La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/10/2017 | FRANCE | N°395076

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 20 octobre 2017, 395076


Vu la procédure suivante :

M. Y...et autres ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 7 mai 2012 par lequel le maire de Marseille a délivré un permis de construire aux sociétés " Chanot Hôtel " et " Congrès Hôtel " en vue de la construction d'un complexe hôtelier sur un terrain situé 2-20, boulevard Rabatau.

Par un jugement n°1204515 du 27 décembre 2013, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.

Par un arrêt n°14MA01265 du 1er octobre 2015, la cour administrative d'appel de Marseill

e a, sur appel de M. Y...et autres, réformé ce jugement dans la mesure où il a admis...

Vu la procédure suivante :

M. Y...et autres ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 7 mai 2012 par lequel le maire de Marseille a délivré un permis de construire aux sociétés " Chanot Hôtel " et " Congrès Hôtel " en vue de la construction d'un complexe hôtelier sur un terrain situé 2-20, boulevard Rabatau.

Par un jugement n°1204515 du 27 décembre 2013, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.

Par un arrêt n°14MA01265 du 1er octobre 2015, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de M. Y...et autres, réformé ce jugement dans la mesure où il a admis la recevabilité des conclusions présentées par les syndicats de copropriété " Cabinet Lieutaud " et " Lamy " et rejeté les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 mai 2012 en tant qu'il autorise une partie du stationnement des véhicules en dehors du terrain d'assiette du projet.

Par un pourvoi et un mémoire complémentaire, enregistrés les 7 décembre 2015 et 8 mars 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Marseille demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la requête d'appel de M. Y...et autres ;

3°) de mettre à la charge de M. Y...et autres la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 ;

- le décret n°67-223 du 17 mars 1967 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Isabelle Lemesle, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, Robillot, avocat de la commune de Marseille et à la SCP Hémery, Thomas-Raquin, avocat de M. et Mme D...et JoséphineY..., de Mme AK...Z..., de M. et Mme J...et Anne-Marie Guigo, de M. et Mme C...AI..., de Mme AM...N..., de Mme AS...N..., de Mme AL...N..., de M. et Mme V...AR..., de M. et Mme G...W..., de M. AC...U..., de M. et Mme O...F..., de M. L...AA..., de Mme AP...M..., de M. et Mme AQ...I..., de M. AF...AH..., de M. T...AN..., de M. B...AT..., de Mme AB...AJ..., de Mme AS...AE..., de M. AD...AO..., de M. S...Q..., de M. H...A..., de Mme AG...E..., de M. K...X..., du cabinet Lieutaud , du cabinet Lamy Nexity et de Mme R...P...;

Vu les deux notes en délibéré, enregistrées le 28 septembre 2017, présentées pour la commune de Marseille ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le maire de la commune de Marseille, par un arrêté du 7 mai 2012, a délivré un permis de construire à la société " Chanot Hôtel " et à la société " Congrès Hôtel ", pour la construction, sur un terrain dont elle est propriétaire, d'un ensemble hôtelier d'une surface hors oeuvre nette de 11 713 m2 sur une emprise de 3 736 m2 située dans un lotissement composé d'un lot unique rassemblant les parcelles cadastrées 843 D 14p et 843 D 32p ayant fait l'objet d'une décision de non opposition en date du 5 mars 2012. Par un jugement du 27 décembre 2013, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. Y...et autres tendant à l'annulation de ce permis de construire. Par un arrêt du 1er octobre 2015, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé l'arrêté du 7 mai 2012 du maire de Marseille, en tant qu'il a autorisé une partie du stationnement des véhicules en dehors du terrain d'assiette du projet, et réformé le jugement du tribunal administratif dans cette mesure et en ce qu'il a admis la recevabilité des conclusions présentées par les sociétés " Cabinet Lieutaud " et " Lamy " dirigées contre ce permis de construire. La commune de Marseille se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il a partiellement annulé l'arrêté du 7 mai 2012. Par des conclusions incidentes, les sociétés " Cabinet Lieutaud " et " Cabinet Lamy " en demandent également l'annulation en tant qu'il a réformé le jugement du 27 décembre 2013 dans la mesure où il avait admis la recevabilité de leurs conclusions.

