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25/10/2017 | FRANCE | N°399491

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 25 octobre 2017, 399491


Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 399491, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 3 mai et 3 août 2016 et le 13 avril 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union des Mutuelles d'Assurances Monceau (UMAM) demande au Conseil d'Etat :

1) d'annuler la décision du 11 mars 2016 par laquelle la commission des sanctions de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a, d'une part, prononcé à son encontre une sanction pécuniaire de 100 000 euros et, d'autre part, décidé la

publication de sa décision sous une forme anonymisée à son registre ;

2) de me...

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 399491, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 3 mai et 3 août 2016 et le 13 avril 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union des Mutuelles d'Assurances Monceau (UMAM) demande au Conseil d'Etat :

1) d'annuler la décision du 11 mars 2016 par laquelle la commission des sanctions de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a, d'une part, prononcé à son encontre une sanction pécuniaire de 100 000 euros et, d'autre part, décidé la publication de sa décision sous une forme anonymisée à son registre ;

2) de mettre à la charge de l'Etat (ACPR) la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 399493, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 3 mai et 3 août 2016 et le 13 avril 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Mutuelle Centrale de Réassurance (MCR) demande au Conseil d'Etat :

1) d'annuler la décision du 11 mars 2016 par laquelle la commission des sanctions de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a prononcé à son encontre un avertissement et une sanction pécuniaire de 100 000 euros et a décidé la publication de sa décision sous une forme anonymisée à son registre ;

2) de mettre à la charge de l'Etat (ACPR) la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des assurances ;

- le code monétaire et financier ;

- le code pénal ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Simon Chassard, auditeur,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de l'Union des Mutuelles d'assurance Monceau et de la société Mutuelle Centrale de Réassurance, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat d'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ;

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes de l'Union des Mutuelles d'Assurance Monceau (UMAM) et de la Mutuelle Centrale de Réassurance (MCR) présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Il résulte de l'instruction qu'à la suite d'un contrôle diligenté par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) sur la situation du groupe Monceau, dont le rapport d'inspection définitif a été remis le 7 août 2013, le secrétaire général adjoint de cette Autorité a, par un courrier du 24 décembre 2013, signifié à la société Monceau Assurances Mutuelles Associées, d'une part, qu'elle ne réunissait pas un nombre suffisant d'adhérents, en violation des dispositions de l'article R. 322-84 du code des assurances, d'autre part, que les traités d'adhésion conclus avec ces derniers méconnaissaient les dispositions de l'article R. 322-53-2 de ce code. Après l'avoir informée, par un courrier du 9 avril 2014, de son intention de la mettre en demeure, le vice-président de l'ACPR a, le 12 juin 2014, sur le fondement de l'article L. 612-31 du code des assurances, mis la société Monceau Assurances en demeure de prendre toute mesure afin de se mettre en conformité avec les dispositions mentionnées ci-dessus du code des assurances avant le 31 décembre 2014. Par deux courriers du 2 mars 2015, le vice-président de l'ACPR a, dans le cadre de la procédure disciplinaire ouverte contre la société Monceau Assurances, notifié à cette dernière les griefs retenus à son encontre et transmis cette lettre de notification au président de la commission des sanctions de l'Autorité. Cette dernière a, par une décision rendue le 11 mars 2016 et après avoir entendu les représentants de la société au cours de l'audience du 19 février 2016, prononcé à l'encontre de l'UMAM, venant aux droits et obligations de la société Monceau Assurances, une sanction pécuniaire de 100 000 euros et décidé la publication de cette dernière, sous forme anonymisée, à son registre. Parallèlement à la procédure suivie à l'encontre de l'UMAM, l'ACPR a, après une mise en demeure et une notification de griefs intervenues aux mêmes dates, ouvert une procédure disciplinaire à l'encontre de la MCR à raison de manquements relatifs au fonctionnement de son assemblée générale et de son conseil d'administration. Au terme de cette procédure, la commission des sanctions a prononcé à l'encontre de la MCR un avertissement et une sanction pécuniaire de 100 000 euros publiés, sous forme anonymisée, à son registre. L'UMAM et la MCR demandent l'annulation de la décision du 11 mars 2016 par laquelle l'ACPR les a ainsi sanctionnées.

