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04/12/2017 | FRANCE | N°403454

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 04 décembre 2017, 403454


Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 30 septembre 2014 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile et de lui reconnaître la qualité de réfugié ou, à défaut, de lui accorder le bénéfice de la protection subsidiaire.

Par une décision n° 14033102 du 12 juillet 2016, la Cour nationale du droit d'asile a annulé la décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et l

ui a reconnu la qualité de réfugié.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémenta...

Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 30 septembre 2014 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile et de lui reconnaître la qualité de réfugié ou, à défaut, de lui accorder le bénéfice de la protection subsidiaire.

Par une décision n° 14033102 du 12 juillet 2016, la Cour nationale du droit d'asile a annulé la décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et lui a reconnu la qualité de réfugié.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 septembre et 12 décembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision ;

2°) de renvoyer l'affaire à la Cour nationale du droit d'asile ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole signé à New-York le 31 janvier 1967 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Weil, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, et à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de M. A...et de l'association La Croix Marine d'Auvergne ;

1. Considérant que, par une décision du 30 septembre 2014, le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a, se fondant sur les dispositions du F de l'article premier de la convention de Genève, refusé d'accorder à M. B... A..., ressortissant rwandais, la qualité de réfugié ; que, par une décision du 12 juillet 2016, la Cour nationale du droit d'asile a annulé cette décision et reconnu la qualité de réfugié à M. A... ; que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides se pourvoit en cassation contre cette décision ;

2. Considérant que, selon les stipulations du paragraphe A, 2°, de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951, doit être considéré comme réfugié toute personne qui, " craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays " ; et qu'aux termes de celles de l'article 1er, F, de la même convention, " Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser : a) qu'elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l'humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes ; b) qu'elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d'accueil avant d'y être admises comme réfugiés ; c) qu'elles se sont rendues coupables d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces soumises au juge du fond que M. A..., officier des forces armées rwandaises, avait été affecté à sa sortie de l'Ecole supérieure militaire en 1992 comme chef du deuxième peloton de la deuxième compagnie du bataillon para-commando avec le grade de sous-lieutenant ; que, blessé en février 1993, il avait été réorienté vers une formation à la gestion et à l'informatique destinée à faciliter son retour à la vie civile ; que, toutefois, au soir de l'attentat du 6 avril 1994 contre le président rwandais, il a été rappelé au service actif ; qu'il a rejoint le bataillon para-commando et y a servi entre le 10 avril et le 23 mai 1994 ;

4. Considérant qu'il résulte des stipulations de l'article 1er, F, de la Convention de Genève que l'exclusion du statut de réfugié prévue par le a) de cet article est subordonnée à l'existence de raisons sérieuses de penser qu'une part de responsabilité pour les crimes qu'il mentionne peut être imputée personnellement au demandeur d'asile ; que, si cette responsabilité ne peut être déduite de seuls éléments contextuels, elle n'implique pas que soient établis des faits précis caractérisant l'implication de l'intéressé dans ces crimes ;

5. Considérant qu'en écartant l'application du a) de l'article 1er, F, de cette convention à M. A...au motif que sa responsabilité personnelle et consciente dans les crimes de génocide et les crimes contre l'humanité commis au Rwanda entre le 7 avril et le 17 juillet 1994 n'était pas établie, alors qu'il lui appartenait uniquement de rechercher si les éléments de fait résultant de l'instruction étaient de nature à fonder de sérieuses raisons de penser qu'il était personnellement impliqué dans ces crimes, la Cour nationale du droit d'asile a commis une erreur de droit ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides est fondé à demander l'annulation de la décision attaquée ;

6. Considérant que les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur le fondement de ces dispositions par la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de M. A...;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision du 12 juillet 2016 de la Cour nationale du droit d'asile est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la Cour nationale du droit d'asile.

Article 3 : Les conclusions présentées par la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de M. A..., sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, à M. B...A..., et à l'association La Croix Marine d'Auvergne, curateur de M. A....


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 403454
Date de la décision : 04/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

095-04-01-01-02-02 - RAISONS SÉRIEUSES DE PENSER QU'UN DEMANDEUR D'ASILE S'EST RENDU COUPABLE D'UN DES AGISSEMENTS VISÉS AU A) DU F DE L'ARTICLE 1ER DE LA CONVENTION DE GENÈVE - CONDITION - NÉCESSITÉ D'ÉTABLIR LA RESPONSABILITÉ PERSONNELLE DU DEMANDEUR D'ASILE DANS CES AGISSEMENTS - ABSENCE.

095-04-01-01-02-02 Il résulte des stipulations de l'article 1 F de la Convention de Genève que l'exclusion du statut de réfugié prévue par le a) de cet article est subordonnée à l'existence de raisons sérieuses de penser qu'une part de responsabilité pour les crimes qu'il mentionne peut être imputée personnellement au demandeur d'asile. Si cette responsabilité ne peut être déduite de seuls éléments contextuels, elle n'implique pas que soient établis des faits précis caractérisant l'implication de l'intéressé dans ces crimes.


Publications
Proposition de citation : CE, 04 déc. 2017, n° 403454
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François Weil
Rapporteur public ?: M. Guillaume Odinet
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP FABIANI, LUC-THALER, PINATEL

Origine de la décision
Date de l'import : 07/08/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:403454.20171204
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