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04/12/2017 | FRANCE | N°411438

France | France, Conseil d'État, 4ème - 5ème chambres réunies, 04 décembre 2017, 411438


Vu la procédure suivante :

Par un mémoire, enregistré le 12 septembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Sudelvet Conseil demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, du décret n° 2017-514 du 10 avril 2017 relatif à la réforme de l'ordre des vétérinaires, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L.

242-2 du code rural et de la pêche maritime.

Vu les autres pièces du do...

Vu la procédure suivante :

Par un mémoire, enregistré le 12 septembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Sudelvet Conseil demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, du décret n° 2017-514 du 10 avril 2017 relatif à la réforme de l'ordre des vétérinaires, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 242-2 du code rural et de la pêche maritime.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- l'article L. 242-2 du code rural et de la pêche maritime ;

- le décret n° 2017-514 du 10 avril 2017 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Céline Roux, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de la société Sudelvet Conseil ;

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant que la société Sudelvet Conseil conteste, à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le décret du 10 avril 2017 relatif à la réforme de l'ordre des vétérinaires, la constitutionnalité des dispositions de l'article L. 242-2 du code rural et de la pêche maritime aux termes desquelles : " Les personnes exerçant la profession de vétérinaire peuvent détenir des participations financières dans les sociétés de toute nature, sous réserve, s'agissant des prises de participation dans des sociétés ayant un lien avec l'exercice de la profession vétérinaire, que celles-ci soient portées à la connaissance de l'ordre des vétérinaires. Les modalités du contrôle exercé par l'ordre, tendant à ce que les prises de participation ne mettent pas en péril l'exercice de la profession vétérinaire, notamment s'agissant de la surveillance sanitaire des élevages, l'indépendance des vétérinaires ou le respect par ces derniers des règles inhérentes à leur profession, sont précisées par voie réglementaire " ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'en imposant aux vétérinaires de porter à la connaissance de leur ordre les participations financières qu'ils prennent dans certaines sociétés, ces dispositions visent à permettre à ce dernier d'exercer la mission de contrôle qui lui est impartie par l'article L. 242-1 du code rural et de la pêche maritime, aux termes duquel : " l'ordre des vétérinaires veille au respect des principes d'indépendance, de moralité et de probité, à l'observation des règles déontologiques, en particulier du secret professionnel, et à l'entretien des compétences indispensables à l'exercice de la profession de vétérinaire (...) " ; que si les dispositions législatives contestées ont pour objet de permettre, le cas échéant, en cas de prise de participation financière contraire aux règles déontologiques qui gouvernent la profession, l'exercice de poursuites disciplinaires par les instances ordinales compétentes, elles ne portent pas, par elles-mêmes, atteinte au droit de propriété protégé par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et, par suite, ne méconnaissent pas l'étendue de la compétence que l'article 34 de la Constitution confère au législateur pour fixer les principes fondamentaux du régime de la propriété ;

4. Considérant, en second lieu, que l'obligation d'information prévue par les dispositions législatives contestées porte sur les seules prises de participation dans des sociétés ayant un lien avec l'exercice de la profession de vétérinaire ; qu'ainsi, eu égard à la finalité de ces informations, qui est de prévenir l'existence de conflits d'intérêts préjudiciables à l'exercice de la profession de vétérinaire, et compte tenu de ce qu'elles ont pour destinataire exclusif l'instance compétente de l'ordre des vétérinaires, dont les membres sont soumis au secret professionnel, l'obligation ainsi instituée ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée, garanti par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et ne méconnaît pas l'étendue de la compétence que l'article 34 de la Constitution confère au législateur pour fixer les règles concernant les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la question soulevée par la société Sudelvet Conseil, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; que, par suite, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que l'article L. 242-2 du code rural et de la pêche maritime porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Sudelvet Conseil.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Sudelvet Conseil, au Premier ministre et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel.


Synthèse
Formation : 4ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 411438
Date de la décision : 04/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 04 déc. 2017, n° 411438
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Céline Roux
Rapporteur public ?: M. Frédéric Dieu
Avocat(s) : SCP SPINOSI, SUREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:411438.20171204
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