Vu la requête enregistrée sous forme de télécopie le 22 juillet 2011 et régularisée par courrier du 25 juillet 2011, et le mémoire complémentaire enregistré le 13 avril 2012 présentés pour la Clinique ophtalmologique Thiers dont le siège est situé 330 avenue Thiers à Bordeaux (33100) par Me Lucas-Baloup ;
La Clinique ophtalmologique Thiers demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 11 mai 2011 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 31 octobre 2008 par laquelle le directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation (ARH) d'Aquitaine lui a notifié une sanction financière d'un montant de 44 872 euros, ensemble d'annuler ladite décision ;
2°) d'enjoindre à l'administration de lui restituer la somme versée, assortie des intérêts au taux légal à compter du jour de son règlement, subsidiairement, de réduire cette somme ;
3°) de condamner l'ARH d'Aquitaine à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 décembre 2012 :
- le rapport de M. Jean-Michel Bayle, président-assesseur ;
- les conclusions de M. Olivier Gosselin, rapporteur public ;
- et les observations de Me Quaderi, collaborateur de Me Lucas-Baloup, avocat de la Clinique ophtalmologique Thiers et de Me Traverse, collaboratrice de Me Sagalovitsch, avocat du ministre des affaires sociales et de la santé ;
1. Considérant que la Clinique ophtalmologique Thiers, établissement privé de santé à but lucratif au sens de l'article L. 162-22-6 d) du code de la sécurité sociale, a fait l'objet d'un contrôle dans le cadre d'un programme de contrôle régional, élaboré par l'unité de coordination régionale de contrôle externe placée auprès de la commission exécutive de l'agence régionale de l'hospitalisation d'Aquitaine ; qu'au terme de ce contrôle, le directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation (ARH) d'Aquitaine lui a signifié, par lettre du 31 octobre 2008, une sanction financière de 44 872 euros, prise à son encontre par la commission exécutive de l'ARH d'Aquitaine le 9 septembre 2008, sur le fondement de l'article L. 162-22-18 du code précité, à raison de manquements aux règles de facturation fixées en application de l'article L. 162-22-6 de ce code ; que la Clinique ophtalmologique Thiers relève appel du jugement, en date du 11 mai 2011, par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
2. Considérant, d'une part, qu'en application des dispositions de l'article L. 162-22-18 susmentionné du code de la sécurité sociale, les établissements de santé sont passibles, après mise en demeure de présenter leurs observations, d'une sanction financière en cas de manquement aux règles de facturation ; que cette sanction est prise par la commission exécutive de l'ARH à la suite d'un contrôle réalisé sur pièces et sur place par des médecins inspecteurs de santé publique ou des praticiens-conseils des organismes d'assurance maladie ; qu'aux termes de l'article R. 162-42-10 du même code, alors applicable : " L'agence régionale de l'hospitalisation informe l'établissement de santé de l'engagement du contrôle réalisé en application de l'article L. 162-22-18 par tout moyen permettant de déterminer la date de réception. Elle précise les activités, prestations ou ensemble de séjours ainsi que la période sur lesquels porte le contrôle, le nom et la qualité des personnes chargées du contrôle et la date à laquelle il commence. (...) A l'issue du contrôle, les personnes chargées du contrôle communiquent à l'établissement de santé par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, un rapport qu'elles datent et signent mentionnant la période, l'objet, la durée et les résultats du contrôle et, le cas échéant, la méconnaissance par l'établissement des obligations définies à l'alinéa précédent. / A compter de la réception de ce rapport, l'établissement dispose d'un délai de quinze jours pour faire connaître, le cas échéant, ses observations (...) " ; qu'à raison tant de ces dispositions que de la fonction impartie, dans la procédure contradictoire ainsi instaurée, à la communication dudit rapport, celui-ci doit être suffisamment motivé pour permettre à l'établissement de faire connaître utilement ses observations ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le rapport de contrôle transmis à la Clinique ophtalmologique Thiers par courrier du 18 juillet 2007, réceptionné le 19 juillet 2007, se présente sous la forme d'une liste de dossiers concernant pour la plupart des " groupes homogènes de séjour " (GHS), en face desquels il est seulement indiqué : " Conditions de facturation énoncées dans l'arrêté du 5 mars 2006 non remplies : article 5-10° (prise en charge d'une journée ) " : qu'une telle mention, qui ne permettait pas à l'établissement de savoir en quoi les conditions de facturation visées audit article n'étaient pas remplies, n'était pas suffisante pour lui permettre de formuler des observations ;
