Vu la procédure suivante :
La Société routière du Midi (SRM) a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2012 par lequel le maire de Châteauroux-les-Alpes a interdit la circulation des véhicules dont le poids total roulant autorisé est supérieur à 19 tonnes sur la voie communale située 30 mètres après le passage à niveau et menant jusqu'au site de la Vague du Rabioux, ensemble le rejet implicite de son recours gracieux. Par un jugement n° 1203667 du 19 février 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 15MA01837 du 8 février 2016, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de la Société routière du Midi, annulé ce jugement pour irrégularité puis évoqué et rejeté la demande de première instance.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 8 avril et le 8 juillet 2016, la Société routière du Midi demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler les articles 2 et 3 de cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande de première instance ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Châteauroux-les-Alpes une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la voirie routière ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Florian Roussel, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Laurence Marion, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de la Société routière du Midi et à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de la commune de Châteauroux-les-Alpes.
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 30 avril 2012 modifié par un arrêté du 9 juillet 2012, le maire de la commune de Châteauroux-les-Alpes a interdit la circulation des poids lourds de plus de 19 tonnes sur une partie de la voie communale dénommée " chemin du camping " ; que la Société routière du Midi, qui entendait exploiter, sur le territoire de la commune voisine de Saint-André-d'Embrun, une carrière de sables et graviers dont les matériaux seraient évacués en empruntant ce chemin, a présenté devant le tribunal administratif de Marseille un recours pour excès de pouvoir contre cet arrêté, qui a été rejeté par un jugement du 19 février 2015 ; que, sur appel de la société, la cour administrative de Marseille, par un arrêt du 8 février 2016, a annulé le jugement pour insuffisance de motivation puis évoqué et rejeté la demande de première instance ; que la cour a notamment estimé que la résistance structurelle du chemin ne lui permettait pas de supporter le passage de poids lourds, quelles que soient les mesures compensatoires proposées par la société requérante, et que celle-ci ne pouvait pas utilement avancer que les itinéraires de substitution proposés à titre amiable par la commune de Châteauroux-les-Alpes ne seraient pas raisonnables ; que la société se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant que, par les articles 2 et 3 de son dispositif, il rejette sa demande de première instance et met une somme à sa charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2. Considérant que, devant les juridictions administratives et dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci ; qu'il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser ; que, s'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser ; que, dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un jugement du 19 novembre 2015, le tribunal administratif de Marseille, faisant droit à une demande de la Société routière du Midi, a annulé un arrêté du 29 mai 2013 du préfet des Hautes-Alpes portant refus d'exploitation d'une carrière en terrasses alluvionnaires sur la commune de Saint-André-d'Embrun et délivré à la société requérante l'autorisation d'exploiter cette carrière, en jugeant notamment que le chemin litigieux était apte à supporter la circulation des poids lourds compte tenu des mesures compensatoires proposées ; que ce jugement a été notifié à la Société routière du Midi le 15 décembre 2015, postérieurement à la clôture de l'instruction devant la cour administrative d'appel, qui avait examiné l'affaire lors de son audience du 30 novembre 2015 ; que la société requérante a déposé les 16 et 17 décembre 2015 deux notes en délibéré informant la cour de l'intervention du jugement du tribunal administratif, qu'elle a joint à la seconde note ; que ce jugement constituait une circonstance nouvelle dont la société requérante n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui était susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire ; que, par suite, en statuant sur le litige sans avoir rouvert l'instruction pour permettre un débat contradictoire sur cet élément, la cour a entaché son arrêt d'irrégularité ;
4. Considérant, au surplus, qu'en refusant par principe de s'interroger sur l'existence et le caractère praticable d'itinéraires de substitution permettant l'accès des camions à la carrière, alors qu'il lui appartenait de tenir compte de cet élément dans l'appréciation du caractère nécessaire et proportionné de la mesure d'interdiction litigieuse, la cour a commis une erreur de droit ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que les articles 2 et 3 de l'arrêt doivent être annulés ;
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Châteauroux-les-Alpes une somme de 3 000 euros à verser à la Société routière du Midi au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de la Société routière du Midi qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 2 et 3 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 8 février 2016 sont annulés.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Marseille dans la mesure de la cassation prononcée.
Article 3 : La commune de Châteauroux-les-Alpes versera à la Société routière du Midi une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la commune de Châteauroux-les-Alpes au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la Société Routière du Midi et à la commune de Châteauroux-les-Alpes.