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18/12/2017 | FRANCE | N°413009

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 18 décembre 2017, 413009


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 2 août 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de l'Hôpital (Moselle) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° 1703230 du 12 juillet 2017 par laquelle le tribunal administratif de Strasbourg, statuant en formation administrative, a autorisé M. Q...J..., Mme C...L..., M. E...O..., M. S...P..., Mme H...R...et M. B...K...à se constituer partie civile au nom et pour le compte de la commune devant le tribunal correctionnel de Sarreguemines lors du procès pénal visant M. I..

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Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 2 août 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de l'Hôpital (Moselle) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° 1703230 du 12 juillet 2017 par laquelle le tribunal administratif de Strasbourg, statuant en formation administrative, a autorisé M. Q...J..., Mme C...L..., M. E...O..., M. S...P..., Mme H...R...et M. B...K...à se constituer partie civile au nom et pour le compte de la commune devant le tribunal correctionnel de Sarreguemines lors du procès pénal visant M. I... D..., Mme F...M..., M. G...N...et Mme A...D...poursuivis des chefs de prise illégale d'intérêts, complicité et recel de ce délit et à demander à ces derniers réparation pour le préjudice subi par la commune de ce fait ;

2°) de rejeter la demande d'autorisation de plaider présentée par M. J...et les autres demandeurs ;

3°) de mettre à la charge de M. J..., MmeL..., M. O..., M. P..., M. K...et Mme R... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code pénal ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Puigserver, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Charles Touboul, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Occhipinti, avocat de la commune de l'Hôpital, et à la SCP Didier, Pinet, avocat de M. J...et autres.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 2132-5 du code général des collectivités territoriales : " Tout contribuable inscrit au rôle de la commune a le droit d'exercer, tant en demande qu'en défense, à ses frais et risques, avec l'autorisation du tribunal administratif, les actions qu'il croit appartenir à la commune, et que celle-ci, préalablement appelée à en délibérer, a refusé ou négligé d'exercer ". Il appartient au tribunal administratif, statuant comme autorité administrative, et au Conseil d'Etat, saisi d'un recours de pleine juridiction dirigé contre la décision du tribunal administratif, lorsqu'ils examinent une demande présentée par un contribuable sur le fondement de ces dispositions, de vérifier, sans se substituer au juge de l'action, et au vu des éléments qui leur sont fournis, que l'action envisagée présente un intérêt matériel suffisant pour la commune et qu'elle a une chance de succès.

2. Il résulte de l'instruction que, par une décision du 12 juillet 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a autorisé M. J...et cinq autres demandeurs à se constituer partie civile au nom de la commune de l'Hôpital devant le tribunal correctionnel de Sarreguemines contre M. I...D..., maire de la commune, Mme F...M..., adjointe au maire et présidente de l'association " Culture et progrès ", Mme A...D..., fille du maire, et M. G...N..., compagnon de cette dernière, poursuivis des chefs de prise illégale d'intérêts, complicité et recel de ce délit.

Sur la recevabilité de la demande d'autorisation en tant qu'elle émane de M. J... :

3. Il résulte de l'instruction que M. J...a été inscrit au rôle de la commune en qualité de contribuable tant en 2016 qu'en 2017. Par suite, la commune de l'Hôpital n'est pas fondée à soutenir qu'il n'était pas recevable à solliciter du tribunal administratif de Strasbourg, sur le fondement des dispositions législatives citées ci-dessus, l'autorisation d'intenter l'action envisagée au nom de la commune.

Sur la régularité de la décision attaquée :

4. L'article R. 2132-1 du code général des collectivités territoriales prévoit, d'une part, en son deuxième alinéa, que le préfet, saisi par le président du tribunal administratif, doit transmettre immédiatement au maire, en l'invitant à le soumettre au conseil municipal, le mémoire détaillé adressé au tribunal administratif par le contribuable et, d'autre part, en son troisième alinéa, que la décision du tribunal administratif est rendue dans le délai de deux mois à dater du dépôt de la demande d'autorisation.

