La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/12/2017 | FRANCE | N°397923

France | France, Conseil d'État, 6ème - 1ère chambres réunies, 18 décembre 2017, 397923


Vu la procédure suivante :

La Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, 15 autres associations et 146 personnes physiques ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 20 décembre 2012 par lequel le préfet de la région Lorraine et le président du conseil régional de Lorraine ont approuvé le schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie et l'arrêté du 20 décembre 2012 par lequel le préfet de la région Lorraine a approuvé le schéma régional éolien. Par un jugement n° 1302595-

1302641 du 19 novembre 2014, le tribunal administratif de Nancy a rejeté les dem...

Vu la procédure suivante :

La Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, 15 autres associations et 146 personnes physiques ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 20 décembre 2012 par lequel le préfet de la région Lorraine et le président du conseil régional de Lorraine ont approuvé le schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie et l'arrêté du 20 décembre 2012 par lequel le préfet de la région Lorraine a approuvé le schéma régional éolien. Par un jugement n° 1302595-1302641 du 19 novembre 2014, le tribunal administratif de Nancy a rejeté les demandes dont il était saisi.

Par un arrêt n° 15NC00099 du 14 janvier 2016, la cour administrative d'appel de Nancy a, sur appel de la Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France et autres, annulé ce jugement et les arrêtés du 20 décembre 2012 approuvant le schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie et le schéma régional éolien.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 14 mars et 14 juin 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cyrille Beaufils, auditeur,

- les conclusions de Mme Julie Burguburu, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de la Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France et autres.

