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29/11/2017 | FRANCE | N°399695

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 29 novembre 2017, 399695


Vu la procédure suivante :

Mme B... A...a demandé au tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler la décision du 6 mars 2015 par laquelle le directeur académique des services départementaux de l'éducation nationale de la Seine-Saint-Denis a refusé son départ à la retraite anticipé dès le 1er septembre 2015 et, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de cette décision illégale. Par un jugement n° 1503711 du 4 mars 2016, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
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Vu la procédure suivante :

Mme B... A...a demandé au tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler la décision du 6 mars 2015 par laquelle le directeur académique des services départementaux de l'éducation nationale de la Seine-Saint-Denis a refusé son départ à la retraite anticipé dès le 1er septembre 2015 et, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de cette décision illégale. Par un jugement n° 1503711 du 4 mars 2016, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 16VE01065 du 3 mai 2016, enregistrée le 11 mai 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la 5ème chambre de la cour administrative d'appel de Versailles a transmis au Conseil d'Etat le pourvoi formé par Mme A... contre ce jugement, en application des articles R. 351-2 et R. 811-1 du code de justice administrative.

Par ce pourvoi, ainsi que par un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 11 août 2016 et 22 juin 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 4 mars 2016 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des pensions civiles et militaires de retraite, notamment son article L. 24 ;

- le code de l'éducation, notamment son article L. 921-4 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 ;

- le décret n° 86-487 du 14 mars 1986, désormais abrogé ;

- le décret n° 2011-2103 du 30 décembre 2011 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Simon Chassard, auditeur,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de Mme A...;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A..., née en octobre 1956, a été recrutée le 1er octobre 1976 par le département de la Seine-Saint-Denis afin d'exercer les fonctions de jardinière d'enfants. Elle a été admise au concours des instituteurs et placée en détachement en tant qu'élève-maître à l'école normale du 2 octobre 1989 au 1er septembre 1991, date à laquelle elle a été titularisée en tant qu'institutrice. Lauréate du premier concours interne de professeur des écoles, elle a été nommée dans ce corps à compter du 1er septembre 2005. Faisant valoir qu'elle totalisait plus de quinze années de services en catégorie active dans la fonction publique de l'Etat, elle a demandé en 2013 au directeur académique des services départementaux de l'éducation nationale de la Seine-Saint-Denis à être admise à la retraite à taux plein à compter du

1er septembre 2015. Sa demande ayant été rejetée, Mme A...a sollicité le réexamen de sa demande. Par une décision du 6 mars 2015, le directeur académique a à nouveau rejeté cette demande. Mme A...se pourvoit en cassation contre le jugement du 4 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 6 mars 2015 et, d'autre part, à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme de 10 000 euros au titre du préjudice subi du fait de cette décision.

2. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que le tribunal administratif de Montreuil a fondé sa décision sur une version de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite antérieure à la rédaction qu'en ont donnée les articles 23 et 35 de la loi du 9 novembre 2010 de réforme de retraites, qui est applicable, en vertu des dispositions de l'article 118 de cette loi, aux pensions prenant effet à compter du 1er juillet 2011. Par suite, le tribunal administratif de Montreuil a commis une erreur de droit. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de son pourvoi, que Mme A...est fondée à demander l'annulation de ce jugement.

3. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. Aux termes de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraites, dans sa rédaction applicable : " I. - La liquidation de la pension intervient : / 1° Lorsque le fonctionnaire civil est radié des cadres par limite d'âge, ou s'il a atteint, à la date de l'admission à la retraite, l'âge mentionné à l'article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale, ou de cinquante-sept ans s'il a accompli au moins dix-sept ans de services dans des emplois classés dans la catégorie active. / Sont classés dans la catégorie active les emplois présentant un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles. La nomenclature en est établie par décret en Conseil d'Etat ; (...) ". Il résulte toutefois des dispositions du III de l'article 35 de la loi du 9 novembre 2010 de réforme des retraites que l'allongement, par cet article, de quinze à dix-sept ans de la durée des services accomplis dans des emplois classés dans la catégorie active nécessaire pour pouvoir bénéficier d'un départ à la retraite anticipé en application de l'article L. 24 du code ne s'applique pas, notamment, aux fonctionnaires qui, après avoir accompli la durée de quinze années de services effectifs qui était prévue avant l'entrée en vigueur de cette loi, ont été intégrés dans un corps dont les emplois ne sont pas classés en catégorie active. Mme A...soutient qu'elle entre dans ce cas de figure, dès lors qu'elle a exercé les fonctions d'institutrice du 2 octobre 1989 au 31 août 2005 avant d'être intégrée dans le corps des professeurs des écoles.

