La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/12/2017 | FRANCE | N°412838

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 18 décembre 2017, 412838


Vu la procédure suivante :

M. A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision 2616052/DEF/RH-QT/SDG/EM/PPE du 11 octobre 2016 par laquelle le ministre de la défense a refusé de prolonger d'une année supplémentaire son affectation à la mission militaire française de Brunsumm, ainsi que la décision portant ordre de mutation 2753942 DEF/RH-QT/BAM/OFF/GEN du 10 mai 2017, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond su

r la légalité de cette décision. Par une ordonnance n° 1710545/9 du 1...

Vu la procédure suivante :

M. A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision 2616052/DEF/RH-QT/SDG/EM/PPE du 11 octobre 2016 par laquelle le ministre de la défense a refusé de prolonger d'une année supplémentaire son affectation à la mission militaire française de Brunsumm, ainsi que la décision portant ordre de mutation 2753942 DEF/RH-QT/BAM/OFF/GEN du 10 mai 2017, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de cette décision. Par une ordonnance n° 1710545/9 du 13 juillet 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a suspendu l'exécution de la décision du 11 octobre 2016 de non-prolongation de séjour, ainsi que l'ordre de mutation du 10 mai 2017.

Par un pourvoi, enregistré le 27 juillet 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre des armées demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 13 juillet 2017 du juge des référés du tribunal administratif de Paris ;

2°) statuant en référé, de rejeter la requête de M.A....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de la défense ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean Sirinelli, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de M.A....

1. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que M. A..., lieutenant-colonel de l'armée de terre affecté depuis le 28 juillet 2014 à la mission militaire française à Brunssum pour une durée de trois ans, a saisi la commission de recours des militaires le 7 décembre 2016 d'un recours tendant à l'annulation de la décision du 11 octobre 2016 par laquelle l'autorité militaire a opposé un refus à sa demande tendant au maintien de son affectation pour une année supplémentaire ; que ce recours a été implicitement rejeté ; qu'un ordre de mutation a été pris le 10 mai 2017 ; que M. A...a demandé au juge des référés de suspendre l'exécution de la décision du 11 octobre 2016 refusant la prolongation de son affectation, ainsi que la décision de mutation du 10 mai 2017 ; que, par une ordonnance du 13 juillet 2017, contre laquelle le ministre des armées se pourvoit en cassation, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a fait droit à sa demande ;

Sur l'ordonnance de référé :

2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de la décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ; qu'aux termes de l'article R. 4125-1 du code de la défense : " Tout recours contentieux formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle est précédé d'un recours administratif préalable, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux. / Ce recours administratif préalable est examiné par la commission des recours des militaires, placée auprès du ministre de la défense. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 4125-10 du même code : " Dans un délai de quatre mois à compter de sa saisine, la commission notifie à l'intéressé la décision du ministre compétent, ou le cas échéant, des ministres conjointement compétents. La décision prise sur son recours, qui est motivée en cas de rejet, se substitue à la décision initiale. (...) "

3. Considérant, d'une part, que l'objet du référé organisé par les dispositions mentionnées ci-dessus de l'article L. 521-1 du code de justice administrative est de permettre, lorsque les conditions fixées par cet article sont remplies, la suspension dans les meilleurs délais d'une décision administrative contestée par le demandeur ; que lorsque, dans les cas où un recours administratif préalable obligatoire est institué, le demandeur ne demande la suspension que de la décision administrative initiale et qu'il ressort des pièces du dossier que le requérant a effectivement exercé le recours obligatoire contre la décision, les conclusions du demandeur doivent être regardées comme dirigées contre la décision issue du recours administratif obligatoire ; qu'en revanche le juge des référés ne peut procéder à la suspension de la décision initiale, à laquelle la décision rendue sur recours administratif préalable obligatoire s'est entièrement substituée ; qu'il suit de là qu'alors qu'il ressortait des pièces du dossier que le recours de M. A...contre la décision refusant de prolonger son affectation avait été, comme l'article R. 4125-1 du code de la défense l'imposait, précédé d'un recours administratif devant la commission des recours des militaires et que, avant que le juge ne se prononce, une décision implicite était née du silence gardé par cette commission, le juge des référés ne pouvait suspendre l'exécution de la décision du 11 octobre 2016, à laquelle la décision de la commission de recours des militaires s'était entièrement substituée ; qu'ainsi, en procédant à la suspension de l'exécution de la décision du 11 octobre 2016, alors que le silence de la commission de recours des militaires avait fait naître une décision implicite de rejet qui s'y était entièrement substituée, le juge des référés a commis une erreur de droit ;

4. Considérant, d'autre part, que si, ainsi qu'il a été au point 1, M. A...a saisi la commission de recours des militaires d'un recours préalable tendant à l'annulation de la décision du 11 octobre 2016, il ne l'a pas saisie, ensuite, d'un recours tendant à l'annulation de la décision du 10 mai 2017 alors que, par cette seconde décision portant ordre de mutation à Lille, l'autorité militaire ne s'est pas bornée à tirer les conséquences de la décision refusant la prolongation de son affectation à Brunssum mais a procédé à la mutation de M. A...dans de nouvelles fonctions ; que, par suite, en faisant droit aux conclusions tendant à la suspension de la décision du 10 mai 2017, alors même que cette décision n'avait pas fait l'objet du recours préalable prévu par l'article R. 4125-1 du code de la défense, le juge des référés a commis une seconde erreur de droit ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que le ministre des armées est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par M. A...;

Sur la demande de suspension :

6. Considérant, d'une part, qu'ainsi qu'il a été dit au point 3, les conclusions de M. A...tendant à la suspension du rejet de sa demande de prolongation de son affectation aux Pays-Bas doivent être regardées comme dirigées contre la décision rejetant le recours formé contre cette décision devant la commission des recours des militaires ; que les moyens invoqués par M. A...à l'encontre de cette décision, tirés, d'une part, d'une violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant en ce que son retour en métropole aurait pour conséquence de compromettre les études de son fils en grande difficulté psychologique ou de laisser un enfant mineur seul à Brunssum, et, d'autre part, d'une erreur manifeste d'appréciation entachant l'appréciation de sa situation ne paraissent pas, en l'état de l'instruction, propres à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée ;

7. Considérant, d'autre part, qu'ainsi qu'il a été dit au point 4, les conclusions de M. A...tendant à la suspension de la décision du 10 mai 2017 ne peuvent qu'être rejetées, en l'absence de recours préalable contre cette décision ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander la suspension de l'exécution des décisions contestées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Paris du 13 juillet 2017 est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le juge des référés du tribunal administratif de Paris et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative devant le Conseil d'Etat sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la ministre des armées et à M. B...A....


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 412838
Date de la décision : 18/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 18 déc. 2017, n° 412838
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean Sirinelli
Rapporteur public ?: M. Gilles Pellissier
Avocat(s) : SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN, COUDRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 26/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:412838.20171218
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award