Sur les conclusions incidentes :

2. Les mandataires mentionnés à l'article R. 431-2 du code de justice administrative ont qualité, devant les tribunaux administratifs, pour représenter les parties et signer en leur nom les requêtes et les mémoires sans avoir à justifier du mandat par lequel ils ont été saisis par leur client.

3. La présentation d'une action par un de ces mandataires ne dispense pas le tribunal administratif de s'assurer, le cas échéant, lorsque la partie en cause est une personne morale, que le représentant de cette personne morale justifie de sa qualité pour engager cette action. Une telle vérification n'est toutefois pas normalement nécessaire lorsque la personne morale requérante est dotée, par des dispositions législatives ou réglementaires, de représentants légaux ayant de plein droit qualité pour agir en justice en son nom.

4. Il résulte des dispositions de l'article L. 223-18 du code de commerce applicables aux sociétés à responsabilité limitée, en vertu desquelles dans les rapports avec les tiers, le gérant est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société, sous réserve des pouvoirs que la loi attribue expressément aux associés, d'une part, et des dispositions de l'article L. 227-6 du même code, applicables aux sociétés par actions simplifiées, en vertu desquelles la société est représentée à l'égard des tiers par un président désigné dans les conditions prévues par les statuts qui est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans la limite de l'objet social, d'autre part, que ces personnes ont de plein droit qualité pour agir en justice au nom de leur société.

5. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la demande collective dont était saisi le tribunal administratif de Marseille, notamment par les syndics de deux copropriétés, les cabinets Lieutaud et Lamy, respectivement constitués sous la forme d'une société à responsabilité limitée et d'une société par actions simplifiée, était signée par l'avocat mandaté notamment par les représentants légaux de ces deux sociétés. Il s'ensuit que la cour administrative d'appel de Marseille a entaché son arrêt d'erreur de droit en jugeant, sans procéder à aucune mesure d'instruction sur ce point, que, faute de précision sur la qualité pour agir des personnes physiques ayant engagé les cabinets Lieutaud et Lamy, les premiers juges avaient, à tort, admis la recevabilité des conclusions présentées devant lui par ces deux syndics et réformé, dans cette mesure, le jugement du tribunal administratif de Marseille du 27 décembre 2013.

6. Il résulte de ce qui précède que l'article 2 de l'arrêt attaqué doit être annulé dans la mesure mentionnée au point précédent.

Sur le pourvoi de la commune de Marseille :

En ce qui concerne les moyens tirés de l'erreur de droit et de la dénaturation des pièces du dossier quant à la recevabilité des conclusions présentées devant les juges du fond par le syndicat de copropriété " Citya Paradis " :

7. En vertu de l'article 18 de la loi n°65-557 du 19 juillet 1965, le syndic est chargé de représenter le syndicat dans tous les actes civils et en justice. Aux termes de l'article 55 du décret n°67-223 du 17 mars 1967 : " Le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat sans y avoir été autorisé par une décision de l'assemblée générale. / Une telle autorisation n'est pas nécessaire pour les actions en recouvrement de créance, la mise en oeuvre des voies d'exécution forcée à l'exception de la saisie en vue de la vente d'un lot, les mesures conservatoires et les demandes qui relèvent des pouvoirs de juge des référés, ainsi que pour défendre aux actions intentées contre le syndicat. / Dans tous les cas, le syndic rend compte à la prochaine assemblée générale des actions introduites ". Il résulte de ces dispositions que, dans les cas où une autorisation est requise, le syndic, agissant au nom de la copropriété, est tenu de disposer, sous peine d'irrecevabilité de sa demande, d'une autorisation formelle de l'assemblée générale des copropriétaires pour agir en justice en son nom, habilitation qui doit préciser l'objet et la finalité du contentieux engagé. Le pouvoir ainsi donné au syndic est compris dans les limites qui ont, le cas échéant, été fixées par la décision de l'assemblée générale.

8. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société " Citya Paradis " a produit le procès-verbal d'une délibération de l'assemblée générale annuelle de la copropriété du 19, boulevard Rabatau, en date du 30 janvier 2012, dont la 20e résolution donne autorisation au syndic pour engager une procédure à l'encontre de la délibération du conseil municipal de Marseille n°11-22364 DADU-DEVD du 12 décembre 2011 relative à " l'incorporation dans le domaine privé communal de deux tènements constituant une emprise adjacente au parc Chanot ", ainsi qu'à l'encontre de toutes les mesures susceptibles d'en découler, notamment les permis de construire qui pourraient être délivrés sur le terrain objet de la délibération, en vue d'obtenir leur annulation. Cette délibération habilitait ainsi la société " Citya Paradis ", en sa qualité de syndic de la copropriété du 19, boulevard Rabatau, à engager une action en justice, au nom de cette dernière, contre le permis de construire attaqué délivré pour un projet ayant pour emprise les terrains désaffectés du parc Chanot. Il s'ensuit que c'est sans erreur de droit, ni dénaturation des pièces du dossier que la cour administrative d'appel a jugé que la société " Citya Paradis " avait qualité tant pour agir devant le tribunal administratif que pour relever appel du jugement attaqué.

En ce qui concerne le moyen d'erreur de droit dans l'application de l'article UC 12 du plan d'occupation des sols de la commune de Marseille :

9. Aux termes de l'article L. 442-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2005-1527 du 8 décembre 2005 : " Constitue un lotissement l'opération d'aménagement qui a pour objet ou qui, sur une période de moins de dix ans, a eu pour effet la division, qu'elle soit en propriété ou en jouissance, qu'elle résulte de mutations à titre gratuit ou onéreux, de partage ou de locations, d'une ou de plusieurs propriétés foncières en vue de l'implantation de bâtiments ". Aux termes de l'article R. 123-10-1 du même code, dans sa version issue du décret n°2007-18 du 5 janvier 2007 : " Dans le cas d'un lotissement ou dans celui de la construction, sur un même terrain, de plusieurs bâtiments dont le terrain d'assiette doit faire l'objet d'une division en propriété ou en jouissance, les règles édictées par le plan local d'urbanisme sont appréciées au regard de l'ensemble du projet, sauf si le règlement de ce plan s'y oppose ".

10. Ces dispositions ont été modifiées respectivement par l'ordonnance n°2011-1916 du 22 décembre 2011 et par le décret n°2012-274 du 28 février 2012. Depuis lors, l'article L. 442-1 du code de l'urbanisme définit le lotissement comme " la division en propriété ou en jouissance d'une unité foncière ou de plusieurs unités foncières contiguës ayant pour objet de créer un ou plusieurs lots destinés à être bâtis ". L'article R. 123-10-1 du même code, désormais repris à l'article R. 151-21, dispose que : " Dans le cas d'un lotissement ou dans celui de la construction, sur une unité foncière ou sur plusieurs unités foncières contiguës, de plusieurs bâtiments dont le terrain d'assiette doit faire l'objet d'une division en propriété ou en jouissance, l'ensemble du projet est apprécié au regard de la totalité des règles édictées par le plan local d'urbanisme, sauf si le règlement de ce plan s'y oppose ".

