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17/11/2017 | FRANCE | N°395505

France | France, Conseil d'État, 1ère - 6ème chambres réunies, 17 novembre 2017, 395505


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La clinique ophtalmologique Thiers a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 9 septembre 2008 par laquelle la commission exécutive de l'agence régionale de l'hospitalisation d'Aquitaine lui a infligé une sanction d'un montant de 44 872 euros et, d'autre part, d'enjoindre à l'administration de lui restituer les sommes en litige, assorties des intérêts au taux légal. Par un jugement n° 0806044 du 11 mai 2011, le tribunal administratif de

Bordeaux a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 11BX01836 du 15 janvier 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La clinique ophtalmologique Thiers a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 9 septembre 2008 par laquelle la commission exécutive de l'agence régionale de l'hospitalisation d'Aquitaine lui a infligé une sanction d'un montant de 44 872 euros et, d'autre part, d'enjoindre à l'administration de lui restituer les sommes en litige, assorties des intérêts au taux légal. Par un jugement n° 0806044 du 11 mai 2011, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 11BX01836 du 15 janvier 2013, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, à la demande de la clinique ophtalmologique Thiers, annulé ce jugement du 11 mai 2011 et la décision notifiée le 31 octobre 2008 et enjoint à l'Etat et à l'agence régionale de santé d'Aquitaine de restituer à la clinique les sommes en litige, assorties des intérêts au taux légal.

Par une décision n° 366933 du 7 mai 2015, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi par le ministre des affaires sociales et de la santé, a annulé cet arrêt du 15 janvier 2013 et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Par un arrêt n° 15BX01615 du 16 novembre 2015, la cour administrative d'appel de Bordeaux, statuant sur renvoi du Conseil d'Etat, a annulé le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 11 mai 2011 et la délibération de la commission exécutive de l'agence régionale de l'hospitalisation d'Aquitaine du 9 septembre 2008 et enjoint au ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes de prendre toutes les mesures nécessaires au reversement à la clinique ophtalmologique Thiers de la somme de 44 872 euros.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un pourvoi et un nouveau mémoire, enregistrés les 22 décembre 2015 et 19 septembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 16 novembre 2015 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la clinique ophtalmologique Thiers.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 ;

- le décret n° 2005-66 du 28 janvier 2005 ;

- le décret n° 2006-307 du 16 mars 2006 ;

- le décret n° 2011-1209 du 29 septembre 2011 ;

- l'arrêté du 5 mars 2006 relatif à la classification et à la prise en charge des prestations d'hospitalisation pour les activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie et pris en application de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté du 27 février 2007 relatif à la classification et à la prise en charge des prestations d'hospitalisation pour les activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie et pris en application de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yannick Faure, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Charles Touboul, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Richard, avocat de la clinique ophtalmologique Thiers.

Considérant ce qui suit :

1. Selon des dispositions de l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale, aujourd'hui reprises à l'article L. 162-23-13 du même code, dans leur rédaction alors en vigueur : " Les établissements de santé sont passibles, après qu'ils ont été mis en demeure de présenter leurs observations, d'une sanction financière en cas de manquement aux règles de facturation fixées en application des dispositions de l'article L. 162-22-6, d'erreur de codage ou d'absence de réalisation d'une prestation facturée. / Cette sanction est prise par la commission exécutive mentionnée à l'article L. 6115-2 du code de la santé publique, à la suite d'un contrôle réalisé sur pièces et sur place par les médecins inspecteurs de santé publique ou les praticiens-conseils des organismes d'assurance maladie mentionnés au sixième alinéa de l'article L. 1112-1 du même code en application du programme de contrôle régional établi par ladite commission. Elle est notifiée à l'établissement. / Son montant est fonction du pourcentage des sommes indûment perçues par rapport aux sommes dues. Il est calculé sur la base des recettes annuelles d'assurance maladie de l'établissement ou, si le contrôle porte sur une activité, une prestation en particulier ou des séjours présentant des caractéristiques communes, sur la base des recettes annuelles d'assurance maladie afférentes à cette activité, cette prestation ou ces séjours, dans la limite de 5 % des recettes annuelles d'assurance maladie de l'établissement (...) ".

