La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/11/2017 | FRANCE | N°408957

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 20 novembre 2017, 408957


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 mars, 16 juin et 27 octobre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Carel Mutuelle demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision n° D17-00228 du 18 janvier 2017 de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) la mettant en demeure de se conformer, avant le 31 décembre 2017, aux articles L. 114-6 et L. 114-16 du code de la mutualité.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des col

lectivités territoriales ;

- le code monétaire et financier ;

- le code de la mutualité...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 mars, 16 juin et 27 octobre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Carel Mutuelle demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision n° D17-00228 du 18 janvier 2017 de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) la mettant en demeure de se conformer, avant le 31 décembre 2017, aux articles L. 114-6 et L. 114-16 du code de la mutualité.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code monétaire et financier ;

- le code de la mutualité ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 92-108 du 3 février 1992, notamment son article 29 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Séverine Larere, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Yohann Bénard, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la société Carel Mutuelle et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 8 novembre 2017, présentée par Carel Mutuelle ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que Carel Mutuelle, constituée, en 1991, sous le nom de A...B...) a créé, en juillet 1993, la Caisse Autonome Mutualiste de Retraite des Elus Locaux (CAREL) afin de proposer à ses membres une assurance retraite complémentaire, ainsi que l'y autorisait la loi du 3 février 1992 relative aux conditions d'exercice des mandats locaux. En 1998, MUDEL a été contrainte de transférer son portefeuille de retraite CAREL à la Caisse Autonome Vie Décès Retraite de la Fédération Nationale de la Mutualité Française, laquelle a elle-même transféré ce portefeuille, en 2002, à l'Union Nationale de Prévoyance de la Mutualité Française. Enfin, par une décision du 16 novembre 2011, l'ACPR a autorisé le transfert de ce même portefeuille de contrats à la société anonyme d'assurance Mutex SA, laquelle est régie par le code des assurances.

2. Aux termes de l'article L. 114-6 du code de la mutualité : " L'assemblée générale des mutuelles est constituée des membres honoraires et des membres participants de la mutuelle. ". Aux termes de l'article L. 114-16 du même code : " Les mutuelles sont administrées par un conseil d'administration composé d'administrateurs élus à bulletin secret par les membres de l'assemblée générale dans les conditions fixées par les statuts, parmi les membres participants âgés de dix-huit ans révolus et les membres honoraires ". Par une décision du 18 janvier 2017 dont Carel Mutuelle demande l'annulation, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), estimant que les élus locaux désormais assurés par Mutex SA n'avaient pas la qualité de membre participant ou de membre honoraire de Carel Mutuelle et ne pouvaient, dès lors, participer à son assemblée générale ou être élus à son conseil d'administration, l'a mise en demeure de se conformer, avant le 31 décembre 2017, aux dispositions de ces deux articles.

Sur la légalité externe de la décision attaquée :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 612-27 du code monétaire et financier, relatif à l'exercice de son contrôle par l'ACPR : " En cas de contrôle sur place, un rapport est établi. Le projet de rapport est porté à la connaissance des dirigeants de la personne contrôlée, qui peuvent faire part de leurs observations, dont il est fait état dans le rapport définitif ". Aux termes de l'article L. 612-31 du même code : " L'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution peut mettre en demeure toute personne soumise à son contrôle de prendre, dans un délai déterminé, toutes mesures destinées à sa mise en conformité avec les obligations au respect desquelles l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution a pour mission de veiller. " Aux termes, enfin, du I de l'article R. 612-34 du même code : " 1° Lorsqu'une formation du collège de supervision envisage de prendre l'une des mesures prévues aux articles L. 612-30 à L. 612-34, elle porte à la connaissance de la personne en cause les mesures envisagées et les motifs qui lui paraissent susceptibles de justifier de telles mesures. / 2° Lorsque le collège de supervision estime qu'il y a lieu de prendre l'une des mesures prévues aux articles L. 612-30 à L. 612-32, la personne en cause est informée du délai, qui ne peut être inférieur à cinq jours ouvrés à compter de sa réception, dont elle dispose pour faire connaître par écrit ses observations. Avant de statuer, le collège de supervision prend connaissance des observations formulées, le cas échéant, par la personne concernée. ".

