Vu la procédure suivante :
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la Banque de France à lui verser les sommes de 107 365,72 euros au titre d'un rappel d'indemnité de mise à la retraite et de 772 960,04 euros, ou subsidiairement de 291 607,66 euros, en réparation du préjudice résultant de l'illégalité de sa mise à la retraite d'office à soixante-trois ans, avec intérêts au taux légal à compter du 13 avril 2011. Par un jugement n° 1102644 du 22 janvier 2014, le tribunal administratif a fait droit à la demande d'indemnisation de M. B...et l'a renvoyé devant la Banque de France pour le calcul de la liquidation du montant des indemnités lui étant dues.
Par un arrêt n° 14NT00755 du 5 avril 2016, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel de la Banque de France et appel incident de M.B..., annulé ce jugement et rejeté la demande de première instance de M.B....
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 3 juin et 5 septembre 2016 et le 1er mars 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code monétaire et financier ;
- le code du travail ;
- la loi n° 53-611 du 11 juillet 1953 ;
- le décret n° 53-711 du 9 août 1953 ;
- le décret n° 68-299 du 29 mars 1968 ;
- le décret n° 2007-262 du 27 février 2007 ;
- l'arrêté du conseil général de la Banque de France du 6 mai 1976 portant adoption des statuts révisés des personnels de la Banque de France et de l'échelle de leur traitement ;
- l'arrêté n° 2007-262 du conseil général de la Banque de France du 19 janvier 2007 modifiant les statuts du 6 mai 1976 ;
- l'arrêté du 30 novembre 2007 du Gouverneur de la Banque de France, modifié le 16 juillet 2008 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Fuchs, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. B...et à la SCP Delvolvé et Trichet, avocat de la Banque de France ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., né le 31 juillet 1946 et employé par la Banque de France depuis le 18 novembre 1969, a, par une décision du 29 mai 2009, été placé d'office à la retraite à compter du 1er août 2009 au motif qu'il avait atteint la limite d'âge qui lui était applicable en vertu des statuts du personnel de la Banque de France ; que, sur sa demande, le tribunal administratif de Rennes a, par un jugement du 22 janvier 2014, condamné la Banque de France à l'indemniser des préjudices subis, d'une part, au titre de l'absence de versement d'un complément d'allocation de départ à la retraite et, d'autre part, du fait de sa mise à la retraite d'office à l'âge de soixante-trois ans ; que, par un arrêt du 5 avril 2016 contre lequel M. B...se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé le jugement du tribunal administratif et rejeté sa demande de première instance ; qu'eu égard aux moyens qu'il soulève, M. B... doit être regardé comme ne demandant l'annulation de cet arrêt qu'en tant qu'il annule le jugement et rejette sa demande relative au préjudice né de son admission d'office à la retraite à l'âge de soixante-trois ans ;
2. Considérant, d'une part, qu'en vertu de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1953 portant redressement économique et financier, la fixation des limites d'âge des agents de la Banque de France relève du pouvoir réglementaire ; que le décret du 9 août 1953 relatif au régime de retraite des personnels de l'Etat et des services publics, pris pour l'application de cette loi, a fixé les conditions générales de mise à la retraite des agents de la Banque de France et prévu que les mesures d'adaptation nécessaires seraient prises par des règlements d'administration publique ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 29 mars 1968 portant modification des limites d'âge du personnel de la Banque de France, dans sa rédaction applicable au 29 mai 2009, date de la décision plaçant d'office M. B...à la retraite : " Sont arrêtées, pour chaque grade ou emploi, entre soixante ans minimum et soixante-cinq ans maximum, par décision du conseil général de la Banque de France approuvée par le ministre de l'économie et des finances, les limites d'âge des agents de ladite banque recrutés, après la date de publication du présent décret, dans les cadres du personnel titulaire, stagiaire ou auxiliaire, sauf s'ils ont été admis à l'un des concours dont les résultats ont été publiés avant cette date " ;
3. Considérant que, pour l'application de ces dispositions, une décision du 19 janvier 2007 du conseil général de la Banque de France, approuvée par le ministre chargé de l'économie, a modifié les dispositions de l'article 241 du statut des personnels de la Banque de France, ainsi que celles de l'article 404 du même statut, qui prévoyaient une limite d'âge de soixante-trois ans pour le départ à la retraite de ces agents ; qu'aux termes de la nouvelle rédaction de l'article 241 du statut des personnels de la Banque de France, issue de cette décision du 19 janvier 2007, applicable à compter du 1er avril 2007 : " Les agents titulaires ont la faculté d'obtenir la liquidation de leur pension de retraite dès qu'ils remplissent les conditions fixées à cet effet par le règlement de la Caisse de réserve des employés. Sous réserve de dispositions transitoires fixées par un règlement du gouverneur, ils doivent prendre leur retraite (...) dès qu'ils ont atteint l'âge de 65 ans. / Sauf cas de sanction disciplinaire ou de réforme les agents ne peuvent être mis d'office à la retraite avant d'avoir atteint l'âge de 65 ans " ; que ces dispositions, qui fixent, à compter du 1er avril 2007, la limite de départ à la retraite des agents titulaires de la Banque de France à soixante-cinq ans, font, en principe, obstacle à ce qu'un agent soit mis à la retraite d'office avant d'avoir atteint cet âge ;
4. Considérant, toutefois, que le Gouverneur de la Banque de France a, par un arrêté du 30 novembre 2007 modifié le 16 juillet 2008, fixé, au titre des dispositions transitoires qu'il lui était loisible de définir sur le fondement des nouvelles dispositions, citées ci-dessus, de l'article 241 du statut des personnels de la Banque de France, des modalités d'application progressive du nouvel âge limite de départ à la retraite ; que cette décision distingue les agents ayant atteint l'âge de soixante ans entre le 1er juillet 2007 et le 1er juillet 2009, ou entre le 1er juillet 2009 et le 1er juillet 2013, ou entre le 1er juillet 2013 et le 1er juillet 2015 ; qu'il résulte toutefois des termes mêmes de cet arrêté qu'il ne prévoit aucune disposition transitoire pour les agents qui ont atteint l'âge de soixante ans avant le 1er juillet 2007 ; que, par suite, à défaut de telles dispositions transitoires qui leur seraient applicables, les agents titulaires de la Banque de France qui ont atteint l'âge de soixante ans avant le 1er juillet 2007 relèvent, à compter du 1er avril 2007, des seules dispositions générales de l'article 241 du statut des personnels de la Banque de France citées au point précédent, qui fixent l'âge limite de départ à la retraite à soixante-cinq ans ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'en jugeant que le silence des dispositions transitoires fixées par le Gouverneur de la Banque de France sur la situation des agents qui, comme M.B..., avaient atteint l'âge de soixante ans avant le 1er juillet 2007, ne pouvait avoir pour effet de leur rendre applicable, dès le 1er avril 2007, la limite d'âge de soixante cinq ans, de sorte que la Banque de France avait pu légalement prononcer son admission à la retraite d'office à soixante-trois ans, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, M. B... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque en tant qu'il statue sur la réparation des préjudices de perte de rémunération et de minoration de sa pension de retraite liés à son admission à la retraite d'office à soixante-trois ans ;
6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 5 avril 2016 est annulé dans la mesure de la cassation demandée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, devant la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : Les conclusions de la Banque de France présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et à la Banque de France.