4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 6115-7 du code de la santé publique en vigueur à la date des décisions litigieuses : " (...) Le directeur de l'agence [régionale de l'hospitalisation] est nommé par décret. Il préside la commission exécutive. Il assure le fonctionnement de l'agence dans le cadre des orientations définies par la commission exécutive dont il prépare et exécute les délibérations " ; qu'aux termes des dispositions de l'article R. 162-42-12 du code de la sécurité sociale alors applicables : " Le montant de la sanction est déterminé par la commission exécutive de l'agence régionale de l'hospitalisation en fonction de la gravité des manquements constatés et dans la limite de 5% des recettes annuelles de l'assurance maladie de l'établissement (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 162-42-13 du même code : " La sanction envisagée et les motifs la justifiant sont notifiés à l'établissement par tout moyen permettant de déterminer la date de réception. L'établissement dispose d'un délai d'un mois pour présenter ses observations. Au terme de ce délai, la commission exécutive prononce la sanction, la notifie à l'établissement par tout moyen permettant de déterminer la date de réception et lui indique le délai et les modalités de paiement des sommes en cause (...) " ; qu'une sanction financière prononcée par la commission exécutive de l'agence régionale de l'hospitalisation en vertu des dispositions précitées doit être motivée au sens de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ;
5. Considérant que la lettre du 9 juillet 2008, par laquelle le directeur de l'ARH d'Aquitaine a notifié à la Clinique ophtalmologique Thiers un projet de décision de la commission exécutive envisageant à son encontre la sanction financière, se borne à réitérer, en y annexant la liste susmentionnée, que le rapport de synthèse fait apparaître des " manquements aux règles de facturation fixées en application des dispositions de l'article L. 162-22-6 du code de sécurité sociale " ; que la Clinique ophtalmologique Thiers ayant présenté de nouvelles observations le 8 août 2008, la commission exécutive a confirmé, par une délibération non motivée du 9 septembre 2008, la sanction envisagée ; que l'ARH d'Aquitaine a notifié à l'établissement, par courrier du 31 octobre 2008, la sanction financière de 44 872 euros maintenue par la commission exécutive à raison des manquements relevés lors du contrôle, à savoir des " manquements aux règles de facturation fixées en application des dispositions de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale " ; que, dans ces conditions, la clinique requérante est fondée à soutenir, d'une part, que la lettre du 9 juillet 2008 n'est pas suffisamment motivée et, d'autre part, que la décision de la commission exécutive du 9 septembre 2008 - décision dont les indications contenues dans la lettre de l'ARH d'Aquitaine du 31 octobre 2008 la notifiant ne saurait tenir lieu de motivation, indications au demeurant elles-mêmes insuffisantes -, n'est pas motivée ; que, dès lors, la Clinique ophtalmologique Thiers est fondée à soutenir que la décision attaquée est intervenue au terme d'une procédure irrégulière ;
6. Considérant que l'insuffisance de motivation tant du rapport de contrôle que du projet de décision du 9 juillet 2008 ont été de nature à priver la Clinique ophtalmologique Thiers des garanties qu'elle tient des droits de la défense ; que cette insuffisance a, en outre, exercé une influence sur le sens de la décision prise, dès lors que le directeur de l'ARH se borne, en la matière, à exécuter les décisions de la commission exécutive ; qu'ainsi, la Clinique ophtalmologique Thiers est fondée à demander l'annulation, pour ce motif, de la décision attaquée ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, que la Clinique ophtalmologique Thiers est fondée à soutenir que c'est à tort que, par ledit jugement, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Considérant que l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le montant de la sanction acquittée par la Clinique ophtalmologique Thiers lui soit restitué ; qu'il y a lieu, dès lors, d'enjoindre à l'ARS d'Aquitaine et à l'Etat de mettre en oeuvre les procédures nécessaires en vue du remboursement à la Clinique ophtalmologique Thiers de la somme de 44 872 euros ; que cette somme portera intérêts au taux légal à compter, non pas de la date de son règlement, au demeurant non précisée au dossier, mais de la demande de restitution de cette somme par la clinique, formulée pour la première fois devant le tribunal administratif le 26 avril 2010 selon les éléments au dossier ; que la clinique peut également prétendre aux intérêts des intérêts à compter du 5 novembre 2012, comme elle l'a demandé, dès lors qu'il était dû, à cette date, un an d'intérêts, et à chaque échéance à partir de cette dernière date ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Clinique ophtalmologique Thiers, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à l'Etat la somme qu'il demande au titre des frais exposés non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des mêmes dispositions, de condamner l'Etat à payer à la Clinique ophtalmologique Thiers une somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 11 mai 2011, ensemble la décision de l'ARH d'Aquitaine du 31 octobre 2008, sont annulés.
Article 2 : L'Etat et l'ARS d'Aquitaine mettront en oeuvre les procédures nécessaires en vue du remboursement à la Clinique ophtalmologique Thiers de la somme de 44 872 euros, qui portera intérêts au taux légal à compter du 26 avril 2010. Les intérêts échus au 5 novembre 2012, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : L'Etat versera à la Clinique ophtalmologique Thiers une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de l'Etat présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 11BX01836