Vu la procédure suivante :
Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner l'Etat à lui verser une somme de 36 560,76 euros au titre du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de la sanction disciplinaire infligée à son mari décédé. Par un jugement n° 1200192 du 24 septembre 2013, le tribunal administratif de Besançon a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 13NC02271 du 16 octobre 2014, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par Mme B...contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 16 décembre 2014 et 13 mars 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de renvoyer l'affaire devant une cour administrative d'appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pierre-François Mourier, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de Mme B...;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le ministre de l'éducation nationale a infligé le 28 janvier 2003 à M.B..., enseignant, la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans ; que cette décision a été annulée en raison du vice de procédure dont elle était entachée par un jugement du tribunal administratif de Besançon du 5 juillet 2005 ; que, M. B...étant alors décédé, son épouse a demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner l'Etat à lui verser une somme de 36 560,76 euros correspondant au préjudice financier qu'elle estimait avoir subi du fait de cette sanction disciplinaire illégale ; que Mme B...se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 16 octobre 2014 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté son appel contre le jugement du 24 septembre 2013 du tribunal administratif de Besançon qui a rejeté sa demande ;
2. Considérant, d'une part, que, lorsqu'une personne sollicite le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité, pour un vice de procédure, de la décision lui infligeant une sanction, il appartient au juge de plein contentieux, saisi de moyens en ce sens, de déterminer, en premier lieu, la nature de cette irrégularité procédurale puis, en second lieu, de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, si, compte tenu de la nature et de la gravité de cette irrégularité procédurale, la même décision aurait pu être légalement prise, s'agissant tant du principe même de la sanction que de son quantum, dans le cadre d'une procédure régulière ;
3. Considérant, d'autre part, que la constatation et la caractérisation des faits reprochés à l'agent relèvent, dès lors qu'elles sont exemptes de dénaturation, du pouvoir souverain des juges du fond ; que le caractère fautif de ces faits est susceptible de faire l'objet d'un contrôle de qualification juridique de la part du juge de cassation ; que l'appréciation du caractère proportionné de la sanction au regard de la gravité des fautes commises relève, pour sa part, de l'appréciation des juges du fond et n'est susceptible d'être remise en cause par le juge de cassation que dans le cas où la solution qu'ils ont retenue quant au choix, par l'administration, de la sanction est hors de proportion avec les fautes commises ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la sanction en cause a été infligée à M. B...au motif qu'il avait, les 12 et 13 septembre 2002, exclu trois élèves de son cours sans respecter la procédure prévue par le règlement intérieur de l'établissement, refusé de les réintégrer, puis refusé d'assurer ses cours tant que ces élèves ne seraient pas sanctionnées ; qu'en jugeant que, malgré le caractère isolé et les bons états de service de M.B..., le ministre avait pu légalement prendre la décision d'exclure l'intéressé pendant une période de deux années, la cour a retenu dans son appréciation du caractère adapté de la sanction une solution hors de proportion avec les fautes commises ; qu'elle n'a pu, par suite, sans erreur de droit, juger que, sous réserve d'une procédure régulière, le ministre aurait légalement pu infliger la même sanction à M. B...;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de son pourvoi, Mme B...est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme B...d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nancy.
Article 3 : L'Etat versera à Mme B...la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme A...B...et au ministre de l'éducation nationale.