4. Il ressort des pièces du dossier que Carel Mutuelle a fait l'objet d'un contrôle sur place de l'ACPR à compter du 13 novembre 2015. A l'issue de ce contrôle, un projet de rapport a été présenté le 29 avril 2016, sur lequel Carel Mutuelle a formulé des observations par un courrier du 17 juin 2016 et par une note complémentaire du 20 septembre 2016. Le rapport définitif, déposé le 24 octobre 2016, indique qu' " après examen des réponses apportées par la mutuelle dans son courrier daté du 17 juin 2016 et dans sa note complémentaire datée du 20 septembre 2016, toutes les observations du projet de rapport sont maintenues ". Par un courrier du 6 décembre 2016, Carel mutuelle a été informée qu'une mise en demeure était envisagée à son encontre. Un délai de quinze jours lui a été laissé pour produire des observations écrites, ce que Carel Mutuelle a fait par courrier du 20 décembre 2016, dont la décision attaquée fait expressément mention.

5. Il résulte de ces éléments de fait que les dispositions précitées du code monétaire et financier instaurant une procédure contradictoire tant au stade du contrôle sur place que de l'édiction de la mise en demeure ont été respectées, dès lors que Carel Mutuelle a été mise en mesure de produire des observations et en a effectivement produit à chacune de ces deux phases de la procédure. En outre, le rapport définitif fait état, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 612-27 du code monétaire et financier, des observations formulées par la mutuelle le 17 juin 2016. S'il incombait à l'ACPR de prendre en compte ces observations, aucune disposition du code monétaire et financier ni aucun principe ne lui imposait, en revanche, de répondre précisément à ces observations dans le rapport définitif ou dans la mise en demeure. Le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure doit, dès lors, être écarté.

6. D'autre part, si les mises en demeure prises par l'ACPR constituent des mesures de police qui doivent être motivées conformément aux dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, il ressort des pièces du dossier que la décision litigieuse, après avoir rappelé la procédure suivie, notamment les termes des courriers des 6 décembre et 20 décembre 2016, indique qu'il n'est pas conforme aux dispositions des articles L. 114-6 et L. 114-16 du code de la mutualité que des assurés de Mutex SA, qui ne sont ni membres participants ni membres honoraires de Carel Mutuelle, soient convoqués et participent, selon le cas, aux assemblées générales et au conseil d'administration. Cette décision comporte, ainsi, l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée.

Sur la légalité interne :

7. D'une part, aux termes de l'article L. 111-1 du code de la mutualité : " I. - Les mutuelles ... mènent, notamment au moyen des cotisations versées par leurs membres, et dans l'intérêt de ces derniers et de leurs ayants droit, une action de prévoyance, de solidarité et d'entraide, dans les conditions prévues par leurs statuts, afin de contribuer au développement culturel, moral, intellectuel et physique de leurs membres et à l'amélioration de leurs conditions de vie. Les mutuelles peuvent avoir pour objet : / 1° De réaliser les opérations d'assurance suivantes : / (...) b) Contracter des engagements dont l'exécution dépend de la durée de la vie humaine, (...), faire appel à l'épargne en vue de la capitalisation en contractant des engagements déterminés (...) ". Il résulte, par ailleurs, des dispositions précitées des articles L. 114-6 et L. 114-16 du même code que seuls peuvent participer aux assemblées générales et être élus au conseil d'administration d'une mutuelle les membres ayant la qualité de membre honoraire ou de membre participant. Selon le deuxième alinéa de l'article L. 114-1 du code de la mutualité : " Les membres participants d'une mutuelle sont les personnes physiques qui bénéficient des prestations de la mutuelle à laquelle elles ont adhéré et en ouvrent le droit à leurs ayants droit ". Il résulte de ces dernières dispositions que peuvent seules avoir la qualité de membres participants d'une mutuelle les personnes qui bénéficient de prestations servies par celle-ci en contrepartie des cotisations qu'elles lui versent.

8. Il résulte des différentes opérations de transfert décrites au point 1 ci-dessus, qui ont eu pour effet de substituer un nouveau débiteur au débiteur initial de la garantie, que les élus locaux ayant souscrit la garantie de retraite complémentaire Carel, dans le cadre de contrats ayant fait l'objet des transferts précités, sont assurés, depuis 2011, au titre de cette garantie, par la société Mutex SA, régie par le code des assurances et qui leur assure le service des prestations auxquelles ils ont droit. Ces élus locaux ne bénéficient plus, ainsi, de prestations d'assurance retraite offertes par Carel Mutuelle. Et dès lors qu'ils ne bénéficient d'aucune autre prestation servie par Carel mutuelle, ils ne peuvent, par suite, prétendre à la qualité de membres participants de cette mutuelle au sens de l'article L. 114-1 du code de la mutualité.

