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11/10/2017 | FRANCE | N°398725

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 11 octobre 2017, 398725


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 avril 2016 et 2 août 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes (SEITA) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 3 mars 2016 modifiant l'arrêté du 4 février 2015 portant homologation des prix de vente au détail des tabacs manufacturés en France à l'exclusion des départements d'outre-mer en tant que, par cet arrêté, le ministre chargé du budget a refus

d'homologuer les prix des produits Gauloises blondes bleu en 25, Gauloises blonde...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 avril 2016 et 2 août 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes (SEITA) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 3 mars 2016 modifiant l'arrêté du 4 février 2015 portant homologation des prix de vente au détail des tabacs manufacturés en France à l'exclusion des départements d'outre-mer en tant que, par cet arrêté, le ministre chargé du budget a refusé d'homologuer les prix des produits Gauloises blondes bleu en 25, Gauloises blondes rouge en 25, News bleu en 25 et News rouge en 25, ainsi que la décision implicite de refus d'homologation de ces prix, née du silence gardée pendant plus de deux mois sur la demande formulée le 18 décembre 2015 ;

2°) d'enjoindre aux ministres en charge de la santé et du budget, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de sept jours à compter de la notification de la décision du Conseil d'Etat, de prendre un arrêté portant homologation des prix déposés le 18 décembre 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts ;

- la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Simon Chassard, auditeur,

- les conclusions de M. Yohann Bénard, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat du ministre de l'action et des comptes publics ;

Considérant ce qui suit :

Sur les conclusions à fin d'annulation :

1. La société requérante a, sur l'invitation de la direction générale des douanes et des droits indirects formulée par une lettre circulaire en date du 3 décembre 2015, déposé, le 18 décembre 2015, la liste des prix des produits du tabac qu'elle souhaitait voir homologués, par application des dispositions de l'article 572 du code général des impôts, par un arrêté ministériel à intervenir. Par sa requête, elle demande l'annulation pour excès de pouvoir, d'une part, de l'arrêté du 3 mars 2016 en tant qu'il n'a pas homologué les prix des références Gauloises blondes bleu en 25, Gauloises blondes rouge en 25, News bleu en 25 et News rouge en 25 qui figuraient dans la liste déposée le 18 décembre 2015, d'autre part, de la décision implicite de refus d'homologuer les prix de ces produits qui est née du silence gardé par le ministre chargé du budget sur sa demande d'homologation en tant qu'elle comportait les prix des références des mêmes produits.

2. Les conclusions de la requête dirigées contre la décision implicite de refus d'homologuer les prix des produits de la société requérante, née du silence gardé par le ministre chargé du budget sur la demande déposée en ce sens le 18 décembre 2015, doivent être regardées comme dirigées contre l'arrêté du 3 mars 2016, qui, en tant qu'il n'a pas homologué les prix des quatre références de produits citées au point 1, s'y est substitué.

3. Aux termes de l'article 572 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé : " Le prix de détail de chaque produit exprimé aux 1 000 unités ou aux 1 000 grammes, est unique pour l'ensemble du territoire et librement déterminé par les fabricants et les fournisseurs agréés. Il est applicable après avoir été homologué par arrêté conjoint des ministres chargés de la santé et du budget, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Il ne peut toutefois être homologué s'il est inférieur à la somme du prix de revient et de l'ensemble des taxes. / (...) ". Aux termes de l'article 284 de l'annexe II à ce code dans sa version applicable à la date de l'arrêté attaqué : " Les fabricants et les fournisseurs agréés communiquent leur prix de vente au détail des tabacs manufacturés, pour chacun de leurs produits, à la direction générale des douanes et droits indirects. / Les prix sont homologués par arrêté du ministre chargé du budget et publiés au Journal officiel de la République française. ". Ce dernier article a été modifié par le décret du 7 juin 2016 relatif à la procédure d'homologation du prix de vente au détail des tabacs manufacturés qui a prévu, par application des dispositions de l'article 572 du code général des impôts dans leur version issue de la loi du 26 janvier 2016, que les prix seraient désormais " homologués par arrêté conjoint du ministre chargé du budget et du ministre chargé de la santé et publiés au Journal officiel de la République française ".

4. La société requérante soutient que l'arrêté qu'elle attaque est entaché d'incompétence dès lors qu'il n'a été signé que par le ministre chargé du budget, malgré la modification introduite sur ce point à l'article 572 du code général des impôts par la loi du

26 janvier 2016, qui a prévu une compétence conjointe des ministres chargés du budget et de la santé pour homologuer les prix des produits du tabac. Le ministre de l'action et des comptes publics soutient néanmoins que l'arrêté du 3 mars 2016 est conforme aux prescriptions de l'article 284 de l'annexe II au code général des impôts dans sa version antérieure au décret du 7 juin 2016 et n'est, par conséquent, pas entaché d'incompétence.

5. Si les dispositions de l'article 572 du code général des impôts, dans leur rédaction issue de la loi du 26 janvier 2016, renvoient à un décret le soin de définir les modalités de leur mise en oeuvre, l'application de la règle selon laquelle les arrêtés d'homologation des prix des produits du tabac sont conjointement adoptés par les ministres chargés du budget et de la santé n'était pas manifestement impossible en l'absence de mesures réglementaires d'application, lesquelles ne sont intervenues, ainsi qu'il a été ci-dessus, qu'avec le décret du 7 juin 2016 modifiant l'article 284 de l'annexe II au code général des impôts. Ainsi, les ministres, auxquels il appartenait de tirer toutes les conséquences de ces dispositions législatives, étaient conjointement compétents, à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 26 janvier 2016, pour adopter les arrêtés d'homologation des prix des produits du tabac. II suit de là que l'arrêté attaqué du 3 mars 2016, adopté postérieurement à cette entrée en vigueur par le seul ministre chargé du budget, est entaché d'incompétence et que la Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et des allumettes est fondée à en demander l'annulation en tant qu'il n'a pas homologué les prix qu'elle proposait pour les références Gauloises blondes bleu en 25, Gauloises blondes rouge en 25, News bleu en 25 et News rouge en 25.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Le désistement des conclusions à fin d'injonction présentées par la Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et des allumettes est pur et simple et rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros à la Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêté du 3 mars 2016 modifiant l'arrêté du 4 février 2015 portant homologation des prix de vente au détail des tabacs manufacturés en France à l'exclusion des départements d'outre-mer est annulé en tant qu'il n'a pas homologué les prix proposés par la Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et des allumettes pour les références Gauloises blondes bleu en 25, Gauloises blondes rouge en 25, News bleu en 25 et News rouge en 25.

Article 2 : Il est donné acte du désistement des conclusions à fin d'injonction de la Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et des allumettes.

Article 3 : L'Etat versera à la Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes, au Premier ministre, à la ministre des solidarités et de la santé et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 398725
Date de la décision : 11/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 11 oct. 2017, n° 398725
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Simon Chassard
Rapporteur public ?: M. Yohann Bénard
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 17/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:398725.20171011
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