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28/07/2017 | FRANCE | N°408631

France | France, Conseil d'État, 5ème - 4ème chambres réunies, 28 juillet 2017, 408631


Vu la procédure suivante :

Par un mémoire, enregistré le 6 juin 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, M. A...demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son pourvoi tendant à l'annulation de l'arrêt n°15NC02305 du 3 novembre 2016 de la cour administrative d'appel de Nancy, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles L. 331-1, L. 331-2 et L. 331-3 du code rural et de la p

êche maritime.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Cons...

Vu la procédure suivante :

Par un mémoire, enregistré le 6 juin 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, M. A...demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son pourvoi tendant à l'annulation de l'arrêt n°15NC02305 du 3 novembre 2016 de la cour administrative d'appel de Nancy, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles L. 331-1, L. 331-2 et L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Bobo, auditeur,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boulloche, avocat de M.A....

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 331-1 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction issue de la loi du 5 janvier 2006 d'orientation agricole : " Le contrôle des structures des exploitations agricoles s'applique à la mise en valeur des terres agricoles ou des ateliers de production hors sol au sein d'une exploitation agricole, quels que soient la forme ou le mode d'organisation juridique de celle-ci, et le titre en vertu duquel la mise en valeur est assurée. / (...) / L'objectif prioritaire du contrôle des structures est de favoriser l'installation d'agriculteurs, y compris ceux engagés dans une démarche d'installation progressive. / En outre, il vise : / - soit à empêcher le démembrement d'exploitations agricoles viables pouvant permettre l'installation d'un ou plusieurs agriculteurs ; / - soit à favoriser l'agrandissement des exploitations agricoles dont les dimensions, les références de production ou les droits à aide sont insuffisants au regard des critères arrêtés dans le schéma directeur départemental des structures ; / - soit à permettre l'installation ou conforter l'exploitation d'agriculteurs pluriactifs partout où l'évolution démographique et les perspectives économiques le justifient " ; que l'article L. 331-2, dans sa rédaction antérieure à l'intervention de la loi du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, définit les cas dans lesquels l'exploitation de terres agricoles est soumise à une autorisation administrative ; qu'aux termes de l'article L. 331-3, dans sa rédaction issue de la loi du 5 janvier 2006: " L'autorité administrative se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande. Elle doit notamment : 1° Observer l'ordre des priorités établi par le schéma départemental entre l'installation des jeunes agriculteurs et l'agrandissement des exploitations agricoles, en tenant compte de l'intérêt économique et social du maintien de l'autonomie de l'exploitation faisant l'objet de la demande ; / 2° S'assurer, en cas d'agrandissement ou de réunion d'exploitations, que toutes les possibilités d'installation sur une exploitation viable ont été considérées ; / 3° Prendre en compte les biens corporels ou incorporels attachés au fonds dont disposent déjà le ou les demandeurs ainsi que ceux attachés aux biens objets de la demande en appréciant les conséquences économiques de la reprise envisagée ; / 4° Prendre en compte la situation personnelle du ou des demandeurs, notamment en ce qui concerne l'âge et la situation familiale ou professionnelle et, le cas échéant, celle du preneur en place ; / 5° Prendre en compte la participation du demandeur ou, lorsque le demandeur est une personne morale, de ses associés à l'exploitation directe des biens objets de la demande dans les conditions prévues à l'article L. 411-59 ; / 6° Tenir compte du nombre d'emplois non salariés et salariés permanents ou saisonniers sur les exploitations concernées ; / 7° Prendre en compte la structure parcellaire des exploitations concernées, soit par rapport au siège de l'exploitation, soit pour éviter que des mutations en jouissance ne remettent en cause des aménagements réalisés à l'aide de fonds publics ; / 8° Prendre en compte la poursuite d'une activité agricole bénéficiant de la certification du mode de production biologique ; / 9° Tenir compte de l'intérêt environnemental de l'opération (...) " ;

Sur le moyen tiré d'une atteinte au droit de propriété :

3. Considérant que la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ; qu'aux termes de son article 17 : " La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité " ; qu'en l'absence de privation du droit de propriété, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les limites apportées à son exercice doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi ;

4. Considérant que si le contrôle des structures agricoles concerne, en principe, l'exploitation d'un bien, il est susceptible d'entraîner indirectement des limitations à l'exercice du droit de propriété, notamment en empêchant un propriétaire d'exploiter lui-même un bien qu'il a acquis, faute de disposer de l'autorisation prévue par les dispositions critiquées, ou en faisant en pratique obstacle à ce qu'un propriétaire puisse aliéner ou louer son bien, faute pour l'acquéreur ou le preneur éventuel d'avoir obtenu cette autorisation ; que, cependant, ces limitations n'ont pas un caractère de gravité telle que le sens et la portée de ce droit en soient dénaturés ; qu'elles sont justifiées et proportionnées aux objectifs d'intérêt général définis à l'article L. 331-1 du code rural et de la pêche maritime précité; que, par suite, le moyen tiré d'une atteinte au droit de propriété contraire à la Constitution ne revêt pas un caractère sérieux ;

Sur le moyen tiré d'une atteinte à la liberté d'entreprendre :

5. Considérant qu'il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre, qui découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789, des limitations justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi ; que les dispositions critiquées définissent avec précision les critères, fondés sur des considérations d'intérêt général, que l'autorité administrative doit mettre en oeuvre pour accorder ou refuser l'autorisation d'exploiter des terres agricoles ; que les limitations que ce régime d'autorisation apporte la liberté d'entreprendre sont justifiées par les objectifs d'intérêt général définis à l'article L. 331-1 du code rural et de la pêche maritime ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, la circonstance que le propriétaire de terres agricoles peut se trouver empêché d'en confier l'exploitation à une personne avec laquelle il entretient une relation de confiance n'implique pas l'existence d'une limitation disproportionnée au regard des objectifs poursuivis ;

Sur le moyen tiré d'une atteinte à la liberté contractuelle :

6. Considérant que la seule circonstance que les dispositions critiquées peuvent avoir pour conséquence que le propriétaire de terres agricoles se trouve empêché de conclure un contrat de vente ou de location avec la personne de son choix n'est pas de nature à les faire regarder comme portant à la liberté contractuelle une atteinte contraire à la Constitution ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M.A..., qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; qu'il n'y a, par suite, pas lieu d'en saisir le Conseil constitutionnel ;

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M.A....

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Copie en sera adressée pour information au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.

.


Synthèse
Formation : 5ème - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 408631
Date de la décision : 28/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 jui. 2017, n° 408631
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Catherine Bobo
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge
Avocat(s) : SCP BOULLOCHE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/08/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:408631.20170728
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