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, sur le fondement de ces dispositions, la commission exécutive de l'agence régionale de l'hospitalisation d'Aquitaine, par délibération du 9 septembre 2008, a infligé à la clinique ophtalmologique Thiers, établie à Bordeaux, une sanction financière d'un montant de 44 872 euros. Par un jugement du 11 mai 2011, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de la clinique tendant à l'annulation de cette sanction. Par un arrêt du 16 novembre 2015, contre lequel le ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Bordeaux, statuant sur renvoi du Conseil d'Etat, a annulé ce jugement ainsi que cette sanction.

Sur le pourvoi du ministre :

3. En matière d'édiction de sanctions administratives, sont seuls punissables les faits constitutifs d'un manquement à des obligations définies par des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur à la date où ces faits ont été commis. En outre, il résulte du principe de nécessité des peines issu de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 que la loi pénale nouvelle doit, lorsqu'elle abroge une incrimination, s'appliquer immédiatement aux faits commis avant son entrée en vigueur.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis à la cour que, par la délibération litigieuse, la commission exécutive de l'agence régionale de l'hospitalisation d'Aquitaine a sanctionné, sur le fondement de l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale, des manquements aux règles de facturation de séjours effectués durant les trois derniers trimestres de l'année 2006, telles qu'elles résultaient de l'arrêté du ministre de la santé et des solidarités du 5 mars 2006 relatif à la classification et à la prise en charge des prestations d'hospitalisation pour les activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie et pris en application de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale. D'une part, l'arrêté du ministre de la santé et des solidarités et du ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille du 27 février 2007 relatif à la classification et à la prise en charge des mêmes prestations, abrogeant l'arrêté du 5 mars 2006, a été publié au Journal officiel de la République française du 28 février 2007 et est entré en vigueur postérieurement aux manquements sanctionnés. D'autre part, cet arrêté du 27 février 2007, qui ne modifie ni l'incrimination ni la sanction, ne constitue pas une loi répressive nouvelle plus douce. Dès lors, en faisant application des dispositions de l'arrêté du 27 février 2007, la cour a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que le ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes est fondé à demandé l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

6. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Le Conseil d'Etat étant saisi, en l'espèce, d'un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l'affaire au fond et de statuer sur l'appel de la clinique ophtalmologique Thiers.

Sur la régularité du jugement attaqué par la clinique ophtalmologique Thiers :

7. En premier lieu, si les visas du jugement attaqué analysent de façon erronée les conclusions tendant, d'une part, à la modération du montant de la sanction et, d'autre part, au versement d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il résulte de ses motifs que le tribunal, qui a rejeté les conclusions tendant à ce que ce montant soit ramené à de plus justes proportions ainsi que les conclusions tendant à ce que l'agence régionale de santé d'Aquitaine, qui venait aux droits de l'agence régionale de l'hospitalisation, verse une somme au titre de frais exposés par la clinique requérante à l'occasion du lige, ne s'est pas mépris sur la portée des conclusions qui lui étaient soumises.

8. En second lieu, le jugement, qui précise que la requérante ne saurait utilement se prévaloir du " Guide du contrôle externe régional ", dépourvu de tout caractère normatif, est suffisamment motivé sur point.

