Vu la procédure suivante :
M. A...a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 26 février 2013, par laquelle le bureau du Conseil économique, social et environnemental a déclaré irrecevable la pétition qu'il avait déposée en sa qualité de mandataire unique des pétitionnaires, sur le fondement de l'article 69 de la Constitution, pour demander au Conseil de donner son avis sur le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe et, d'autre part, d'enjoindre au bureau du Conseil économique social et environnemental de déclarer recevable la pétition en cause. Par un jugement n° 1305796-6 du 30 juin 2014, le tribunal administratif a annulé la délibération du 26 février 2013 et rejeté les conclusions aux fins d'injonction.
Par un arrêt n° 14PA03850 du 6 juin 2016, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par M. A...contre ce jugement en tant qu'il rejetait ses conclusions aux fins d'injonction et fait droit à l'appel incident formé par le Conseil économique, social et environnemental en annulant ce jugement et en rejetant les conclusions présentées par M. A...devant le tribunal administratif de Paris.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 8 août et 8 novembre 2016 et le 27 novembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge du Conseil économique, social et environnemental la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son article 69 ;
- l'ordonnance modifiée n° 58-1360 du 29 décembre 1958 ;
- le décret modifié n° 59-601 du 5 mai 1959 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marie Gautier-Melleray, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Briard, avocat de M. B...A...et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat du Conseil économique social et environnemental ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, agissant en sa qualité de mandataire unique de ses signataires, M. B...A...a déposé le 15 février 2013 une pétition demandant au Conseil économique, social et environnemental (CESE) de donner un avis sur le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe. Par un jugement du 30 juin 2014, le tribunal administratif de Paris a annulé pour excès de pouvoir, à la demande de M.A..., la décision du 26 février 2013 par laquelle le bureau du CESE a déclaré cette pétition irrecevable. M. A... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 6 juin 2016 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a annulé ce jugement et rejeté la demande qu'il avait présentée devant le tribunal administratif, au motif qu'il n'appartient pas à la juridiction administrative de connaître de la délibération du bureau du CESE se prononçant sur la recevabilité d'une pétition soumise au Conseil en application du dernier alinéa de l'article 69 de la Constitution.
2. Aux termes de l'article 69 de la Constitution, dans sa rédaction issue de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 : " Le Conseil économique, social et environnemental, saisi par le Gouvernement, donne son avis sur les projets de loi, d'ordonnance ou de décret ainsi que sur les propositions de lois qui lui sont soumis. / Un membre du Conseil économique, social et environnemental peut être désigné par celui-ci pour exposer devant les assemblées parlementaires l'avis du Conseil sur les projets ou propositions qui lui ont été soumis. / Le Conseil économique, social et environnemental peut être saisi par voie de pétition dans les conditions fixées par une loi organique. Après examen de la pétition, il fait connaître au Gouvernement et au Parlement les suites qu'il propose d'y donner ".
3. Aux termes de l'article 1er de l'ordonnance organique du 29 décembre 1958, dans sa rédaction issue de la loi organique du 28 juin 2010 : " Le Conseil économique, social et environnemental est auprès des pouvoirs publics une assemblée consultative. / Représentant les principales activités du pays, le Conseil favorise leur collaboration et assure leur participation à la politique économique, sociale et environnementale de la Nation. / Il examine les évolutions en matière économique, sociale ou environnementale et suggère les adaptations qui lui paraissent nécessaires. / Il promeut une politique de dialogue et de coopération avec les assemblées consultatives créées auprès des collectivités territoriales et auprès de ses homologues européens et étrangers ". Aux termes de l'article 4-1 de la même ordonnance : " Le Conseil économique, social et environnemental peut être saisi par voie de pétition de toute question à caractère économique, social ou environnemental (...)/ La pétition est adressée par un mandataire unique au président du Conseil économique, social et environnemental. Le bureau statue sur sa recevabilité au regard des conditions fixées au présent article et informe le mandataire de sa décision (...)".