9. D'autre part, si les articles L. 2123-27, L. 3123-22 et L. 4135-22 du code général des collectivités territoriales, dans leur rédaction issue de la loi du 3 février 1992 relative aux conditions d'exercice des mandats locaux, prévoient que les élus municipaux qui perçoivent une indemnité de fonction, les membres du conseil départemental et les membres du conseil régional peuvent constituer une retraite par rente à la gestion de laquelle doivent participer les élus affiliés, ces dispositions n'imposent pas à ces élus de constituer une telle retraite auprès des seuls organismes soumis aux dispositions du code de la mutualité mais leur permettent de constituer cette retraite par rente auprès d'organismes soumis soit aux dispositions du code de la mutualité, soit à celles du code des assurances ou du code de la sécurité sociale. Dès lors, les articles L. 2123-27, L. 3123-22 et L. 4135-22 du code général des collectivités territoriales ne sauraient faire obstacle à ce que des élus locaux ayant adhéré à une mutuelle en vue de la constitution d'une retraite par rente perdent la qualité de membre participant de cette mutuelle en cas de transfert des contrats correspondant à cette garantie à une société régie par le code des assurances.

10. Par suite, Carel Mutuelle n'est pas fondée à soutenir que la mise en demeure litigieuse méconnaît les dispositions des articles L. 114-1, L. 114-6 et L. 114-16 du code de la mutualité et des articles L. 2123-27, L. 3123-22 et L. 4135-22 du code général des collectivités territoriales.

11. Il résulte de ce qui précède que Carel Mutuelle n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision attaquée.

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de Carel Mutuelle, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 3 000 euros à verser à l'ACPR.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de Carel Mutuelle est rejetée.

Article 2 : Carel Mutuelle versera à l'Etat (ACPR) une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Carel Mutuelle et à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

Copie en sera adressée au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 408957
Date de la décision : 20/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

42-01-01-02 MUTUALITÉ ET COOPÉRATION. MUTUELLES. QUESTIONS GÉNÉRALES. STATUTS ET RÈGLEMENTS. - QUALITÉ DE MEMBRE PARTICIPANT D'UNE MUTUELLE (ART. L. 114-1 DU CODE DE LA MUTUALITÉ) - 1) QUALITÉ RÉSERVÉE AUX SEULES PERSONNES QUI BÉNÉFICIENT DE PRESTATIONS SERVIES PAR CETTE MUTUELLE EN CONTREPARTIE DES COTISATIONS QU'ELLES LUI VERSENT - 2) ESPÈCE.

42-01-01-02 1) Il résulte des articles L. 114-6 et L. 114-16 du code de la mutualité que seuls peuvent participer aux assemblées générales et être élus au conseil d'administration d'une mutuelle les membres ayant la qualité de membre honoraire ou de membre participant. Il résulte par ailleurs du deuxième alinéa de l'article L. 114-1 du code de la mutualité que peuvent seules avoir la qualité de membres participants d'une mutuelle les personnes qui bénéficient de prestations servies par celle-ci en contrepartie des cotisations qu'elles lui versent.,,,2) Cas dans lequel différentes opérations de transfert ont eu pour effet de substituer un nouveau débiteur au débiteur initial de la garantie, dont il résulte que les personnes, en l'occurrence des élus locaux, ayant souscrit une garantie de retraite complémentaire dans le cadre de contrats ayant fait l'objet de ces transferts sont assurées, depuis 2011, au titre de cette garantie, par une société d'assurances régie par le code des assurances et qui leur assure le service des prestations auxquelles elles ont droit. Les intéressés ne bénéficient plus de prestations d'assurance retraite offertes par la société mutuelle à laquelle ils ont initialement adhéré. Dès lors qu'ils ne bénéficient d'aucune autre prestation servie par cette mutuelle, ils ne peuvent prétendre à la qualité de membres participants de cette dernière au sens de l'article L. 114-1 du code de la mutualité.


Publications
Proposition de citation : CE, 20 nov. 2017, n° 408957
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Séverine Larere
Rapporteur public ?: M. Yohann Bénard
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:408957.20171120
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award