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie de Lorraine et le schéma régional éolien, qui en constitue une annexe, ont été approuvés respectivement par un arrêté conjoint du 20 décembre 2012 du préfet de la région Lorraine et du président du conseil régional de Lorraine et par un arrêté du préfet de la région Lorraine du même jour ; que, par un jugement du 19 novembre 2014, le tribunal administratif de Nancy a rejeté les demandes de la Fédération environnement durable et autres tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de ces arrêtés ; que, par un arrêt du 14 janvier 2016, contre lequel la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, se pourvoit en cassation la cour administrative d'appel de Nancy a annulé ce jugement et ces arrêtés au motif qu'ils avaient été adoptés à l'issue d'une procédure irrégulière, faute d'avoir été précédés de l'évaluation environnementale prévue à l'article L. 122-4 du code de l'environnement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la directive du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement : " 1. Une évaluation environnementale est effectuée, conformément aux articles 4 à 9, pour les plans et programmes visés aux paragraphes 2, 3 et 4 susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement. / 2. Sous réserve du paragraphe 3, une évaluation environnementale est effectuée pour tous les plans et programmes : / a) qui sont élaborés pour les secteurs de l'agriculture, de la sylviculture, de la pêche, de l'énergie, de l'industrie, des transports, de la gestion des déchets, de la gestion de l'eau, des télécommunications, du tourisme, de l'aménagement du territoire urbain et rural ou de l'affectation des sols et qui définissent le cadre dans lequel la mise en oeuvre des projets énumérés aux annexes I et II de la directive 85/337/CEE pourra être autorisée à l'avenir ; / ou b) pour lesquels, étant donné les incidences qu'ils sont susceptibles d'avoir sur des sites, une évaluation est requise en vertu des articles 6 et 7 de la directive 92/43/CEE. (...) " ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 122-4 du code de l'environnement, pris pour la transposition de ces dispositions : " I.- Font l'objet d'une évaluation environnementale au regard des critères mentionnés à l'annexe II à la directive 2001/42/ CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001, relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement, les plans, schémas, programmes et autres documents de planification susceptibles d'avoir des incidences sur l'environnement qui, sans autoriser par eux-mêmes la réalisation de travaux ou prescrire des projets d'aménagement, sont applicables à la réalisation de tels travaux ou projets : / 1° Les plans, schémas, programmes et autres documents de planification adoptés par l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements et les établissements publics en dépendant, relatifs à l'agriculture, à la sylviculture, à la pêche, à l'énergie ou à l'industrie, aux transports, à la gestion des déchets ou à la gestion de l'eau, aux télécommunications, au tourisme ou à l'aménagement du territoire qui ont pour objet de définir le cadre de mise en oeuvre les travaux et projets d'aménagement entrant dans le champ d'application de l'étude d'impact en application de l'article L. 122-1 ; (...) / IV.- Un décret en Conseil d'Etat définit les plans, schémas, programmes et documents visés aux I et III qui font l'objet d'une évaluation environnementale après un examen au cas par cas effectué par l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement. " ; qu'aux termes de l'article L. 122-1 du même code : " Les conditions d'application de la présente section pour chaque catégorie de plans ou de documents sont précisées, en tant que de besoin, par décret en Conseil d'Etat. " ; que l'article R. 122-17 du même code fixe une liste de plans, schémas, programmes et autres documents de planification devant être systématiquement soumis à évaluation environnementale au titre du I de l'article L. 122-4 ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 222-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction en vigueur : " I. Le préfet de région et le président du conseil régional élaborent conjointement le projet de schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie, après consultation des collectivités territoriales concernées et de leurs groupements. Ce schéma fixe, à l'échelon du territoire régional et à l'horizon 2020 et 2050 : / 1° Les orientations permettant d'atténuer les effets du changement climatique et de s'y adapter (...). A ce titre, il définit notamment les objectifs régionaux en matière de maîtrise de l'énergie ; / 2° Les orientations permettant, pour atteindre les normes de qualité de l'air mentionnées à l'article L. 221-1, de prévenir ou de réduire la pollution atmosphérique ou d'en atténuer les effets. A ce titre, il définit des normes de qualité de l'air propres à certaines zones lorsque les nécessités de leur protection le justifient ; / 3° Par zones géographiques, les objectifs qualitatifs et quantitatifs à atteindre en matière de valorisation du potentiel énergétique terrestre, renouvelable et de récupération et en matière de mise en oeuvre de techniques performantes d'efficacité énergétique (...). A ce titre, le schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie vaut schéma régional des énergies renouvelables au sens du III de l'article 19 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement. (...) " ; que cet article L. 222-1 précise en outre que : " Un schéma régional éolien qui constitue un volet annexé à ce document définit, en cohérence avec les objectifs issus de la législation européenne relative à l'énergie et au climat, les parties du territoire favorables au développement de l'énergie éolienne. " ; que l'article R. 222-2 du même code dispose que : " I. - Le rapport du schéma régional présente et analyse, dans la région, et en tant que de besoin dans des parties de son territoire, la situation et les politiques dans les domaines du climat, de l'air et de l'énergie et les perspectives de leur évolution aux horizons 2020 et 2050 (...). / II. - Sur la base de ce rapport, un document d'orientations définit (...) : / 1° Des orientations ayant pour objet la réduction des émissions de gaz à effet de serre portant sur l'amélioration de l'efficacité énergétique et la maîtrise de la demande énergétique dans les secteurs résidentiel, tertiaire, industriel, agricole, du transport et des déchets ainsi que des orientations visant à adapter les territoires et les activités socio-économiques aux effets du changement climatique ; / 2° Des orientations destinées à prévenir ou à réduire la pollution atmosphérique (...). Ces orientations sont renforcées dans les zones où les valeurs limites de la qualité de l'air sont ou risquent d'être dépassées et dites sensibles en raison de l'existence de circonstances particulières locales liées à la protection des intérêts définis à l'article L. 220-2, pour lesquelles il définit des normes de qualité de l'air lorsque les nécessités de cette protection le justifient ; / 3° Des objectifs quantitatifs de développement de la production d'énergie renouvelable (...). / IV. - Le volet annexé au schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie, intitulé " schéma régional éolien ", identifie les parties du territoire régional favorables au développement de l'énergie éolienne compte tenu d'une part du potentiel éolien et d'autre part des servitudes, des règles de protection des espaces naturels ainsi que du patrimoine naturel et culturel, des ensembles paysagers, des contraintes techniques et des orientations régionales. Il établit la liste des communes dans lesquelles sont situées ces zones. Les territoires de ces communes constituent les délimitations territoriales du schéma régional éolien au sens de l'article L. 314-9 du code de l'énergie. " ; que le schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie et le schéma régional éolien n'étaient pas au nombre des schémas, programmes et autres documents de planification devant être précédés d'une évaluation environnementale selon la rédaction de l'article R. 122-17 du même code rappelée ci-dessus alors en vigueur ;