Sur la régularité de la procédure de sanction :

En ce qui concerne la régularité de la procédure suivie à l'égard de l'UMAM venant aux droits et obligations de la société Monceau Assurances, Mutuelles Associées :

3. L'UMAM soutient que la procédure suivie par l'ACPR est irrégulière en ce qu'elle n'était pas visée par la notification des griefs du 2 mars 2015, que sa mise en cause est intervenue en cours de procédure et qu'elle n'a pas pu présenter d'observations écrites avant le dépôt du rapport définitif.

4. Il résulte de l'instruction que le vice-président de l'ACPR a notifié à la société Monceau Assurances les griefs retenus à son encontre le 2 mars 2015 et que cette dernière a formulé des observations en réponse le 26 juin 2015. L'UMAM a ensuite absorbé, par un traité de fusion-absorption devenu définitif le 9 octobre 2015, la société Monceau Assurances. Par un courrier du 3 décembre 2015 adressé à l'UMAM, l'ACPR a pris acte de la disparition de la société Monceau Assurances et a transmis à l'UMAM l'entier dossier disciplinaire de la procédure n° 2015-02 ouverte à l'encontre de la société absorbée. Le rapport établi par le rapporteur près la commission des sanctions de l'Autorité a été communiqué le 15 janvier 2016 à l'UMAM, laquelle a déposé des observations en réponse le 1er février 2016.

5. Aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 612-38 du code monétaire financier : " La commission des sanctions veille au respect du caractère contradictoire de la procédure. Elle procède aux communications et convocations à l'égard de toute personne visée par la notification de griefs. Toute personne convoquée a le droit de se faire assister ou représenter par un conseil de son choix. La commission des sanctions dispose des services de l'Autorité pour la conduite de la procédure. ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 612-38 de ce code : " I. / (...) / Selon les modalités prévues au I de l'article R. 612-9, le rapporteur précise à la personne mise en cause le délai dont elle dispose, qui ne peut être inférieur à trente jours francs à compter de la réception de la notification des griefs, pour transmettre au président de la commission des sanctions ses observations écrites sur ces griefs. / Il procède à toute diligence utile et peut en particulier entendre toute personne dont l'audition lui paraît nécessaire. Ses convocations sont adressées selon les modalités prévues au I de l'article R. 612-9. La personne mise en cause peut être entendue à sa demande par le rapporteur. / Il communique les pièces du dossier aux parties, notamment au représentant du collège de supervision ou du collège de résolution mentionné à l'article L. 612-38 / (...) / II.-Le rapporteur transmet son rapport écrit à la personne mise en cause et au représentant du collège de supervision ou du collège de résolution mentionné à l'article L. 612-38 selon les modalités prévues au I de l'article R. 612-9. ". Enfin, aux termes de l'article R. 612-39 du même code : " La personne mise en cause est convoquée devant la commission des sanctions dans un délai qui ne peut être inférieur à trente jours francs à compter de la communication du rapport prévu au II de l'article R. 612-38. La convocation mentionne la composition de la commission des sanctions et précise que la personne mise en cause dispose d'un délai de quinze jours francs pour faire connaître par écrit ses observations sur ce rapport. Elle est adressée selon les modalités prévues au I de l'article R. 612-9. ".

