Vu la procédure suivante :
La présidente de l'université des Antilles a engagé contre M. A...B...des poursuites disciplinaires, renvoyées par le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche devant la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université Toulouse 1 Capitole. Par une décision du 11 juin 2015, la section disciplinaire du conseil d'administration a infligé à M. B...la sanction de l'interdiction d'exercer des fonctions de direction de laboratoire de recherche à l'université des Antilles pendant cinq ans.
Par une décision n° 1169 du 8 juin 2016, le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, statuant en matière disciplinaire, a, sur appels de la présidente de l'université des Antilles et de M.B..., annulé cette décision et infligé à ce dernier la sanction de la révocation, assortie de l'interdiction définitive d'exercer toute fonction dans un établissement public ou privé.
1° Sous le n° 404627, par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 octobre 2016 et 2 juin 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette décision ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la présidente de l'université des Antilles et de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'université des Antilles la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 404630, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 octobre 2016 et 2 juin 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat d'ordonner le sursis à exécution de la même décision du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bruno Bachini, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. B...et à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de l'université des Antilles ;
1. Considérant que le pourvoi par lequel M. B...demande l'annulation de la décision du 8 juin 2016 par laquelle le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER), statuant en formation disciplinaire, lui a, sur appel de l'université des Antilles contre la décision du 11 juin 2015 de la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université Toulouse 1 Capitole, infligé la sanction de révocation, assortie de l'interdiction définitive d'exercer toute fonction dans un établissement d'enseignement public ou privé, et sa requête, tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de cette même décision, présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 232-2 du code de l'éducation : " Le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche statue en appel et en dernier ressort sur les décisions disciplinaires prises par les instances universitaires compétentes à l'égard des enseignants-chercheurs, enseignants et usagers. Toutefois, il est appelé à statuer en premier et dernier ressort lorsqu'une section disciplinaire n'a pas été constituée ou lorsque aucun jugement n'est intervenu six mois après la date à laquelle les poursuites ont été engagées devant la juridiction disciplinaire compétente " ; qu'aux termes de l'article R. 232-31 du même code, pris pour l'application de ces dispositions : " Lorsqu'une section disciplinaire n'a pas été constituée ou lorsque aucun jugement n'est intervenu six mois après la date à laquelle les poursuites ont été engagées devant la juridiction disciplinaire compétente, l'autorité compétente pour engager les poursuites saisit le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche statuant en formation disciplinaire " ; qu'il résulte de ces dispositions que si, lorsque la section disciplinaire saisie d'une plainte n'a pas statué au-delà d'un délai de six mois après la date de sa saisine, le CNESER, statuant en formation disciplinaire, est compétent pour statuer sur cette plainte en premier et dernier ressort, c'est à la condition, toutefois, qu'il soit saisi à cette fin par l'autorité compétente pour engager des poursuites, le dessaisissement de la section disciplinaire intervenant à la date de cette saisine ;
3. Considérant, par suite, qu'en annulant, alors qu'il en était exclusivement saisi par la voie de l'appel, la décision du 11 juin 2015 de la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université Toulouse 1 Capitole au seul motif qu'elle était intervenue plus de six mois après la date à laquelle cette section disciplinaire avait elle-même été saisie, le CNESER, statuant en formation disciplinaire, a entaché sa décision d'une erreur de droit ;
4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article R. 232-37 du code de l'éducation, qui fixe la procédure applicable devant le CNESER statuant en formation disciplinaire : " La commission d'instruction entend la personne déférée et instruit l'affaire par tous les moyens qu'elle juge propres à l'éclairer et en fait un rapport écrit comprenant l'exposé des faits et moyens des parties. Ce rapport est transmis au président dans un délai qu'il a préalablement fixé et qui ne peut être supérieur à trois mois. Toutefois, le président peut ordonner un supplément d'instruction s'il estime que l'affaire n'est pas en état d'être jugée. Le rapport et les pièces des dossiers sont déposés par le rapporteur au secrétariat du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche pour être tenus à la disposition des parties, de leur conseil et des membres du conseil statuant en matière disciplinaire, dix jours francs avant la date fixée pour la séance du jugement (...) / Dans le cas où la juridiction est saisie de nouveaux éléments, le président ordonne la réouverture de l'instruction qui se déroule selon les formes prescrites à l'alinéa précédent du présent article " ; qu'il résulte de ces dispositions que tout élément produit par une partie au soutien de son argumentation doit, s'il présente un caractère substantiel, être pris en compte par la commission d'instruction avant la remise de son rapport, à peine d'irrégularité de la décision rendue par le CNESER statuant en formation disciplinaire ; que si un tel élément est produit pour la première fois après le dépôt du rapport de la commission d'instruction, il présente alors un caractère nouveau au sens des dispositions citées ci-dessus du dernier alinéa de l'article R. 232-37 du code de l'éducation, qui fait obligation au président de la formation de jugement de rouvrir l'instruction afin que le rapport de la commission d'instruction puisse en tenir compte ; qu'il en va ainsi alors même que cet élément nouveau serait, par ailleurs, soumis au débat contradictoire dans des conditions permettant à la partie adverse d'y répondre utilement ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au CNESER, statuant en formation disciplinaire, que l'université des Antilles a produit les 29 mars et 1er avril 2016, soit postérieurement au dépôt, le 11 février 2016, du rapport de la commission d'instruction, deux mémoires en réplique qui discutaient de manière substantielle l'ensemble des faits reprochés à M. B...et comportaient des développements supplémentaires par rapport à ceux dont la commission d'instruction avait eu à connaître, accompagnés de pièces nouvelles ; que, ces éléments devant, par suite, être regardés comme nouveaux au sens des dispositions de l'article R. 232-37 du code de l'éducation citées ci-dessus, il appartenait au président du CNESER statuant en formation disciplinaire de rouvrir l'instruction ; qu'ainsi, en jugeant, alors que l'instruction n'avait pas été rouverte, qu'il lui appartenait de statuer puisque ces éléments avaient été soumis au contradictoire, le CNESER a entaché sa décision d'une autre erreur de droit ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, M. B...est fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque ; que les conclusions par lesquelles M. B...demande qu'il soit sursis à l'exécution de cette même décision sont, par suite, devenues sans objet ; qu'il n'y a pas lieu d'y statuer ;
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'université des Antilles la somme de 3 000 euros à verser à M. B...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de ce dernier qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
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Article 1er : La décision du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche du 8 juin 2016 est annulée.
Article 2 : L'affaire enregistrée sous le n° 404627 est renvoyée au Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 404630 de M.B....
Article 4 : L'université des Antilles versera à M. B...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de l'université des Antilles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et à l'université des Antilles.
Copie en sera adressée à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.