Sur la légalité externe de la sanction attaquée :

En ce qui concerne la procédure préalable :

9. En premier lieu, d'une part, aux termes du premier alinéa de l'article R. 162-42-9 du code de la sécurité sociale, dans sa réduction résultant du décret du 16 mars 2006 : " Il est créé une unité de coordination régionale du contrôle externe placée auprès de la commission exécutive de l'agence régionale de l'hospitalisation (...) ". En vertu de l'article R. 6115-7 du code de la santé publique alors applicable, les délibérations réglementaires des commissions exécutives de ces agences sont publiées. D'autre part, aux termes de l'article R. 162-42-8 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction alors applicable : " La commission exécutive de l'agence régionale de l'hospitalisation établit le programme de contrôle régional sur la base d'un projet transmis par l'unité de coordination régionale du contrôle externe (...) ". La méconnaissance des dispositions des articles R. 162-42-8 et R. 162-42-9 relatives à la mise en place de l'unité de coordination régionale et à la programmation des contrôles est par elle-même sans incidence sur la régularité des contrôles effectués. Par suite, la clinique requérante ne peut utilement se prévaloir des circonstances, à les supposer établies, que les délibérations de la commission exécutive de l'agence régionale de l'hospitalisation d'Aquitaine relatives à la création de l'unité de coordination régionale du contrôle externe, à la désignation de ses membres et à l'adoption du programme de contrôle régional n'auraient pas été publiées, que le règlement intérieur de cette unité n'aurait été adopté que le 8 novembre 2007 et que le programme de contrôle régional établi le 6 février 2007 par la commission exécutive n'aurait pas été valablement adopté et n'aurait pas mentionné les activités dont relevaient les séjours ultérieurement contrôlés par l'agence.

10. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article R. 162-42-10 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction alors applicable : " L'agence régionale de l'hospitalisation informe l'établissement de santé de l'engagement du contrôle (...) par tout moyen permettant de déterminer la date de réception. Elle précise les activités, prestations ou ensemble de séjours ainsi que la période sur lesquels porte le contrôle, le nom et la qualité des personnes chargées du contrôle et la date à laquelle il commence ". Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 11 mai 2007, le directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation a informé la clinique ophtalmologique Thiers du déroulement d'un contrôle à partir du 11 juin 2007, en se référant, ainsi qu'il pouvait régulièrement le faire, à une lettre jointe d'un délégué du médecin coordonnateur de l'unité de coordination régionale du contrôle externe, précisant notamment les " activités ciblées ", la " période contrôlée ", ainsi que la réalisation du contrôle " par des praticiens conseils des trois principaux régimes d'assurance maladie ". Si l'identité précise des personnes chargées du contrôle n'a pas, dès ce moment, été portée à la connaissance de l'établissement, cette seule circonstance n'est pas de nature à rendre irrégulière la procédure au terme de laquelle la sanction a été prononcée.

11. En troisième lieu, en vertu de l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale cité au point 1, la sanction prévue par les dispositions de cet article est prise à la suite d'un contrôle réalisé sur pièces et sur place par les médecins inspecteurs de santé publique ou les praticiens-conseils des organismes d'assurance maladie. Aux termes du quatrième alinéa de l'article R. 162-42-10 du même code, dans sa rédaction résultant du décret du 16 mars 2006 : " A l'issue du contrôle, les personnes chargées du contrôle communiquent à l'établissement de santé (...) un rapport qu'elles datent et signent mentionnant la période, l'objet, la durée et les résultats du contrôle (...) ". Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que le rapport de contrôle, établi le 18 juillet 2007, a été signé par les docteurs Promax et Taris et, d'autre part, que ces deux praticiens avaient la qualité de médecins conseils des organismes d'assurance maladie. Si la clinique requérante soutient que d'autres personnes ont participé au contrôle, il ne ressort des pièces du dossier ni que le docteur Lafourcade-Bost, bien que présente lors du contrôle sur place, ni qu'une autre personne aurait également procédé au contrôle. Enfin, contrairement à ce que soutient la clinique, qui ne peut utilement invoquer à cet égard le principe de sécurité juridique, ces dispositions n'imposent pas que la commission exécutive de l'agence régionale d'hospitalisation désigne elle-même les personnes chargées du contrôle. Par suite, les moyens tirés de ce que le contrôle a été mené par des personnes n'ayant pas qualité pour ce faire et de ce que le rapport de contrôle n'a pas été signé par tous les praticiens y ayant participé doivent être écartés.