11. L'article UC 12 du plan d'occupation des sols de la commune de Marseille, tel que révisé par la délibération du 22 décembre 2000, détermine le nombre de places de stationnement à réaliser selon la nature des constructions projetées. Il prévoit que " le stationnement de véhicules correspondant aux fonctions des constructions est assuré hors des voies publiques ". Le point 2.1. précise que pour les constructions à vocation d'activités hôtelières ou de bureau, une place de stationnement doit être réalisée par tranche entamée de 40 m2 de surface hors oeuvre nette (SHON). Le point 3 dispose que pour toute "opération d'ensemble" ces dispositions s'appliquent au terrain d'assiette de l'ensemble de l'opération. Le point 4 prévoit qu'en cas d'impossibilité technique dûment justifiée d'aménager sur le terrain de l'opération projetée le nombre d'emplacements nécessaires au stationnement, le constructeur peut être autorisé à reporter dans un rayon de 300 mètres autour de l'opération les emplacements qui lui manquent (4.1), si non à obtenir une location de longue durée cautionnée dans un parc de stationnement ouvert au public, existant ou en cours de réalisation proche de l'opération (4.2) ou si ces deux solutions sont impossibles, à verser la participation prévue à l'article L. 421-3 du code de l'urbanisme.

12. La commune de Marseille soutient que la cour administrative d'appel a méconnu le champ d'application de la loi dans le temps en se fondant, pour juger que les dispositions de l'article UC 12 du plan d'occupation de sols ont été méconnues, sur celles des articles L. 442-1 et R. 123-10-1 du code de l'urbanisme dans leur version citée au point 9.

13. Il résulte de l'article 10 du décret du 28 février 2012 que les nouvelles dispositions de l'article L. 442-1 et R. 123-10-1 du code de l'urbanisme citées au point 10 s'appliquent aux déclarations préalables et aux demandes de permis de construire déposées à compter du 1er mars 2012. Or il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la déclaration préalable de lotissement ayant donné lieu à la décision de non opposition du 5 mars 2012 a été déposée le 27 janvier 2012. Il s'ensuit que la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit en se fondant sur ces dispositions dans une version qui n'était pas applicable au litige.

14. Toutefois, dès lors que cette décision de non-opposition procède, au sens des dispositions de l'article L. 442-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable au litige, à la création d'un lotissement, composé d'un lot unique, rassemblant deux parcelles, propriété de la commune, cadastrées 843 D 14p et 32p, constituant le terrain d'assiette du projet immobilier dont le permis de construire est contesté, la cour a pu juger, sans commettre d'erreur de droit, que, pour l'application des dispositions de l'article R. 123-10-1, dans sa version applicable au litige, et de celles du point 3 de l'article UC 12 du plan d'occupation des sols, l'ensemble du projet au regard duquel le respect des règles du plan local d'urbanisme, notamment en matière de création de places de stationnement, doit être apprécié n'est constitué que de ces deux parcelles et non d'un ensemble plus vaste. Dans ces conditions, l'erreur commise par la cour, relevée au point 13, est restée sans incidence sur le bien-fondé de sa solution.

15. Il résulte de ce qui précède que la commune de Marseille n'est pas fondée à demander l'annulation partielle de l'arrêt qu'elle attaque.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Marseille la somme globale de 1 500 euros à verser à M. Y...et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. Y...et autres qui ne sont pas la partie perdante dans la présente affaire.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 2 de l'arrêt du 1er octobre 2015 de la commune de Marseille est annulé en tant qu'il réforme le jugement du tribunal administratif de Marseille du 27 décembre 2013 en ce qu'il avait admis la recevabilité des conclusions présentées par les sociétés " Cabinet Lieutaud " et " Lamy ".

Article 2 : Le pourvoi de la commune de Marseille est rejeté.

Article 3 : La commune de Marseille versera à M. Y...et autres la somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune de Marseille et à M. D...Y..., premier dénommé.

Copie en sera adressée pour information au ministre de la cohésion des territoires, à la société " Chanot Hôtel " et à la société " Congrès Hôtel ".


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 395076
Date de la décision : 20/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 20 oct. 2017, n° 395076
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Isabelle Lemesle
Rapporteur public ?: Mme Aurélie Bretonneau
Avocat(s) : SCP HEMERY, THOMAS-RAQUIN ; SCP POTIER DE LA VARDE, BUK LAMENT, ROBILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:395076.20171020
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award