Vu la procédure suivante :
La société à responsabilité limitée Serena Caoutchouc a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer l'annulation de la décision du 4 décembre 2013 par laquelle le directeur régional des finances publiques du Centre et du département du Loiret a refusé de lui accorder l'agrément mentionné au II de l'article 209 du code général des impôts. Par un jugement n° 1400363 du 7 octobre 2014, le tribunal a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 14NT02921 du 12 mai 2016, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la société contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 juillet et 12 octobre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Serena Caoutchouc demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Manon Perrière, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat de la SARL Serena Caoutchouc ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la société à responsabilité limitée Serena Caoutchouc détenait l'intégralité du capital d'une société du même nom. Le 30 décembre 2012, la société Serena Caoutchouc a procédé à la dissolution sans liquidation, par transmission universelle de patrimoine, de cette société, avec effet au 1er janvier 2012. Elle a demandé, par courriers des 21 novembre 2012 et 14 juin 2013, la délivrance de l'agrément prévu par les dispositions du II de l'article 209 du code général des impôts, afin que lui soient transférés les déficits inscrits dans les écritures comptables de la société dissoute. Par une décision du 4 décembre 2013, le directeur régional des finances publiques du Centre et du département du Loiret a refusé de lui délivrer cet agrément aux motifs que, d'une part, l'activité de la société dissoute avait subi des changements significatifs au cours des exercices clos les 31 décembre 2009 et 2010 et que, d'autre part, les justifications économiques de l'opération étaient peu explicites. Par jugement du 7 octobre 2014, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande de la société tendant à l'annulation de cette décision. La société se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 12 mai 2016 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête contre ce jugement.
2. Aux termes du II de l'article 209 du code général des impôts, dans sa rédaction issue du I de l'article 15 de la loi du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 : " En cas de fusion ou opération assimilée placée sous le régime de l'article 210 A, les déficits antérieurs (...) non encore déduits par la société absorbée (...) sont transférés, sous réserve d'un agrément délivré dans les conditions prévues à l'article 1649 nonies, à la ou aux sociétés bénéficiaires des apports, et imputables sur ses ou leurs bénéfices ultérieurs (...). / (...) L'agrément est délivré lorsque : / a. L'opération est justifiée du point de vue économique et obéit à des motivations principales autres que fiscales ; / b. L'activité à l'origine des déficits (...) dont le transfert est demandé n'a pas fait l'objet par la société absorbée (...), pendant la période au titre de laquelle ces déficits (...) ont été constatés, de changement significatif, notamment en termes de clientèle, d'emploi, de moyens d'exploitation effectivement mis en oeuvre, de nature et de volume d'activité ; / c. L'activité à l'origine des déficits (...) dont le transfert est demandé est poursuivie par la ou les sociétés absorbantes (...) pendant un délai minimal de trois ans, sans faire l'objet, pendant cette période, de changement significatif, notamment en termes de clientèle, d'emploi, de moyens d'exploitation effectivement mis en oeuvre, de nature et de volume d'activité ; / d. Les déficits (...) susceptibles d'être transférés ne proviennent ni de la gestion d'un patrimoine mobilier par des sociétés dont l'actif est principalement composé de participations financières dans d'autres sociétés ou groupements assimilés ni de la gestion d'un patrimoine immobilier ". Aux termes du II de l'article 15 de la loi du 16 août 2012, relatif aux conditions d'entrée en vigueur des nouvelles dispositions du II de l'article 209 du code général des impôts : " II.- Le I s'applique aux exercices clos à compter du 4 juillet 2012 ".
3. Il résulte de ces dispositions combinées que la nouvelle rédaction du II de l'article 209 du code général des impôts est applicable lorsque les déficits dont le transfert est demandé sont transférables à la société absorbante au cours d'un exercice clos à compter du 4 juillet 2012. Ainsi, en écartant le moyen tiré de ce que les modifications en cause de l'article 209 du code général des impôts ne s'appliqueraient qu'aux changements d'activité intervenus lors d'exercices clos à compter du 4 juillet 2012 et viseraient uniquement le transfert de déficits nés lors d'exercices clos à compter de cette date, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit.
4. Il résulte toutefois des dispositions du b. du II de l'article 209 du code général des impôts précitées que la condition qu'elles énoncent tient à ce qu'examinée pour elle-même, l'activité transférée à la société absorbante n'ait pas fait l'objet de changements significatifs pendant la période au titre de laquelle ont été constatés les déficits dont le transfert est demandé. Ainsi, en jugeant que l'activité à l'origine des déficits devait être regardée comme ayant subi un changement significatif de son volume d'activité dès lors qu'une activité préexistante de la société absorbée, autre que celle déficitaire qui continuait à être exercée à la date de l'absorption, était devenue marginale voire nulle à la suite de la cession d'une branche d'activité par la société absorbée, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit. Elle a, en effet, pris en compte, pour évaluer si l'activité transférée avait subi un changement significatif avant l'absorption, des éléments relatifs à une autre activité que celle à l'origine des déficits dont le transfert était demandé. Il en résulte que, sans qu'il soit besoin d'examiner le dernier moyen du pourvoi, son arrêt doit être annulé.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Serena Caoutchouc, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 12 mai 2016 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à la société Serena Caoutchouc au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société à responsabilité limitée Serena Caoutchouc et au ministre de l'action et des comptes publics.