12. En quatrième lieu, aux termes du cinquième alinéa de l'article R. 162-42-10 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant du décret du 16 mars 2006 : " A compter de la réception [du] rapport, l'établissement dispose d'un délai de quinze jours pour faire connaître, le cas échéant, ses observations. A l'expiration de ce délai, les personnes chargées du contrôle transmettent à l'unité de coordination le rapport de contrôle accompagné, s'il y a lieu, de la réponse de l'établissement ". Aux termes de l'article R. 162-42-13 du même code, dans sa rédaction résultant du même décret : " La sanction envisagée et les motifs le justifiant sont notifiés à l'établissement par tout moyen permettant de déterminer la date de réception. L'établissement dispose d'un délai d'un mois pour présenter ses observations. Au terme de ce délai, la commission exécutive prononce la sanction (...) ". Il ressort des pièces du dossier que, à l'issue du contrôle effectué les 3, 5 et 6 juillet 2007, qui a donné lieu à des échanges contradictoires entre les praticiens de l'établissement et les praticiens chargés du contrôle au sujet des différents séjours de l'échantillon analysé, le rapport de contrôle du 18 juillet 2007, permettant à la clinique d'identifier les séjours pour lesquels un manquement était relevé ainsi que la nature de ce manquement, a été notifié à l'établissement, qui a présenté le 25 juillet suivant des observations, assorties d'un tableau séjour par séjour, contestant la plupart de ces manquements. Par la suite, après la notification de la sanction envisagée et de ses motifs, la clinique a présenté de nouvelles observations, le 8 août 2008, justifiant à nouveau les facturations qu'elle avait effectuées. Si la clinique soutient ne pas avoir disposé des " fiches de désaccord " ou " dossiers argumentaires " qui auraient été établis, et dont elle n'allègue pas avoir demandé communication, il ressort des pièces du dossier qu'au regard des informations dont elle disposait, elle a été en mesure de se défendre utilement au sujet de chacun des séjours pour lesquels un manquement était identifié et, notamment, de faire valoir les motifs de son désaccord sur la méconnaissance, qui lui était reprochée, des dispositions du 10° du I de l'article 5 de l'arrêté du 5 mars 2006 mentionné ci-dessus. Dès lors, compte tenu du déroulement de l'ensemble de la procédure, la clinique n'est pas fondée à soutenir que les règles garantissant le respect des droits de la défense, dont le caractère contradictoire de cette procédure, auraient été méconnues. Par ailleurs, elle ne peut utilement se prévaloir, à cet égard, du droit à un procès équitable.

13. En dernier lieu, la clinique ne peut utilement se prévaloir, pour critiquer la régularité de la procédure de contrôle, du " guide du contrôle externe régional ", non plus que de la circulaire de la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports du 31 juillet 2007 relative à la procédure d'application par la Comex des sanctions financières résultant des contrôles menés dans le cadre de la tarification à l'activité, s'agissant de la consultation d'un expert par l'unité de coordination en vertu du sixième alinéa de l'article R. 162-42-10 du code de la sécurité sociale.

En ce qui concerne la légalité externe de la délibération de la commission exécutive :

