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15/11/2017 | FRANCE | N°400989

France | France, Conseil d'État, 5ème - 4ème chambres réunies, 15 novembre 2017, 400989


Vu la procédure suivante :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de 138 434,60 euros en réparation de l'aggravation du préjudice subi du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C. L'ONIAM a présenté des conclusions tendant au remboursement de la provision de 25 000 euros qu'il avait été condamné à verser à l'intéressée par une ordonnance du juge des référés en date du 24 novembre

2010. Par un jugement n° 1201651 du 19 juin 2014, le tribunal administrat...

Vu la procédure suivante :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de 138 434,60 euros en réparation de l'aggravation du préjudice subi du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C. L'ONIAM a présenté des conclusions tendant au remboursement de la provision de 25 000 euros qu'il avait été condamné à verser à l'intéressée par une ordonnance du juge des référés en date du 24 novembre 2010. Par un jugement n° 1201651 du 19 juin 2014, le tribunal administratif a mis à la charge de l'ONIAM le versement de la somme de 48 000 euros en précisant qu'il convenait d'en déduire la provision de 25 000 euros déjà versée à Mme A....

Par un arrêt n° 14MA03661 du 28 avril 2016, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de l'ONIAM, annulé ce jugement et rejeté la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Toulon ainsi que la demande de l'ONIAM tendant au remboursement de la provision versée.

1° Sous le n° 400989, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 27 juin et 27 septembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 401065, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 juin et 29 septembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'ONIAM demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il rejette ses conclusions d'appel tendant au remboursement de la provision versée à Mme A...en application de l'ordonnance du juge des référés ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel sur ce point ;

3°) de mettre à la charge de Mme A...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Florian Roussel, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Laurence Marion, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de Mme A...et à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A...a subi, le 31 octobre 1985, une intervention chirurgicale, à la suite de laquelle elle a reçu une transfusion sanguine ; que des examens réalisés en 1994 ont révélé sa contamination par le virus de l'hépatite C ; qu'estimant que cette contamination était imputable à la transfusion sanguine pratiquée en 1985, le tribunal administratif de Nice a condamné l'Etablissement français du sang (EFS), par un jugement en date du 22 février 2002 devenu définitif, à lui verser une somme de 46 000 euros ; que, le 4 mai 2010, MmeA..., faisant valoir que son état de santé s'était aggravé, a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Toulon qui, par une ordonnance du 24 novembre 2010, a condamné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), substitué à l'EFS par l'effet des dispositions du IV de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 visée ci-dessus, à verser à la requérante une provision de 25 000 euros et ordonné une expertise ; que l'expert a déposé son rapport le 5 mai 2011 ; que, le 20 juin 2012, Mme A...a présenté une demande indemnitaire devant le tribunal administratif de Toulon qui, par un jugement du 19 juin 2014, a condamné l'ONIAM à lui verser une somme de 48 000 euros, sous déduction de la provision accordée par le juge des référés ; que, par un arrêt du 28 avril 2016, la cour administrative d'appel de Marseille, saisie par l'ONIAM, a annulé ce jugement et rejeté la demande de Mme A...au motif qu'il résultait de l'expertise que les produits transfusés provenaient d'un unique donneur qui n'était pas porteur du virus de l'hépatite C ; que la cour a cependant rejeté les conclusions de l'ONIAM tendant au remboursement de la provision versée à l'intéressée au motif que l'ordonnance du 24 novembre 2010 était devenue définitive et que l'office n'avait pas, dans le délai de deux mois à compter de la notification qui lui en avait été faite, saisi le tribunal administratif d'une demande tendant à la fixation du montant définitif du montant de sa dette ; que Mme A...et l'ONIAM se pourvoient en cassation contre cet arrêt ; que chacun doit être regardé comme demandant qu'il soit annulé en tant qu'il rejette ses propres conclusions ; qu'il y a lieu de joindre les pourvois pour statuer par une seule décision ;

Sur le pourvoi de Mme A...relatif à son droit à indemnisation :

2. Considérant qu'en jugeant que Mme A...ne pouvait opposer à l'ONIAM l'autorité de chose jugée dont était revêtu le jugement du tribunal administratif de Toulon du 22 février 2002 condamnant l'EFS à lui verser une indemnité de 46 000 euros en réparation des préjudices résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C, en l'absence d'identité d'objet entre la demande sur laquelle ce jugement avait été rendu et la demande de réparation des préjudices résultant de l'aggravation ultérieure de l'état de santé de la requérante dont elle était saisie, la cour administrative d'appel de Marseille n'a pas commis d'erreur de droit ; que, par suite, le pourvoi de Mme A...doit être rejeté ;

Sur le pourvoi de l'ONIAM relatif au reversement de la provision :

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie " ; qu'aux termes de l'article R. 541-3 du même code : " L'ordonnance rendue par le président du tribunal administratif ou par son délégué est susceptible d'appel devant la cour administrative d'appel dans la quinzaine de sa notification " ; qu'aux termes de l'article R. 541-4 du même code : " Si le créancier n'a pas introduit de demande au fond dans les conditions de droit commun, la personne condamnée au paiement d'une provision peut saisir le juge du fond d'une requête tendant à la fixation définitive du montant de sa dette, dans un délai de deux mois à partir de la notification de la décision de provision rendue en première instance ou en appel " ;