5. D'une part, s'il résulte de l'instruction que le préfet de la Moselle, saisi par le président du tribunal administratif dès le 28 juin 2017 du mémoire détaillé présenté la veille par M. J...et les autres contribuables, n'a transmis ce mémoire au maire de l'Hôpital que par un courrier daté du 12 juillet 2017, reçu le 18 juillet 2017, alors que le tribunal administratif a pris sa décision le 12 juillet 2017, il résulte aussi de l'instruction que le président du tribunal administratif avait également, dès le 28 juin 2017, transmis directement le mémoire détaillé au maire de la commune de l'Hôpital. D'autre part, dès lors que le mémoire détaillé présenté par les contribuables avait été transmis au maire en l'invitant à le soumettre au conseil municipal, le tribunal administratif, tenu de se prononcer dans un délai de deux mois, pouvait régulièrement le faire sans attendre la production éventuelle d'un mémoire par la commune. Par suite, la commune de l'Hôpital n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que la décision du tribunal administratif aurait, pour ces motifs, été rendue à l'issue d'une procédure irrégulière.

Sur le bien-fondé de l'autorisation :

6. En premier lieu, il résulte de l'instruction que M. D...a été renvoyé par une ordonnance du juge d'instruction de Sarreguemines du 2 janvier 2017 devant le tribunal correctionnel de cette juridiction du chef de prise illégale d'intérêt en sa qualité de maire, que Mme M...a été renvoyée du chef de complicité de ce délit et M. N...et Mme D...du chef de recel de ce délit. Il résulte en outre de l'instruction que ces quatre personnes ont été condamnées de ces chefs de prévention par un jugement du tribunal correctionnel de Sarreguemines du 18 septembre 2017. Dès lors, l'action envisagée ne peut être regardée, contrairement à ce que soutient la commune de l'Hôpital, comme dépourvue de chance de succès.

7. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que M. N...et Mme D...ont été embauchés, dans des conditions irrégulières, en qualité d'agents communaux et employés en cette qualité pendant respectivement cinq et quatre mois, avant de devenir salariés de l'association " Culture et progrès " assurant la gestion du centre de vacances dont ils devaient assurer le gardiennage, que le choix d'un emploi à temps plein et non à mi-temps pour le poste occupé par Mme D...n'a pas été utilement justifié et que les travaux réalisés dans le logement de fonction attribué aux gardiens du centre pour un peu plus de 24 000 euros, supportés par la commune, n'ont été jugés nécessaires qu'après la décision d'embaucher M. N...et Mme D... à ces postes. Dans ces conditions, tant l'emploi de ces personnes que les travaux effectués sont susceptibles d'avoir engendré, pour la commune, des dépenses injustifiées et l'action envisagée présente, contrairement à ce que soutient la commune de l'Hôpital, un intérêt matériel suffisant pour cette commune.

8. Il résulte de ce qui précède que la commune de l'Hôpital n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 12 juillet 2017 par laquelle le tribunal administratif de Strasbourg a autorisé M. J...et cinq autres contribuables à se constituer partie civile au nom de cette commune devant le tribunal correctionnel de Sarreguemines.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. J...et des autres défendeurs, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de l'Hôpital la somme de 500 euros à verser à chacun des défendeurs au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la commune de l'Hôpital est rejetée.

Article 2 : La commune de l'Hôpital versera à M.J..., MmeL..., M.O..., M. P..., M. K...et Mme R...la somme de 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de l'Hôpital et à M. Q...J..., premier dénommé, pour l'ensemble des défendeurs.

Copie en sera adressée à M. I...D..., à Mme F...M..., à M. G...N...et à Mme A...D....


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 413009
Date de la décision : 18/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 18 déc. 2017, n° 413009
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric Puigserver
Rapporteur public ?: M. Charles Touboul
Avocat(s) : SCP DIDIER, PINET ; OCCHIPINTI

Origine de la décision
Date de l'import : 26/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:413009.20171218
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