14. En premier lieu, aux termes de l'article L. 6115-4 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors applicable : " La commission exécutive de l'agence délibère sur : / (...) 4° Les sanctions financières applicables aux établissements de santé prévues à l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale ". Aux termes de l'article L. 6115-5 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Les délibérations mentionnées à l'article L. 6115-4 sont exécutoires dès leur réception par le représentant de l'Etat dans la région, auquel elles sont transmises dans un délai de quinze jours (...) ". Aux termes de l'article R. 162-42-13 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant du décret du 16 mars 2006 : " (...) La commission exécutive prononce la sanction (...) ". Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport établi en vue de la délibération et du procès-verbal de la délibération de la commission exécutive de l'agence régionale de l'hospitalisation d'Aquitaine du 9 septembre 2008 s'appropriant ce rapport, tous deux transmis le 24 septembre suivant au préfet de la région d'Aquitaine chargé du contrôle de légalité, que la commission exécutive, après avoir pris connaissance des observations formulées par la clinique ophtalmologique Thiers le 8 août 2008, a délibéré le 9 septembre suivant sur la sanction financière qu'elle infligeait à cet établissement, qu'elle avait au demeurant déjà examinée lors de sa séance du 10 juin 2008. Aucune disposition ni aucun principe ne faisaient obstacle, à cet égard, à ce qu'elle se prononce, par un vote global, sur l'ensemble des sanctions inscrites à l'ordre du jour de la séance. Enfin, par son courrier du 31 octobre 2008, le directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation, chargé en vertu de l'article L. 6115-7 du code de la santé publique d'exécuter les délibérations de la commission exécutive, s'est borné à notifier à l'établissement la sanction ainsi prononcée. Les moyens tirés de ce que la sanction attaquée n'aurait pas été prononcée par la commission exécutive de l'agence régionale de l'hospitalisation d'Aquitaine et de ce que cette commission n'aurait pas valablement délibéré à son sujet doivent, dès lors, être écartés.

15. En second lieu, il résulte des dispositions des articles L. 162-22-18 et R. 162-42-13 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, qu'une sanction financière prononcée sur le fondement de l'article L. 162-22-18 doit être motivée. Pour satisfaire à cette exigence, la commission exécutive de l'agence régionale de l'hospitalisation doit indiquer, soit dans sa décision, soit par référence à un document joint ou précédemment adressé à l'établissement de santé, outre les dispositions en application desquelles la sanction est prise, les considérations de fait et les éléments de calcul sur lesquels elle se fonde pour décider de son principe et en fixer le montant. En l'espèce, il ressort de la délibération de la commission exécutive et de son rapport annexé, dont le directeur de l'agence a reproduit la teneur dans son courrier du 31 octobre 2008 par lequel il a notifié la sanction, en y joignant au demeurant le détail du calcul de la sanction et un tableau récapitulatif des manquements assortis de leurs motifs, que cette délibération précisait les dispositions applicables, les manquements constatés, en se référant au rapport de synthèse précédemment adressé à l'établissement, ainsi que les raisons pour lesquelles les observations formulées par ce dernier n'étaient pas nature à remettre en cause la sanction envisagée, que la commission a fixée à 50 % du montant maximal applicable, selon des modalités détaillées dans un courrier reçu par l'établissement le 12 juillet 2008, auquel la délibération se réfère. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la sanction doit, dès lors, être également écarté.

Sur la légalité interne de la sanction attaquée :

En ce qui concerne les manquements reprochés :