6. En premier lieu, les griefs retenus à l'encontre de la société Monceau Assurances ont été initialement notifiés à cette dernière, ainsi qu'il a été dit au point 4, le 2 mars 2015. A cette date, il n'y avait pas lieu pour l'ACPR de notifier ces griefs à l'UMAM qui n'était ni l'entreprise qui contrôlait la personne mise en cause ni l'organe central auquel cette dernière était affiliée au sens et pour l'application de l'article R. 612-37 du code monétaire et financier. L'UMAM s'étant substituée, à compter du 9 octobre 2015, par l'effet du traité de fusion-absorption devenu définitif à cette date, à la société Monceau Assurances, l'ACPR n'était pas non plus tenue, pour poursuivre la procédure disciplinaire n° 2015-02, de procéder à une nouvelle notification des griefs à l'UMAM, laquelle venait aux droits et obligations de la société Monceau Assurances. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que l'ACPR, tirant les conséquences de la disparition de la société Monceau Assurances a, comme elle y était tenue, adressé à l'UMAM l'intégralité du dossier disciplinaire ainsi que les actes de procédure intervenus avant le 9 octobre 2015.

7. En second lieu, et ainsi qu'il a été dit au point 4, la société Monceau Assurances avait été mise en mesure de formuler des observations en réponse aux griefs retenus à son encontre. De même, l'UMAM, à laquelle le dossier disciplinaire a été communiqué le 3 décembre 2015, a eu connaissance du rapport du rapporteur près la commission des sanctions le 15 janvier 2016 et a pu formuler des observations en réponse sur ce dernier le 1er février 2016. En mettant ainsi en mesure, comme elle y était tenue, la société Monceau Assurances et l'UMAM de présenter des observations respectivement sur la notification de griefs intervenue le 2 mars 2015 et sur le rapport définitif communiqué le 15 janvier 2016, l'ACPR n'a pas méconnu les dispositions des articles L. 612-38, R. 612-38 et R. 612-39 du code monétaire et financier

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la procédure suivie à l'égard de l'UMAM, venant aux droits et obligations de la société Monceau Assurances, Mutuelles Associées aurait été irrégulière doit être écarté ;

En ce qui concerne la désignation d'un nouveau rapporteur dans les procédures suivies à l'encontre de l'UMAM et de la MCR :

9. L'UMAM et la MCR soutiennent que la procédure suivie par l'ACPR est entachée d'irrégularité en ce que le premier rapporteur désigné par le président de la commission des sanctions le 10 avril 2015 a été remplacé, par décision du président en date du 10 novembre 2015, par un second rapporteur.

10. L'article L. 612-38 du code monétaire et financier prévoit que la commission des sanctions de l'ACPR, saisie par le président de la formation du collège de supervision ou du collège de résolution, désigne un rapporteur parmi ses membres. Par ailleurs, l'article R. 612-38 du même code dispose que " le président de la commission des sanctions désigne un rapporteur parmi les membres de la commission ". Ces dispositions n'interdisent pas que le président de la commission des sanctions de l'ACPR désigne, lorsque le premier rapporteur a été empêché, un nouveau rapporteur et ne lui imposent pas d'informer la société poursuivie des motifs l'ayant conduit à prendre une telle décision.

Sur le bien-fondé de la sanction prononcée :

En ce qui concerne la violation alléguée du principe de responsabilité personnelle :

11. L'UMAM soutient, à titre principal, que les griefs retenus par l'ACPR à l'encontre de la société Monceau Assurances ne lui étaient pas imputables et que le principe de responsabilité personnelle, tel qu'il découle des articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ainsi que de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, faisait obstacle à ce que l'Autorité prononce à son encontre les sanctions qu'elle lui a infligées par sa décision du 11 mars 2016.