4. La décision par laquelle le bureau du CESE statue, en application des dispositions citées ci-dessus, sur la recevabilité d'une pétition dont le Conseil est saisi sur le fondement du troisième alinéa de l'article 69 de la Constitution, en vérifiant si les conditions posées par l'article 4-1 cité au point précédent sont remplies, a le caractère d'une décision administrative susceptible d'un recours pour excès de pouvoir. Il suit de là qu'en jugeant qu'il n'appartenait pas à la juridiction administrative de connaître de la décision du 26 février 2013, la cour administrative d'appel de Paris a entaché son arrêt d'erreur de droit. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, M. A...est fondé à en demander l'annulation.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
6. Il ressort des pièces du dossier que le bureau du CESE a, par la décision attaquée du 26 février 2013, déclaré irrecevable la pétition déposée par M.A..., qui saisissait le Conseil d'une demande tendant à ce qu'il donne un avis sur le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe au motif qu'il n'appartient qu'au Premier ministre de saisir le CESE pour avis sur un projet de loi.
7. Pour les motifs exposés au point 4 ci-dessus, l'exception d'incompétence de la juridiction administrative pour connaître de la décision attaquée soulevée par le CESE ne peut qu'être écartée.
8. Il résulte des dispositions de l'article 69 de la Constitution, éclairées par les travaux préparatoires de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, que, si le CESE peut être régulièrement saisi par voie de pétition d'une question à caractère économique, social ou environnemental alors même qu'un projet de loi qui n'est pas sans lien avec celle-ci est soumis au Parlement, il ne peut être saisi aux fins de donner un avis sur un projet de loi que par le Gouvernement. Il s'ensuit que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris s'est fondé, pour annuler la décision attaquée, sur ce que le bureau du CESE aurait illégalement estimé qu'une pétition tendant à ce que le Conseil donne son avis sur un projet de loi est irrecevable.
9. Il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le tribunal administratif de Paris et la cour administrative d'appel de Paris.
10. En premier lieu, aucune disposition de l'ordonnance organique du 28 décembre 1958, notamment pas ses articles 4-1 et 14, ne prescrit, à peine de nullité, que le texte écrit d'une délibération du bureau du CESE soit signé par son président ou son secrétaire général. Dès lors, les requérants, qui ne font valoir aucune irrégularité relative aux conditions dans lesquelles la délibération du bureau du CESE du 26 février 2013 a été prise, ne sont pas fondés à soutenir que cette dernière serait irrégulière au motif que son texte écrit ne porte pas ces signatures.
11. En deuxième lieu, la circonstance que le président du bureau du CESE ait appelé l'attention du Premier ministre par courrier sur la question de la recevabilité de la pétition déposée par M. A...ne révèle, par elle-même, ni que le bureau aurait renoncé à exercer sa compétence en s'estimant lié par la position du Premier ministre, ni que la décision attaquée serait entachée de partialité.
12. En troisième lieu, la circonstance que la délibération attaquée, qui a été prise sur le fondement de l'article 4-1 de l'ordonnance du 29 décembre 1958, se réfère, notamment pour interpréter la notion de " question à caractère économique, social ou environnemental ", aux articles 69 de la Constitution et 2 de l'ordonnance du 29 décembre 1958, est sans incidence sur sa légalité.
13. Il résulte de tout ce qui précède que le CESE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé la délibération de son bureau du 26 février 2013. Les conclusions de M. A...dirigées contre le jugement du 30 juin 2014 en tant qu'il rejette sa demande qu'il soit enjoint au CESE de déclarer recevable la pétition qu'il a présentée sont, par voie de conséquence, privées d'objet.
14. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 6 juin 2016 et les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Paris du 30 juin 2014 sont annulés.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions d'appel présentées par M. A...devant la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Paris tendant à l'annulation de la délibération du bureau du Conseil économique, social et environnemental du 26 février 2013 est rejetée.
Article 4 : Les conclusions de M. A...et du Conseil économique, social et environnemental présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A...et au Conseil économique, social et environnemental.