudice des sanctions de droit commun. Il en est de même, dans le cas où un agrément n'est pas exigé, pour la personne qui s'est livrée à des agissements, manoeuvres ou dissimulations ayant conduit à la remise en cause de ces aides pour autrui. ".

3. Dans sa décision n° 2014-418 QPC du 8 octobre 2014, le Conseil constitutionnel, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité tirée notamment de ce que les dispositions de l'article 1756 quater du code général des impôts portent atteinte aux principes de nécessité et de proportionnalité des peines, a jugé que ces dispositions sont conformes à la Constitution, sous la réserve énoncée au considérant 9 de sa décision qui relève " que l'amende prévue par l'article 1756 quater peut être appliquée soit si la personne a fourni " volontairement " de fausses informations, soit si elle " n'a pas respecté les engagements qu'elle avait pris envers l'administration ", soit, dans le cas où un agrément n'est pas exigé, si elle s'est livrée à des agissements, manoeuvres ou dissimulations ayant conduit à la remise en cause de ces aides pour autrui ; que, compte tenu des modalités de fixation de son montant en proportion de l'avantage obtenu par un tiers, cette amende pourrait revêtir un caractère manifestement hors de proportion avec la gravité des manquements réprimés si elle était appliquée sans que soit établi l'élément intentionnel de ces manquements ; que, par suite, les dispositions contestées doivent être interprétées comme prévoyant une amende applicable aux personnes qui ont agi sciemment et dans la connaissance soit du caractère erroné des informations qu'elles ont fournies, soit de la violation des engagements qu'elles avaient pris envers l'administration, soit des agissements, manoeuvres ou dissimulations précités. ".

4. Il résulte des dispositions citées au point 2 et de la réserve d'interprétation énoncée dans la décision du Conseil constitutionnel citée au point 3 que l'amende prévue à l'article 1756 quater du code général des impôts a pour objet, lorsque l'avantage fiscal en cause n'est pas soumis à agrément, de réprimer le comportement de personnes physiques ou de sociétés, distinctes des personnes qui bénéficient des avantages fiscaux prévus par les articles 199 undecies A, 199 undecies B, 217 undecies et 217 duodecies du même code, qui se sont livrées en toute connaissance de cause à des agissements, manoeuvres ou dissimulations ayant conduit à la remise en cause de ces avantages fiscaux pour autrui.

5. En premier lieu, aux termes de l'article 1740 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer : " Lorsque l'octroi des avantages fiscaux prévus par les articles 199 undecies A, 199 undecies B, 199 undecies C, 217 undecies et 217 duodecies est soumis à la délivrance d'un agrément du ministre chargé du budget, dans les conditions définies à ces articles, toute personne qui, afin d'obtenir pour autrui les avantages fiscaux susmentionnés, a fourni volontairement à l'administration de fausses informations ou n'a volontairement pas respecté les éventuels engagements pris envers elle est redevable d'une amende égale au montant de l'avantage fiscal indûment obtenu, sans préjudice des sanctions de droit commun. / Toute personne qui, afin d'obtenir pour autrui les avantages fiscaux mentionnés au premier alinéa, s'est livrée à des agissements, manoeuvres ou dissimulations ayant conduit à la reprise par l'administration des avantages fiscaux est redevable d'une amende, dans les mêmes conditions que celles mentionnées au premier alinéa. ". Il résulte de ces dispositions, ainsi que le confirment d'ailleurs les travaux préparatoires de la loi de laquelle elles sont issues, que l'amende prévue au second alinéa de cet article est applicable notamment dans le cas où les avantages fiscaux obtenus par autrui n'étaient pas soumis à agrément. Il résulte de ce qui précède que la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que les dispositions issues de la loi du 27 mai 2009 ne restreignaient pas le champ d'application de l'amende aux seules opérations soumises à agrément.

6. En deuxième lieu, les stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont applicables à la contestation de l'amende instituée par les dispositions citées au point 2, cette amende présentant, au sens de ces stipulations, le caractère d'une accusation en matière pénale. Toutefois, d'une part, le taux de l'amende prévue à l'article 1740 du code général des impôts est fixé en proportion de l'avantage fiscal indûment octroyé. D'autre part, le juge de l'impôt, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, décide, dans chaque cas, selon les résultats de ce contrôle, soit de maintenir l'amende infligée par l'administration, soit d'en prononcer la décharge s'il l'estime infondée, et dispose ainsi d'un pouvoir de pleine juridiction conforme aux stipulations de ce paragraphe, lesquelles n'impliquent pas, alors même que le législateur a retenu un taux unique pour l'amende en cause, que le juge puisse en moduler l'application en lui substituant un taux inférieur à celui prévu par la loi. Par suite, la cour a pu, sans commettre d'erreur de droit, juger que les dispositions de l'article 1756 quater du code général des impôts n'étaient pas incompatibles avec ces stipulations.

7. En troisième lieu, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour juger fondées les amendes infligées à la société requérante sur le fondement des dispositions en cause, la cour a estimé qu'il résultait de l'instruction, premièrement, que la société SGI s'était abstenue dans un grand nombre de cas d'encaisser ou de réclamer le paiement des dépôts de garantie ou des loyers afférents aux contrats de location qu'elle signait avec les locataires pour les opérations d'investissement auxquelles elle participait activement en assurant leur montage juridique et financier, deuxièmement, qu'elle s'abstenait de procéder à des vérifications sur la réalité de la livraison des biens qui devenaient sa propriété et dont elle négligeait de payer le prix, alors que les locataires et les fournisseurs étaient des sociétés de création récente et les montants des investissements en cause très élevés. La cour en a déduit que la requérante avait établi de manière délibérée des attestations et liasses fiscales au profit de tiers pour des biens et des opérations dont elle ne pouvait ignorer le caractère fictif et elle a estimé que les agissements de cette société, spécialisée dans le domaine de la défiscalisation, devaient être considérés comme des manquements commis intentionnellement par un professionnel averti. En déduisant de ce qui précède que l'administration apportait la preuve des agissements intentionnels de la société qui avaient conduit à la remise en cause des avantages fiscaux des bénéficiaires, la cour n'a ni méconnu les dispositions de l'article 1756 quater du code général des impôts, ni dénaturé les faits qui lui étaient soumis.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Par suite, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de la société SGI est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société SGI et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 9ème chambre jugeant seule
Numéro d'arrêt : 396153
Date de la décision : 20/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 20 déc. 2017, n° 396153
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Ophélie Champeaux
Rapporteur public ?: M. Yohann Bénard
Avocat(s) : SCP BORE, SALVE DE BRUNETON, MEGRET

Origine de la décision
Date de l'import : 26/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:396153.20171220
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