La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/10/2017 | FRANCE | N°388652

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 02 octobre 2017, 388652


Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler l'arrêté du ministre de l'économie et des finances du 24 août 1992 portant liquidation de sa pension de retraite en tant qu'il ne prend pas en compte la bonification pour enfants prévue par les dispositions du b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite et, d'autre part, d'enjoindre au ministre de procéder à une nouvelle liquidation de sa pension prenant en compte cette bonification.

Par une ordonnance n° 1406118 du 18 novembre 2014

, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Lille ...

Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler l'arrêté du ministre de l'économie et des finances du 24 août 1992 portant liquidation de sa pension de retraite en tant qu'il ne prend pas en compte la bonification pour enfants prévue par les dispositions du b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite et, d'autre part, d'enjoindre au ministre de procéder à une nouvelle liquidation de sa pension prenant en compte cette bonification.

Par une ordonnance n° 1406118 du 18 novembre 2014, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Par une ordonnance n° 387222 du 10 février 2015, le président de la 7ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat n'a pas admis le pourvoi formé par M. B... contre cette ordonnance.

Par une décision n° 388652 du 19 octobre 2015, le Conseil d'Etat a, sur recours en rectification d'erreur matérielle de M.B..., déclaré nulle et non avenue l'ordonnance du président de la 7ème sous-section et soumis à nouveau le pourvoi à la procédure d'admission des pourvois en cassation.

Par un pourvoi, enregistré le 19 janvier 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Lille du 18 novembre 2014 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande et d'enjoindre au ministre de revaloriser, dans le délai de deux mois, sa pension, à compter du 1er janvier 2010 et de lui accorder les intérêts et la capitalisation des intérêts sur les sommes auxquelles il a droit ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bruno Bachini, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, avocat de M. B...;

1. Considérant qu'aux termes de l'article R. 104 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, en vigueur à la date de la décision contestée devant le juge du fond et dont les dispositions sont désormais reprises à l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision " ; qu'il résulte de ces dispositions que cette notification doit, s'agissant des voies de recours, mentionner, le cas échéant, l'existence d'un recours administratif préalable obligatoire ainsi que l'autorité devant laquelle il doit être porté ou, dans l'hypothèse d'un recours contentieux direct, indiquer si celui-ci doit être formé auprès de la juridiction administrative de droit commun ou devant une juridiction spécialisée et, dans ce dernier cas, préciser laquelle ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que le certificat d'inscription au grand livre de la dette publique par lequel l'arrêté du 24 août 1992 concédant à M. B...une pension de retraite lui a été notifié mentionnait le délai de recours contentieux dont l'intéressé disposait contre cet arrêté mais ne contenait aucune indication sur les voies de recours ; qu'ainsi, en jugeant que cette notification comportait l'indication des voies et délais de recours conformément aux dispositions de l'article R. 421-5 citées ci-dessus, le tribunal administratif de Lille a dénaturé les pièces du dossier ; que M. B...est, par suite, fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;

3. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 102 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors en vigueur, repris au premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " (...) la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée " ; qu'il résulte des dispositions citées au point 1 que lorsque la notification ne comporte pas les mentions requises, ce délai n'est pas opposable ;

5. Considérant, toutefois, que le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire ou dont il est établi que celui-ci a eu connaissance ; qu'en une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et délais de recours ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable ; qu'en règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance ;

6. Considérant que la règle énoncée ci-dessus, qui a pour seul objet de borner dans le temps les conséquences de la sanction attachée au défaut de mention des voies et délais de recours, ne porte pas atteinte à la substance du droit au recours mais tend seulement à éviter que son exercice, au-delà d'un délai raisonnable, ne mette en péril la stabilité des situations juridiques et la bonne administration de la justice ; qu'il appartient, dès lors, au juge administratif d'en faire application au litige dont il est saisi, quelle que soit la date des faits qui lui ont donné naissance ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. B...a reçu notification le 12 octobre 1992 de l'arrêté portant concession de sa pension de retraite du 24 août 1992 et que cette notification portait mention du délai de recours de deux mois ainsi que l'indication que l'intéressé pouvait former un recours contentieux dans ce délai ; que si une telle notification était incomplète au regard des prescriptions de l'article R. 421-5 du code de justice administrative, faute de préciser si le recours pouvait être porté devant la juridiction administrative ou une juridiction spécialisée et si le délai de deux mois fixé par l'article R. 421-1 du même code n'était, par suite, pas opposable à M.B..., il résulte de ce qui a été dit plus haut que le recours dont ce dernier a saisi le tribunal administratif de Lille, près de vingt-deux ans après la notification de l'arrêté contesté, excédait le délai raisonnable au cours duquel il pouvait être exercé ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande de M. B...doit être rejetée comme tardive ; que ses conclusions présentées aux fins d'injonction doivent, par voie de conséquence, être également rejetées ; qu'il en va de même de ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Lille du 18 novembre 2014 est annulée.

Article 2 : La demande de M. B...et le surplus des conclusions de son pourvoi sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 388652
Date de la décision : 02/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Rectif. d'erreur matérielle

Publications
Proposition de citation : CE, 02 oct. 2017, n° 388652
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bruno Bachini
Rapporteur public ?: Mme Sophie-Justine Lieber
Avocat(s) : SCP POTIER DE LA VARDE, BUK LAMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 10/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:388652.20171002
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award