12. Néanmoins, eu égard à la mission de régulation dont est investie l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, et alors qu'il n'est pas contesté qu'à la suite de l'opération de fusion-absorption intervenue le 9 octobre 2015, la société Monceau Assurances a été absorbée intégralement par l'Union requérante sans être liquidée ni scindée, cette dernière a pu faire l'objet d'une sanction pécuniaire sans que soit méconnu le caractère personnel qui s'attache, y compris pour les personnes morales, aux responsabilités susceptibles d'être mises en cause par la commission des sanctions de l'Autorité. Dès lors, le moyen tiré de ce que les griefs initialement retenus à l'encontre de la société Monceau Assurances n'étaient pas imputables à l'Union requérante ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne le grief n° 2 :

13. L'UMAM soutient, à titre subsidiaire, que la commission des sanctions a commis une erreur de droit et une erreur de qualification juridique en retenant le grief n° 2 alors, d'une part, que les dispositions de l'article R. 322-53-2 du code des assurances, dont l'autorité entendait sanctionner la méconnaissance, n'étaient pas suffisamment claires à la date des faits litigieux et, d'autre part, que l'ACPR avait connaissance du fonctionnement de la société Monceau Assurances et de la procédure de désignation et de révocation des directeurs généraux des sociétés adhérentes et ne s'y était, jusqu'à la décision attaquée, jamais opposée.

14. L'article R. 322-53-2 du code des assurances prévoit que la direction générale d'une société d'assurance mutuelle est assumée par une personne physique nommée par le conseil d'administration et portant le titre de directeur général, lequel est également, en vertu de ces mêmes dispositions, révocable par le conseil d'administration. La décision attaquée a retenu que le traité de réassurance d'adhésion qui liait, avant sa disparition, la société Monceau Assurances à ses adhérentes, comportait des clauses contraires à ces dispositions dès lors qu'elles accordaient au directeur général de celle-ci ou à son conseil d'administration des pouvoirs qui devaient relever exclusivement des conseils d'administration de ces adhérentes.

15. Pour sanctionner la méconnaissance des dispositions de l'article R. 322-53-2 du code des assurances, l'ACPR a précisé la portée de ces dernières en considérant qu'elles trouvaient à s'appliquer en cas d'adhésion d'une société d'assurance mutuelle à une société de réassurance mutuelle. Ni le principe de légalité des délits et des peines, ni celui de non rétroactivité de la loi répressive plus sévère ne font obstacle à ce qu'à la faveur de la première application d'une règle applicable à la date des faits litigieux, la commission des sanctions de l'Autorité précise sa portée et en fasse application aux faits à l'origine des manquements qu'elle sanctionne, dès lors qu'à la date des faits litigieux, la règle en cause est suffisamment claire, de sorte qu'il apparaisse de façon raisonnablement prévisible par les professionnels concernés, eu égard aux textes définissant leurs obligations et à l'interprétation qui lu a été donnée jusqu'alors par l'ACPR, que le comportement litigieux constitue un manquement à ces obligations, susceptible d'être sanctionné en application de l'article L. 612-39 du code monétaire et financier.

16. En premier lieu, les dispositions de l'article R. 322-53-2 du code des assurances étaient, à la date de la conclusion des traités d'adhésion litigieux, et dès avant la décision n° 383653 du 20 mai 2015 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, dépourvues d'ambiguïté. Elles ne pouvaient être lues comme autorisant une société de réassurance mutuelle à prévoir que les conseils d'administration de ses sociétés adhérentes renoncent à leurs prérogatives à son profit. La circonstance que l'application de cette règle au cas des sociétés de réassurance mutuelle n'ait pas été expressément prévue par le code des assurances était à cet égard indifférente.

17. En second lieu, ni la circonstance qu'en l'espèce, un rapport de contrôle de 2007 ait fait mention de la procédure de désignation des directeurs généraux en vigueur au sein du groupe Monceau, ni celle que le contrôle permanent n'ait jamais sanctionné cette pratique, ni non plus celle que l'ACPR n'ait pas fait usage de la faculté qu'elle tient des dispositions des articles R. 321-17-1 et R. 321-28 du code des assurances pour s'opposer à la désignation des directeurs généraux des sociétés adhérentes de la société Monceau Assurances par le directeur général de cette dernière ne faisaient obstacle à ce qu'il apparaisse de façon raisonnablement prévisible pour la société Monceau Assurances que la méconnaissance des dispositions en cause constituait un manquement aux obligations qu'elles énoncent susceptible d'être sanctionné par l'ACPR.

18. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que le grief n° 2 ne pouvait pas être retenu ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne les griefs n° 9 et n° 10 :

19. S'agissant du grief n° 9, l'Union requérante soutient que l'ACPR ne pouvait pas légalement décider que la non-exécution de la mise en demeure qui lui avait été adressée le 12 juin 2014 constituait un manquement susceptible d'être sanctionné, dès lors que la portée des dispositions de l'article R. 322-84 du code des assurances n'était ni claire ni certaine avant l'intervention de la décision n° 383653 du 20 mai 2015 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux et que l'exécution de la mise en demeure l'aurait nécessairement conduite à prononcer sa dissolution. S'agissant du grief n° 10, la MCR soutient que l'ACPR ne pouvait pas sanctionner la non-exécution de la mise en demeure du 12 juin 2014, dès lors que la portée des obligations qui faisaient l'objet de cette mise en demeure n'était ni claire ni certaine avant l'intervention de la décision n° 383655 du 20 mai 2015 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, que l'ACPR avait à plusieurs reprises approuvé ses règles de gouvernance et que l'exécution de la mise en demeure aurait abouti à une modification substantielle des équilibres existants au sein de ses organes décisionnels.

20. Aux termes de l'article L. 612-31 du code monétaire et financier : " L'Autorité de contrôle prudentiel peut mettre en demeure toute personne soumise à son contrôle de prendre, dans un délai déterminé, toutes mesures destinées à sa mise en conformité avec les obligations au respect desquelles l'Autorité de contrôle prudentiel a pour mission de veiller ". Il résulte de ces dispositions que la mise en demeure que l'Autorité de contrôle prudentiel adresse à une société soumise à son contrôle de se mettre en conformité avec ses obligations constitue une mesure de police administrative.

21. Une mise en demeure adressée par l'ACPR à une société d'assurance est immédiatement exécutoire, même si la sanction de sa non-exécution n'est susceptible d'intervenir qu'à l'issue du délai qui a été fixé par l'Autorité pour sa mise en oeuvre. La société qui fait l'objet d'une telle mise en demeure ne saurait, pour se soustraire à l'obligation dans laquelle elle se trouve, à compter de la notification de la mesure, de se mettre en conformité avec ses obligations dans le délai qui lui a été prescrit, se prévaloir de ce qu'elle a exercé un recours contre cette décision ou de ce que l'exécution de la mise en demeure la conduirait à prendre des décisions dont les conséquences seraient excessives. En outre, les dispositions dont la méconnaissance a conduit à la mise en demeure litigieuse étaient, en tout état de cause, dès avant la décision n° 383653 du 20 mai 2015 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, dépourvues d'ambiguïté.

22. Il résulte de ce qui précède que ni la société Monceau Assurances, puis l'UMAM qui lui a succédé, ni la MCR ne pouvaient se soustraire à l'exécution de la mise en demeure qui leur avait été adressée le 12 juin 2014. En conséquence, l'ACPR pouvait légalement sanctionner le refus d'exécuter cette mise en demeure.

En ce qui concerne la proportionnalité de la sanction :

23. Il appartient au juge administratif, saisi d'une requête dirigée contre une sanction pécuniaire prononcée par la commission des sanctions de l'ACPR, de vérifier que son montant était, à la date à laquelle elle a été infligée, proportionné tant aux manquements commis qu'à la situation, notamment financière, de la personne sanctionnée.

