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24/11/2017 | FRANCE | N°399324

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 24 novembre 2017, 399324


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 212 253,26 euros et de 4 000 euros en réparation des préjudices professionnel et moral subis en raison de la perte de chance de réussir les épreuves de l'examen professionnel pour l'accès au grade d'attaché principal d'administration, ainsi que la somme de 10 000 euros en réparation des troubles de toute nature dans les conditions d'existence résultant de ses différents échecs aux épreuves de cet ex

amen. Par un jugement n° 1301136 du 18 juin 2014, le tribunal administratif...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 212 253,26 euros et de 4 000 euros en réparation des préjudices professionnel et moral subis en raison de la perte de chance de réussir les épreuves de l'examen professionnel pour l'accès au grade d'attaché principal d'administration, ainsi que la somme de 10 000 euros en réparation des troubles de toute nature dans les conditions d'existence résultant de ses différents échecs aux épreuves de cet examen. Par un jugement n° 1301136 du 18 juin 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'Etat à verser à M. B... une indemnité de 4 000 euros (article 1er) et a rejeté le surplus de ses conclusions (article 2).

Par un arrêt n° 14BX02407 du 29 février 2016, la cour administrative d'appel de Bordeaux, sur appel du ministre chargé de l'agriculture, a annulé l'article 1er de ce jugement et rejeté l'appel incident de M. B....

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 29 avril et 29 juillet 2016 et le 3 octobre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du ministre chargé de l'agriculture et de faire droit à son appel incident ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christian Fournier, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de M. B...;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes des dispositions du quatrième alinéa du I de l'article 27 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction issue de l'article 32 de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances : " Des dérogations aux règles normales de déroulement des concours et des examens sont prévues, afin, notamment, d'adapter la durée et le fractionnement des épreuves aux moyens physiques des candidats ou de leur apporter les aides humaines et techniques nécessaires précisées par eux au moment de leur inscription (...) ". Il appartient au juge administratif de contrôler les conditions dans lesquelles ces dérogations, qui doivent être adaptées à la nature et à la technicité des épreuves compte tenu des précisions apportées par les candidats sur leurs besoins, ont été mises en oeuvre par le jury lors du déroulement des épreuves.

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... a justifié, lors de son inscription à la session 2011 de l'examen professionnel pour l'accès au grade d'attaché principal d'administration, qu'il était atteint d'une forme rare de dégénérescence maculaire se manifestant par une hypersensibilité à la lumière, une baisse de l'acuité visuelle et la nécessité de faire des efforts pour la fixation entraînant une plus grande fatigabilité ainsi que des difficultés de mémorisation. Il a demandé que l'épreuve orale unique soit aménagée pour tenir compte de son handicap. En réponse à cette demande et afin de compenser le handicap dont il était atteint, M. B... a bénéficié d'un aménagement consistant en l'octroi d'un tiers de temps supplémentaire pour l'épreuve orale et d'un éclairage tamisé de la salle d'examen.

3. M. B... a soutenu devant la cour administrative d'appel que le jury avait mis à profit ce temps supplémentaire pour lui poser de multiples questions " désordonnées et déstabilisantes ". La cour administrative d'appel a écarté cette argumentation au motif qu'un jury est souverain, dans le respect du texte d'organisation de l'examen, pour apprécier un candidat et qu'il n'appartient pas au juge administratif de contrôler ni le nombre, ni la teneur des questions qu'il pose, ni l'appréciation qu'il porte sur le candidat, sauf si les notes attribuées sont fondées sur des considérations autres que la seule valeur de ces prestations ou si l'interrogation du candidat porte sur une matière étrangère au programme. En statuant ainsi, sans rechercher si les conditions dans lesquelles l'aménagement de l'épreuve orale avait été mis en oeuvre par le jury notamment en ce qui concerne le temps laissé pour répondre aux questions posées, étaient adaptées aux moyens physiques de M. B... et permettaient de compenser le handicap dont il était atteint, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit. Par suite, M. B... est fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt attaqué.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 29 février 2016 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B...et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 399324
Date de la décision : 24/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - ENTRÉE EN SERVICE - CONCOURS ET EXAMENS PROFESSIONNELS - ORGANISATION DES CONCOURS - ÉPREUVES - AIDES HUMAINES ET TECHNIQUES QUE PEUVENT SOLLICITER LES PERSONNES HANDICAPÉES (4ÈME ALINÉA DU I DE L'ART - 27-1 DE LA LOI DU 11 JANVIER 1984) - 1) CONTRÔLE DU JUGE SUR LES CONDITIONS DE MISE EN OEUVRE DE CES AIDES QUI DOIVENT ÊTRE ADAPTÉES À LA NATURE ET À LA TECHNICITÉ DES ÉPREUVES COMPTE TENU DES PRÉCISIONS APPORTÉES PAR LES CANDIDATS SUR LEURS BESOINS - EXISTENCE [RJ1] - 2) EN L'ESPÈCE - ERREUR DE DROIT À NE PAS AVOIR RECHERCHÉ SI LES CONDITIONS DE L'AMÉNAGEMENT DE L'ÉPREUVE ORALE MIS EN OEUVRE - NOTAMMENT LE TEMPS LAISSÉ POUR RÉPONDRE AUX QUESTIONS POSÉES - ÉTAIENT ADAPTÉES AUX MOYENS PHYSIQUES DU CANDIDAT.