4. Considérant que le demandeur qui a obtenu du juge des référés le bénéfice d'une provision doit la reverser en tout ou en partie lorsque le juge du fond rejette sa demande pécuniaire ou lui accorde une somme inférieure au montant de la provision ; qu'en jugeant qu'il en allait différemment en l'espèce, aux motifs que l'ordonnance accordant une provision à Mme A... était devenue définitive et que l'ONIAM n'avait pas demandé au juge du fond, dans les deux mois suivant la date à laquelle il avait reçu notification de cette ordonnance, de fixer l'étendue de sa dette en application des dispositions de l'article R. 541-4 précité du code de justice administrative, comme il lui était loisible de le faire en l'absence à l'époque de demande au fond de l'intéressée, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ; que, par suite, son arrêt doit être annulé en tant qu'il rejette les conclusions de l'ONIAM tendant au reversement par Mme A...de la provision qui lui avait été accordée par le juge des référés ;

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 5 que l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille, qui rejette les conclusions indemnitaires de MmeA..., implique nécessairement que celle-ci rembourse à l'ONIAM la somme versée à titre de provision, en exécution de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Toulon du 24 novembre 2010 ; que, par suite, l'ONIAM est fondé à solliciter le remboursement par Mme A... de la somme de 25 000 euros versée à titre provisionnel ;

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'ONIAM, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A...le versement d'une somme à l'ONIAM au titre de ces dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de Mme A...est rejeté.

Article 2 : L'arrêt de la cour administrative de Marseille du 28 avril 2016 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de l'ONIAM tendant au remboursement par Mme A...de la provision ordonnée par le juge des référés.

Article 3 : Mme A...est condamnée à rembourser à l'ONIAM la somme de 25 000 euros qui lui a été versée à titre de provision.

Article 4 : Les conclusions de l'ONIAM et de Mme A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme B...A...et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.


Synthèse
Formation : 5ème - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 400989
Date de la décision : 15/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

PROCÉDURE - JUGEMENTS - CHOSE JUGÉE - CHOSE JUGÉE PAR LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE - ABSENCE - ABSENCE D'AUTORITÉ DE LA CHOSE JUGÉE - FAUTE D'IDENTITÉ D'OBJET - JUGEMENT CONDAMNANT À VERSER UNE INDEMNITÉ EN RÉPARATION D'UN PRÉJUDICE ET DEMANDE D'INDEMNISATION RÉSULTANT DE L'AGGRAVATION ULTÉRIEURE DE CE PRÉJUDICE.

54-06-06-01-01 En l'absence d'identité d'objet entre la demande de réparation d'un préjudice sur laquelle un jugement a été rendu et la demande de réparation des préjudices résultant de l'aggravation ultérieure de son état de santé, un requérant ne peut opposer dans le cadre de cette nouvelle demande, l'autorité de chose jugée dont est revêtu ce jugement.

RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITÉ EN RAISON DES DIFFÉRENTES ACTIVITÉS DES SERVICES PUBLICS - DEMANDE D'INDEMNISATION DE L'AGGRAVATION D'UN PRÉJUDICE - OPPOSABILITÉ À CETTE DEMANDE DE L'AUTORITÉ DE CHOSE JUGÉE D'UN JUGEMENT CONDAMNANT À VERSER UNE INDEMNITÉ EN RÉPARATION DU PRÉJUDICE - ABSENCE.

60-02 En l'absence d'identité d'objet entre la demande de réparation d'un préjudice sur laquelle un jugement a été rendu et la demande de réparation des préjudices résultant de l'aggravation ultérieure de son état de santé, un requérant ne peut opposer dans le cadre de cette nouvelle demande, l'autorité de chose jugée dont est revêtu ce jugement.

RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITÉ EN RAISON DES DIFFÉRENTES ACTIVITÉS DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTÉ - DONS DU SANG - DEMANDE D'INDEMNISATION DE L'AGGRAVATION D'UN PRÉJUDICE RÉSULTANT DE LA CONTAMINATION AU VIRUS DE L'HÉPATITE C - OPPOSABILITÉ À CETTE DEMANDE DE L'AUTORITÉ DE CHOSE JUGÉE D'UN JUGEMENT CONDAMNANT À VERSER UNE INDEMNITÉ EN RÉPARATION DU PRÉJUDICE - ABSENCE.

60-02-01-02 En l'absence d'identité d'objet entre la demande de réparation d'un préjudice résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C sur laquelle un jugement a été rendu et la demande de réparation des préjudices résultant de l'aggravation ultérieure de son état de santé, un requérant ne peut opposer dans le cadre de cette nouvelle demande, l'autorité de chose jugée dont est revêtu ce jugement.


Publications
Proposition de citation : CE, 15 nov. 2017, n° 400989
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Florian Roussel
Rapporteur public ?: Mme Laurence Marion
Avocat(s) : SCP GADIOU, CHEVALLIER ; SCP SEVAUX, MATHONNET

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:400989.20171115
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