24. La non-exécution de la mise en demeure adressée aux sociétés requérantes par l'ACPR remettait en cause les conditions dans lesquelles l'Autorité exerce sa mission de contrôle du respect, par les organismes assujettis, des dispositions qui leur sont applicables. La nature et la gravité de ce manquement, combiné, s'agissant de la société Monceau Assurances, aux droits de laquelle vient l'UMAM, à la méconnaissance des dispositions de l'article R. 322-53-2 du code des assurances, justifiaient une sanction pécuniaire, dont le montant ne présente pas, contrairement à ce qui est soutenu, un caractère disproportionné. Par ailleurs, la publication de cette sanction sous une forme anonymisée ne présente pas non plus un caractère disproportionné, alors même que l'UMAM soutient qu'elle serait indirectement identifiable en raison de sa position spécifique sur le marché des assurances et de la réassurance.

25. Il résulte de tout ce qui précède que l'UMAM et la MCR ne sont pas fondées à demander l'annulation des décisions de sanction qu'elles attaquent et que leurs requêtes doivent être rejetées, y compris leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à la charge des requérantes au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

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Article 1er : Les requêtes de l'Union des mutuelles d'assurance Monceau et de la Mutuelle Centrale de Réassurance sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'ACPR au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administratives sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Union des Mutuelles d'Assurance Monceau, à la société Mutuelle Centrale de Réassurance et à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

Copie en sera adressée au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 399491
Date de la décision : 25/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA RÈGLE DE DROIT - PRINCIPES GÉNÉRAUX DU DROIT - PRINCIPES INTÉRESSANT L'ACTION ADMINISTRATIVE - RESPECT DES DROITS DE LA DÉFENSE - PROCÉDURE DISCIPLINAIRE DILIGENTÉE PAR L'ACPR À L'ENCONTRE D'UNE SOCIÉTÉ À LAQUELLE S'EST SUBSTITUÉE - EN COURS DE PROCÉDURE - UNE AUTRE SOCIÉTÉ - PAR L'EFFET D'UN TRAITÉ DE FUSION-ABSORPTION - 1) OBLIGATION POUR L'ACPR DE COMMUNIQUER À L'ABSORBANTE L'ENTIER DOSSIER DE LA PROCÉDURE DISCIPLINAIRE AINSI QUE LES ACTES INTERVENUS AVANT L'ABSORPTION - EXISTENCE - 2) OBLIGATION POUR L'APCR DE METTRE EN MESURE LA SOCIÉTÉ ABSORBÉE ET LA SOCIÉTÉ ABSORBANTE DE PRÉSENTER RESPECTIVEMENT DES OBSERVATIONS SUR LA NOTIFICATION DES GRIEFS INTERVENUE AVANT L'ABSORPTION ET SUR LE RAPPORT DÉFINITIF COMMUNIQUÉ POSTÉRIEUREMENT À CETTE DERNIÈRE - EXISTENCE.

01-04-03-07-03 Procédure disciplinaire diligentée par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) à l'encontre d'une société à laquelle s'est substituée, en cours de procédure, une autre société, par l'effet d'un traité de fusion-absorption.... ,,1) L'ACPR, tirant les conséquences de la disparition de la société absorbée, est tenue d'adresser à la société absorbante l'intégralité du dossier disciplinaire ainsi que les actes de procédure intervenus avant la date à laquelle le traité de fusion-absorption est devenu définitif.... ,,2) L'ACPR est également tenue de mettre en mesure la société absorbée et la société absorbante de présenter respectivement des observations sur la notification de griefs intervenue antérieurement à la fusion absorption et sur le rapport définitif communiqué postérieurement à cette dernière.