5. Considérant qu'il résulte des dispositions rappelées au point précédent que le schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie définit les orientations permettant d'atténuer les effets du changement climatique et de s'y adapter ainsi que de prévenir ou de réduire la pollution atmosphérique ou d'en atténuer les effets ; qu'il définit également, par zones géographiques, les objectifs qualitatifs et quantitatifs à atteindre en matière de valorisation du potentiel énergétique terrestre, renouvelable et de récupération et en matière de mise en oeuvre de techniques performantes d'efficacité énergétique telles que les unités de cogénération, notamment alimentées à partir de biomasse, conformément aux objectifs issus de la législation européenne relative à l'énergie et au climat ; que le schéma régional éolien qui lui est annexé détermine les parties du territoire favorables au développement de l'énergie éolienne, conformément à ces derniers objectifs ; qu'en outre, en vertu du I de l'article L. 222-4 précité du code de l'environnement, les orientations définies par le schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie s'imposent dans un rapport de compatibilité aux plans de protection de l'atmosphère pour l'exécution desquels les autorités compétentes en matière de police arrêtent, en application de l'article L. 222-6, les mesures destinées à réduire les émissions des sources de pollution atmosphérique, ainsi qu'aux plans de déplacement urbains et aux plans locaux d'urbanisme pour leurs dispositions tenant lieu de plans de déplacement urbain, en vertu de l'article L. 1214-7 du code des transports, dans sa rédaction applicable ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que les schémas ainsi définis doivent être regardés comme définissant, au sens des dispositions du I de l'article L. 122-4 du code de l'environnement, le cadre de mise en oeuvre de travaux et projets d'aménagement entrant dans le champ d'application de l'étude d'impact dans les domaines, notamment, de l'industrie, de l'énergie et des transports ; que ces schémas doivent, en conséquence, faire l'objet d'une évaluation environnementale ; que, par suite, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que les dispositions de l'article R. 122-17 du code de l'environnement, qui se présentent comme une liste exhaustive des schémas, programmes et autres documents de planification devant être précédés d'une évaluation environnementale, étaient illégales dans leur rédaction alors applicable en tant qu'elles ne mentionnaient pas les schémas régionaux du climat, de l'air et de l'énergie ni leur volet schéma régional éolien ;

6. Considérant qu'il résulte en outre de ce qui précède que les dispositions de l'article L. 122-4 imposaient, à la date des décisions attaquées, la réalisation d'une telle évaluation sans qu'il fût nécessaire qu'un texte réglementaire le prescrivît ; que l'article L. 122-4 ne prévoit, d'ailleurs, l'intervention d'un décret d'application que pour définir les plans, schémas, programmes et documents visés qui font l'objet d'une évaluation environnementale après un examen au cas par cas ; que la cour a, par suite, pu sans erreur de droit se fonder sur le défaut d'évaluation environnementale pour annuler les schémas attaqués ;

7. Considérant enfin que, contrairement à ce que soutient le ministre chargé de l'environnement, il résulte de ce qui a été dit au point 5 que la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, ne s'est pas fondée sur une méconnaissance des objectifs de la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001 précitée pour juger que l'article R. 122-17 du code de l'environnement était entaché d'illégalité ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la cour aurait commis une erreur de droit en faisant application de dispositions de cette directive qui n'étaient pas précises et inconditionnelles ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ;

8. Considérant qu'il résulte des précédents motifs que la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros à verser à la Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France et autres, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France et autres une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire et à la Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, première dénommée, pour tous ses cosignataires.

Copie en sera adressée à la région Grand Est.


Synthèse
Formation : 6ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 397923
Date de la décision : 18/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 18 déc. 2017, n° 397923
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Cyrille Beaufils
Rapporteur public ?: Mme Julie Burguburu
Avocat(s) : SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 26/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:397923.20171218
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award