16. Aux termes de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction alors applicable : " Un décret en Conseil d'Etat (...) détermine les catégories de prestations donnant lieu à facturation pour les activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie (...). / Ce décret précise : / 1° Les catégories de prestations d'hospitalisation sur la base desquelles les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale arrêtent la classification des prestations, tenant compte notamment des moyens techniques, matériels et humains mis en oeuvre pour la prise en charge des patients, donnant lieu à une prise en charge par les régimes obligatoires de sécurité sociale (...) ". Aux termes de l'article R. 162-32 du même code, dans sa rédaction résultant du décret du 28 janvier 2005 : " Les catégories de prestations d'hospitalisation donnant lieu à une prise en charge par les régimes obligatoires de sécurité sociale mentionnées au 1° de l'article L. 162-22-6 sont les suivantes : / 1° Le séjour et les soins avec ou sans hébergement, représentatifs de la mise à disposition de l'ensemble des moyens nécessaires à l'hospitalisation du patient (...). / La prise en charge des frais occasionnés par ces prestations est assurée par des forfaits. / Ces forfaits sont facturés par séance, journée ou séjour. Ils peuvent être minorés ou majorés notamment en fonction de la durée de séjour (...) / 4° Les soins non programmés non suivis d'une hospitalisation dans les établissements qui ne sont pas autorisés à exercer l'activité d'accueil et de traitement des urgences, représentatifs de la mise à disposition de matériel de petite chirurgie ou d'immobilisation. / La prise en charge des frais occasionnés par ces prestations est assurée par des forfaits. / Ces forfaits sont facturés dès lors que certains actes nécessitant l'utilisation de matériel de petite chirurgie ou d'immobilisation sont effectués lors des soins non programmés ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 5 mars 2006 mentionné ci-dessus, pris en application de l'article L. 162-22-6 du même code : " La catégorie de prestations visée au 1° de l'article R. 162-32 du code de la sécurité sociale (...) est couverte par les forfaits suivants : / 1° Des forfaits de séjour et de soins dénommés " groupes homogènes de séjours " (GHS) (...) ". Aux termes de l'article 4 du même arrêté : " La catégorie de prestations visée au 4° de l'article R. 162-32 du code de la sécurité sociale donnant lieu à une prise en charge par les régimes obligatoires de sécurité sociale est couverte par un forfait dénommé " forfait de petit matériel " (FFM) ". Aux termes de l'article 5 du même arrêté : " Les modalités de facturation des forfaits et suppléments mentionnés à l'article 1er sont définies aux I à III ci-dessous. / I. - Les forfaits " groupes homogènes de séjours " sont facturés dans les conditions suivantes : / (...) 10° Lorsque le patient est pris en charge moins d'une journée (...), un GHS ne peut être facturé que dans les cas où sont réalisés des actes qui nécessitent : / - une admission dans une structure d'hospitalisation individualisée mentionnée à l'article D. 6124-301 du code de la santé publique disposant de moyens en locaux, en matériel et en personnel, et notamment des équipements adaptés pour répondre aux risques potentiels des actes réalisés ; / - un environnement respectant les conditions de fonctionnement relatives à la pratique de l'anesthésie ou la prise en charge par une équipe paramédicale et médicale dont la coordination est assurée par un médecin ; / - l'utilisation d'un lit ou d'une place pour une durée nécessaire à la réalisation de l'acte ou justifiée par l'état de santé du patient. / Lorsque l'une de ces conditions n'est pas remplie, la prise en charge du patient donne lieu à facturation de consultations ou actes mentionnés à l'article L. 162-26 du code de la sécurité sociale ou réalisés en médecine de ville (...) ".

17. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le contrôle effectué sur pièces et sur place les 3, 5 et 6 juillet 2007, qui a porté sur un échantillon de 100 séjours, a révélé l'existence de 44 manquements. Si la clinique n'a pas contesté l'existence de quelques-uns d'entre eux, dans des cas pour lesquels un forfait " GHS " avait été facturé en lieu et place d'un forfait " FFM ", elle soutient que, dans les autres cas, les trois conditions requises par le 10° du I de l'article 5 de l'arrêté du 5 mars 2006 étaient réunies et permettaient ainsi, même en présence de séjours de moins d'une journée, la facturation d'un forfait " GHS ", contrairement à ce qu'a estimé l'agence régionale de l'hospitalisation d'Aquitaine. Toutefois, si la première de ces trois conditions était remplie, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des vingt-trois dossiers individuels produits par la clinique, que les séjours concernés, compte tenu tant de l'état des patients que des caractéristiques des actes, pratiqués sous anesthésie locale, souvent de faible durée et n'impliquant pas de suivi post-interventionnel particulier, auraient nécessité un " environnement respectant les conditions de fonctionnement relatives à la pratique de l'anesthésie ou la prise en charge par une équipe paramédicale et médicale dont la coordination est assurée par un médecin " et " l'utilisation d'un lit ou d'une place pour une durée nécessaire à la réalisation de l'acte ou justifiée par l'état de santé du patient ". Le moyen tiré de ce qu'aucun manquement aux règles de facturation fixées en application des dispositions de l'article L. 162-22-6 n'aurait été commis par la clinique ophtalmologique Thiers doit donc être écarté.