36-03-02-04 1) Il appartient au juge administratif de contrôler les conditions dans lesquelles ces dérogations, qui doivent être adaptées à la nature et à la technicité des épreuves compte tenu des précisions apportées par les candidats sur leurs besoins, ont été mises en oeuvre par le jury lors du déroulement des épreuves.,,,2) Candidat ayant demandé, lors de son inscription à l'examen professionnel pour l'accès au grade d'attaché principal d'administration du ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, un aménagement des épreuves consistant en l'octroi de dix minutes supplémentaires pour l'épreuve orale, au motif qu'il est atteint d'une pathologie se manifestant notamment par la nécessité de faire des efforts pour la fixation entraînant une plus grande fatigabilité et des difficultés de mémorisation. Il appartient à la cour de rechercher si les conditions dans lesquelles l'aménagement de l'épreuve orale avait été mis en oeuvre par le jury notamment en ce qui concerne le temps laissé pour répondre aux questions posées, étaient adaptées aux moyens physiques de l'intéressé.

PROCÉDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - CONTRÔLE DU JUGE DE L'EXCÈS DE POUVOIR - APPRÉCIATIONS SOUMISES À UN CONTRÔLE NORMAL - AIDES HUMAINES ET TECHNIQUES QUE PEUVENT SOLLICITER LES PERSONNES HANDICAPÉES AUX ÉPREUVES DES CONCOURS ET EXAMENS (4ÈME ALINÉA DU I DE L'ART - 27-1 DE LA LOI DU 11 JANVIER 1984) - 1) CONTRÔLE DU JUGE SUR LES CONDITIONS DE MISE EN OEUVRE DE CES AIDES QUI DOIVENT ÊTRE ADAPTÉES À LA NATURE ET À LA TECHNICITÉ DES ÉPREUVES COMPTE TENU DES PRÉCISIONS APPORTÉES PAR LES CANDIDATS SUR LEURS BESOINS - EXISTENCE [RJ1] - 2) EN L'ESPÈCE - ERREUR DE DROIT À NE PAS AVOIR RECHERCHÉ SI LES CONDITIONS DE L'AMÉNAGEMENT DE L'ÉPREUVE ORALE MIS EN OEUVRE - NOTAMMENT LE TEMPS LAISSÉ POUR RÉPONDRE AUX QUESTIONS POSÉES - ÉTAIENT ADAPTÉES AUX MOYENS PHYSIQUES DU CANDIDAT.

54-07-02-03 1) Il appartient au juge administratif de contrôler les conditions dans lesquelles ces dérogations, qui doivent être adaptées à la nature et à la technicité des épreuves compte tenu des précisions apportées par les candidats sur leurs besoins, ont été mises en oeuvre par le jury lors du déroulement des épreuves.,,,2) Candidat ayant demandé, lors de son inscription à l'examen professionnel pour l'accès au grade d'attaché principal d'administration du ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, un aménagement des épreuves consistant en l'octroi de dix minutes supplémentaires pour l'épreuve orale, au motif qu'il est atteint d'une pathologie se manifestant notamment par la nécessité de faire des efforts pour la fixation entraînant une plus grande fatigabilité et des difficultés de mémorisation. Il appartient à la cour de rechercher si les conditions dans lesquelles l'aménagement de l'épreuve orale avait été mis en oeuvre par le jury notamment en ce qui concerne le temps laissé pour répondre aux questions posées, étaient adaptées aux moyens physiques de l'intéressé.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, 18 novembre 2009,,, n° 318565, p. 467.


Publications
Proposition de citation : CE, 24 nov. 2017, n° 399324
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christian Fournier
Rapporteur public ?: Mme Emmanuelle Cortot-Boucher
Avocat(s) : SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN, COUDRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:399324.20171124
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