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20/09/2017 | FRANCE | N°401294

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 20 septembre 2017, 401294


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 8 juillet 2016 et 3 avril 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association ENERPLAN-Syndicat des professionnels de l'énergie solaire demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le paragraphe 86 et l'annexe 6 de la circulaire du ministre des finances et des comptes publics du 11 mai 2016 relative à la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'arti

cle L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 8 juillet 2016 et 3 avril 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association ENERPLAN-Syndicat des professionnels de l'énergie solaire demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le paragraphe 86 et l'annexe 6 de la circulaire du ministre des finances et des comptes publics du 11 mai 2016 relative à la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des douanes ;

- la loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 ;

- la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bastien Lignereux, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que la loi du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l'électricité a créé un article 266 quinquies C au code des douanes instituant une taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité. Ces dispositions, dans leur rédaction alors en vigueur, ont notamment prévu que soit exonérée de cette taxe l'électricité produite par de petits producteurs d'électricité qui la consomment pour les besoins de leur activité, en définissant les petits producteurs comme " les personnes qui exploitent des installations de production d'électricité dont la production annuelle n'excède pas 240 millions de kilowattheures par site de production. ".

2. A la suite de l'adoption de la loi du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015, qui a modifié les règles relatives à cette taxe, qu'elle a renommée " contribution au service public de l'électricité ", le ministre des finances et des comptes publics a commenté les dispositions de l'article 266 quinquies C du code des douanes par une circulaire du 11 mai 2016, dont les paragraphes 86 et 87, ainsi que l'annexe 6, sont consacrés à l'exonération mentionnée au point précédent.

3. L'association ENERPLAN-Syndicat des professionnels de l'énergie solaire demande l'annulation pour excès de pouvoir du paragraphe 86 de cette circulaire ainsi que de son annexe 6. Compte tenu des moyens présentés, elle doit être regardée comme demandant l'annulation des quatre premiers alinéas de ce paragraphe mais pas de son cinquième alinéa, qui dispense, sous certaines conditions, les petits producteurs de déposer une déclaration d'existence et des déclarations d'acquittement de la taxe.

Sur la contestation de la recevabilité de la requête par le ministre de l'économie et des finances :

4. En premier lieu, l'interprétation que, par voie, notamment, de circulaires ou d'instructions, l'autorité administrative donne des lois et règlements qu'elle a pour mission de mettre en oeuvre n'est pas susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir lorsque, étant dénuée de tout caractère impératif, elle ne saurait, quel qu'en soit le bien-fondé, faire grief. En revanche, les dispositions impératives à caractère général d'une circulaire ou d'une instruction doivent être regardées comme faisant grief. Le recours formé à leur encontre doit être accueilli si ces dispositions fixent, dans le silence des textes, une règle nouvelle entachée d'incompétence ou si, alors même qu'elles ont été compétemment prises, il est soutenu à bon droit qu'elles sont illégales pour d'autres motifs. Il en va de même s'il est soutenu à bon droit que l'interprétation qu'elles prescrivent d'adopter, soit méconnaît le sens ou la portée des dispositions législatives ou réglementaires qu'elle entendait expliciter, soit réitère une règle contraire à une norme juridique supérieure.

5. Les quatre premiers alinéas du paragraphe 86 de la circulaire attaquée disposent : " Le 4° du 5 de l'article 266 quinquies C prévoit une exonération de la TICFE au bénéfice des petits producteurs d'électricité qui la consomment pour leurs propres besoins. / Pour bénéficier de l'exonération, la personne produisant l'électricité doit remplir les 2 conditions cumulatives suivantes : / 1- la production annuelle d'électricité ne doit pas dépasser 240 Gwh par an ; / 2- l'intégralité de l'électricité produite doit être consommée par le producteur d'électricité pour ses propres besoins. ".

6. L'annexe 6 à la circulaire expose quant à elle plusieurs cas-types en précisant, dans chaque cas, si l'exonération litigieuse est applicable. Elle indique notamment que, dans le cas (cas n° 5 de l'annexe) où : " Une partie de l'électricité produite est vendue. Une partie est consommée sur site. Le site produit au global 200 GWh. ", l'ensemble de l'électricité produite est taxée, qu'elle soit consommée sur place ou vendue à des tiers.

7. Si le ministre de l'économie et des finances soutient que ces dispositions se borneraient à résumer le dispositif adopté par le législateur et que, par suite, elles ne seraient pas susceptibles d'être déférées au juge de l'excès de pouvoir, sa fin de non-recevoir ne peut qu'être écartée dès lors que les dispositions contestées présentent un caractère général et impératif. Elles sont donc susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.

8. En second lieu, il ressort des statuts du syndicat requérant qu'il a pour objet, notamment, " la défense des droits, ainsi que des intérêts matériels et moraux, de ses membres - professionnels du secteur de l'énergie solaire en France ", dont l'activité est susceptible d'être affectée par les dispositions contestées de la circulaire relative à l'exonération applicable aux auto-consommateurs, dont certains utilisent une installation photovoltaïque pour produire de l'électricité. Il suit de là que, contrairement à ce que soutient le ministre en défense, le requérant présente un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation de ces dispositions.

Sur la légalité des dispositions contestées :

9. Il résulte des dispositions de l'article 266 quinquies C du code des douanes citées au point 1 qu'elles prévoient l'exonération de l'électricité consommée pour les besoins de l'activité de son producteur, à condition que la production annuelle des installations qu'il exploite n'excède pas 240 millions de kilowattheures par site de production. Ces dispositions, qui visent à favoriser l' " autoconsommation " d'électricité, c'est-à-dire le fait pour un producteur de consommer lui-même tout ou partie de l'électricité produite par son installation, n'ont pas subordonné le bénéfice de cette exonération à la condition que le producteur consomme l'intégralité de l'électricité qu'il produit. Dès lors, en prévoyant que celui-ci ne peut pas en bénéficier pour la partie autoconsommée de l'électricité produite si l'autre partie est revendue à des tiers, le ministre des finances et des comptes publics a ajouté à la loi une condition d'éligibilité à l'exonération qu'elle ne prévoit pas. Il suit de là que les dispositions contestées de la circulaire sont entachées d'incompétence. L'association requérante est par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, fondée à en demander l'annulation.

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros à verser à l'association requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'association ENERPLAN-Syndicat des professionnels de l'énergie solaire qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les quatre premiers alinéas du paragraphe 86 et l'annexe 6 de la circulaire du ministre des finances et des comptes publics du 11 mai 2016 sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à l'association ENERPLAN-Syndicat des professionnels de l'énergie solaire une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par le ministre de l'économie et des finances au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'association ENERPLAN-Syndicat des professionnels de l'énergie solaire et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 401294
Date de la décision : 20/09/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 20 sep. 2017, n° 401294
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bastien Lignereux
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP BORE, SALVE DE BRUNETON, MEGRET

Origine de la décision
Date de l'import : 26/09/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:401294.20170920
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