En ce qui concerne le montant de la sanction prononcée :

18. En premier lieu, d'une part, il résulte des dispositions de l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction en vigueur à la date de la sanction attaquée, que le montant de la sanction est fonction du pourcentage des sommes indûment perçues par rapport aux sommes dues et calculé, si le contrôle porte sur des séjours présentant des caractéristiques communes, sur la base des recettes annuelles d'assurance maladie afférentes à ces séjours, dans la limite de 5 % des recettes annuelles d'assurance maladie de l'établissement. Si l'article 115 de la loi du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale pour 2011 a complété ces dispositions pour prévoir que le montant de la sanction serait également fonction du caractère réitéré des manquements, il ressort des pièces du dossier que la sanction prononcée à l'encontre de la clinique ophtalmologique Thiers a été fixée à 50 % du montant maximal susceptible d'être retenu pour tenir compte de la circonstance qu'il s'agissait de la première application de ce régime. D'autre part, si le décret du 29 septembre 2011 modifiant les dispositions relatives au contrôle de la tarification à l'activité des établissements de santé a, par le 5° de son article 1er, modifié les dispositions de l'article R. 162-42-12 relatives au mode de calcul de la sanction, il ressort des pièces du dossier que la sanction attaquée n'excède, par son montant, ni celui qui aurait pu être fixé en application du nouveau texte, ni même les maxima nouvellement introduits. Par suite, la clinique ne peut, en tout état de cause, utilement se prévaloir des modifications apportées à l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale par la loi du 20 décembre 2010 et à l'article R. 162-42-12 par le décret du 29 septembre 2011 pour soutenir que la sanction qu'elle attaque devrait être annulée.

19. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que les manquements commis par la clinique ophtalmologique Thiers, conduisant, au sein de l'échantillon contrôlé, à des facturations d'un montant supérieur de 71 % aux montants qui auraient dus être facturés, sont de nature à justifier le prononcé d'une sanction au titre de l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale, alors applicable, qui ne subordonne pas le prononcé d'une telle sanction à la condition que les manquements revêtent un caractère intentionnel. Par ailleurs, la commission exécutive, qui a pris en compte, selon le directeur de l'agence, le fait qu'il s'agissait de " la première année d'application des sanctions ", n'a fixé le montant de la sanction qu'à la moitié du montant maximal applicable, dans le respect de la limite de 5 % des recettes annuelles d'assurance maladie de l'établissement prévue par l'article R. 162-42-12 du code de la sécurité sociale. Dès lors, cette même commission n'a pas prononcé à l'encontre de la clinique une sanction disproportionnée.

20. Il résulte de tout ce qui précède que la Clinique ophtalmologique Thiers n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Les conclusions qu'elle présente au titre de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ne peuvent, dès lors, qu'être également rejetées.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme au même titre à la charge de la clinique ophtalmologique Thiers.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 16 novembre 2015 est annulé.

Article 2 : La requête présentée par la clinique ophtalmologique Thiers devant la cour administrative d'appel de Bordeaux est rejetée.

Article 3 : Les conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la ministre des solidarités et de la santé et à la clinique ophtalmologique Thiers.

Copie en sera adressée à l'agence régionale de santé de Nouvelle-Aquitaine.


Synthèse
Formation : 1ère - 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 395505
Date de la décision : 17/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 17 nov. 2017, n° 395505
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Yannick Faure
Rapporteur public ?: M. Charles Touboul
Avocat(s) : SCP RICHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:395505.20171117
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