5. Toutefois, à l'époque où Mme A...a suivi sa formation d'élève-maître à l'école normale, du 2 octobre 1989 au 31 août 1991, elle se trouvait en position de détachement de la fonction publique territoriale, en application des dispositions alors applicables de l'article 11 du décret du 14 mars 1986 relatif au recrutement et à la formation des instituteurs, qui prévoyait que " Les candidats reçus qui possèdent la qualité de fonctionnaire titulaire de l'Etat et des collectivités territoriales ou de militaire sont placés en position de détachement pendant la durée de leur scolarité ". Or aux termes de l'article R. 35 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Les services rendus par les agents qui, terminant leur carrière au service de l'Etat, ont auparavant relevé du régime de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales et des administrations mentionnées aux 3° et 5° de l'article L. 5 sont toujours réputés accomplis dans la catégorie sédentaire. ". Il résulte de ces dispositions que ce n'est qu'entre le 1er septembre 1991, date de sa titularisation en tant qu'institutrice, et le 1er septembre 2005, date de sa nomination dans le corps des professeurs des écoles, soit pendant quatorze ans, que Mme A...doit être regardée comme ayant accompli des services dans un emploi de la fonction publique de l'Etat classé dans la catégorie active au sens et pour l'application de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, sans qu'ait d'influence, à cet égard, la double circonstance que le bulletin de paie de la requérante pour la période du 2 octobre au31 décembre 1989 mentionne une " retenue pour pension civile " et que le site internet I-Prof, mis en ligne et géré par le ministère de l'éducation nationale en vue notamment de permettre à ses agents d'obtenir des renseignements relatifs à leur carrière, indiquait, le 18 décembre 2012, que Mme A...totalisait plus de quinze années de services en qualité d'institutrice. Ainsi, la requérante n'entre pas dans les prévisions du III de l'article 35 de la loi du9 novembre 2010 de réforme des retraites, qui permet aux fonctionnaires ayant accompli, avant l'entrée en vigueur de cette loi, quinze années de services effectifs dans un emploi classé dans la catégorie active de bénéficier du départ à la retraite anticipé prévu par l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite sans se voir appliquer la durée de dix-sept années de services effectifs désormais exigée par cet article.

6. Il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 6 mars 2015 par laquelle le directeur académique des services départementaux de l'éducation nationale de la Seine-Saint-Denis lui a, d'une part, refusé le bénéfice, à compter du 1er septembre 2015, du départ à la retraite anticipé prévu par les dispositions de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite et, d'autre part, indiqué qu'elle ne pouvait prétendre à une retraite à taux plein avant le

1er septembre 2019, en application des dispositions combinées de cet article et de l'article

L. 921-4 du code de l'éducation, qui prévoit que les personnels enseignants appartenant au corps des professeurs des écoles qui remplissent, en cours d'année scolaire, les conditions d'âge pour obtenir la jouissance immédiate de leur pension sont maintenus en activité jusqu'au 31 août de l'année, sauf s'ils sont atteints par la limite d'âge.

Sur les conclusions indemnitaires :

7. Si Mme A...soutient que la décision du 6 mars 2015 du directeur académique des services départementaux de l'éducation nationale de la Seine-Saint-Denis lui cause un préjudice, dès lors que le refus qui a été opposé à sa demande de départ à la retraite à compter du 1er septembre 2015 a totalement modifié les projets de vie de son couple, il résulte de ce qui a été dit aux points 5 et 6 qu'en tout état de cause, cette décision, qui n'est pas illégale, ne traduit aucune faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat. La requérante n'établit pas, par ailleurs, l'existence d'un lien direct entre le préjudice allégué et la circonstance que le site internet I-Prof indiquait, le 18 décembre 2012, qu'elle totalisait plus de quinze années de services en qualité d'institutrice.

8. Il résulte de ce qui précède que les conclusions indemnitaires présentées par Mme A...doivent être rejetées.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 4 mars 2016 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : La requête présentée par Mme A...au tribunal administratif de Montreuil est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de Mme A...est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B...A...et au ministre de l'éducation nationale.


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 399695
Date de la décision : 29/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Publications
Proposition de citation : CE, 29 nov. 2017, n° 399695
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Simon Chassard
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:399695.20171129
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