CAPITAUX - MONNAIE - BANQUES - PROCÉDURE DISCIPLINAIRE DILIGENTÉE PAR L'ACPR À L'ENCONTRE D'UNE SOCIÉTÉ À LAQUELLE S'EST SUBSTITUÉE - EN COURS DE PROCÉDURE - UNE AUTRE SOCIÉTÉ - PAR L'EFFET D'UN TRAITÉ DE FUSION-ABSORPTION - 1) OBLIGATION POUR L'ACPR DE COMMUNIQUER À L'ABSORBANTE L'ENTIER DOSSIER DE LA PROCÉDURE DISCIPLINAIRE AINSI QUE LES ACTES INTERVENUS AVANT L'ABSORPTION - EXISTENCE - 2) OBLIGATION POUR L'APCR DE METTRE EN MESURE LA SOCIÉTÉ ABSORBÉE ET LA SOCIÉTÉ ABSORBANTE DE PRÉSENTER RESPECTIVEMENT DES OBSERVATIONS SUR LA NOTIFICATION DES GRIEFS INTERVENUE AVANT L'ABSORPTION ET SUR LE RAPPORT DÉFINITIF COMMUNIQUÉ POSTÉRIEUREMENT À CETTE DERNIÈRE - EXISTENCE.

13-027 Procédure disciplinaire diligentée par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) à l'encontre d'une société à laquelle s'est substituée, en cours de procédure, une autre société, par l'effet d'un traité de fusion-absorption.... ,,1) L'ACPR, tirant les conséquences de la disparition de la société absorbée, est tenue d'adresser à la société absorbante l'intégralité du dossier disciplinaire ainsi que les actes de procédure intervenus avant la date à laquelle le traité de fusion-absorption est devenu définitif.... ,,2) L'ACPR est également tenue de mettre en mesure la société absorbée et la société absorbante de présenter respectivement des observations sur la notification de griefs intervenue antérieurement à la fusion absorption et sur le rapport définitif communiqué postérieurement à cette dernière.

RÉPRESSION - DOMAINE DE LA RÉPRESSION ADMINISTRATIVE RÉGIME DE LA SANCTION ADMINISTRATIVE - PROCÉDURE DISCIPLINAIRE DILIGENTÉE PAR L'ACPR À L'ENCONTRE D'UNE SOCIÉTÉ À LAQUELLE S'EST SUBSTITUÉE - EN COURS DE PROCÉDURE - UNE AUTRE SOCIÉTÉ - PAR L'EFFET D'UN TRAITÉ DE FUSION-ABSORPTION - 1) OBLIGATION POUR L'ACPR DE COMMUNIQUER À L'ABSORBANTE L'ENTIER DOSSIER DE LA PROCÉDURE DISCIPLINAIRE AINSI QUE LES ACTES INTERVENUS AVANT L'ABSORPTION - EXISTENCE - 2) OBLIGATION POUR L'APCR DE METTRE EN MESURE LA SOCIÉTÉ ABSORBÉE ET LA SOCIÉTÉ ABSORBANTE DE PRÉSENTER RESPECTIVEMENT DES OBSERVATIONS SUR LA NOTIFICATION DES GRIEFS INTERVENUE AVANT L'ABSORPTION ET SUR LE RAPPORT DÉFINITIF COMMUNIQUÉ POSTÉRIEUREMENT À CETTE DERNIÈRE - EXISTENCE.

59-02-02 Procédure disciplinaire diligentée par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) à l'encontre d'une société à laquelle s'est substituée, en cours de procédure, une autre société, par l'effet d'un traité de fusion-absorption.... ,,1) L'ACPR, tirant les conséquences de la disparition de la société absorbée, est tenue d'adresser à la société absorbante l'intégralité du dossier disciplinaire ainsi que les actes de procédure intervenus avant la date à laquelle le traité de fusion-absorption est devenu définitif.... ,,2) L'ACPR est également tenue de mettre en mesure la société absorbée et la société absorbante de présenter respectivement des observations sur la notification de griefs intervenue antérieurement à la fusion absorption et sur le rapport définitif communiqué postérieurement à cette dernière.


Publications
Proposition de citation : CE, 25 oct. 2017, n° 399491
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Simon Chassard
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP SPINOSI, SUREAU ; SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:399491.20171025
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