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28/07/2017 | FRANCE | N°399674

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 28 juillet 2017, 399674


Vu la procédure suivante :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la restitution à son profit d'une somme complémentaire de 462 683 euros au titre du plafonnement à 50 % des revenus des impôts directs auxquels son mari et elle ont été assujettis au titre de l'année 2007. Par un jugement n° 1306214 du 9 octobre 2014, le tribunal administratif de Nantes a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 14NT03040 du 10 mars 2016, la cour administrative d'appel de Nantes, statuant sur l'appel du ministre des finances et des comptes publics, a ann

ulé ce jugement et remis la somme de 462 683 euros à la charge de MmeB.....

Vu la procédure suivante :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la restitution à son profit d'une somme complémentaire de 462 683 euros au titre du plafonnement à 50 % des revenus des impôts directs auxquels son mari et elle ont été assujettis au titre de l'année 2007. Par un jugement n° 1306214 du 9 octobre 2014, le tribunal administratif de Nantes a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 14NT03040 du 10 mars 2016, la cour administrative d'appel de Nantes, statuant sur l'appel du ministre des finances et des comptes publics, a annulé ce jugement et remis la somme de 462 683 euros à la charge de MmeB....

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 10 mai et 5 juillet 2016 et le 11 juillet 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du ministre ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Ophélie Champeaux, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de Mme B...;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme B... ont demandé, le 10 décembre 2009, à bénéficier du plafonnement de leurs impôts directs à hauteur de 50 % de leurs revenus au titre de l'année 2007 en application de l'article 1649-0 A du code général des impôts, alors en vigueur. L'administration a fait droit à cette demande. Après l'annulation par le Conseil d'Etat statuant au contentieux, par une décision n° 321416 du 13 janvier 2010, des alinéas 2 à 5 du paragraphe 34 ainsi que du paragraphe 38 de l'instruction 13 A-I-08 publiée au bulletin officiel des impôts n° 83 du 26 août 2008 dont l'administration avait fait application pour inclure dans leurs revenus les produits de leurs contrats d'assurance-vie, Mme B... a présenté, le 27 décembre 2012, une demande de restitution complémentaire au titre de l'année 2007 à hauteur de 462 683 euros, au motif que les revenus perçus en 2007 à hauteur de la somme de 926 367 euros sur un contrat d'assurance vie multi-supports ne devaient pas être inclus dans la base de calcul de la demande de plafonnement des impôts directs à 50 %. Après le rejet de cette demande par l'administration, elle a saisi le tribunal administratif de Nantes qui, par un jugement du 9 octobre 2014, a fait droit à sa demande de restitution. Par l'arrêt attaqué du 10 mars 2016, la cour administrative d'appel de Nantes, statuant sur l'appel du ministre des finances et des comptes publics, a toutefois annulé ce jugement et remis la somme de 462 683 euros à la charge de MmeB....

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir (...) le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire. / (...) / Sont instruites et jugées selon les règles du présent chapitre toutes actions tendant à (...) la réduction d'une imposition (...) fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure. / Lorsque cette non-conformité a été révélée par une décision juridictionnelle (...), l'action en restitution des sommes versées (...) ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la troisième année précédant celle où la décision (...) révélant la non-conformité est intervenu[e]. / Pour l'application du quatrième alinéa, sont considérés comme des décisions juridictionnelles (...) les décisions du Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article R. 196-1 du même livre : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : / (...) / c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation / (...) ".

3. Une décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux qui révèle l'illégalité d'une instruction fiscale ne révèle pas la non-conformité d'une règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure, dès lors que l'imposition ne saurait être fondée sur l'interprétation de la loi fiscale que l'administration exprime dans ses instructions. Par suite, la cour n'a pas commis une erreur de droit en jugeant que c'était, dès lors, à tort que le tribunal administratif de Nantes s'était fondé sur la circonstance que la décision n° 321416 du 13 janvier 2010 du Conseil d'Etat était de nature à constituer la réalisation d'un événement, au sens du c) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, ouvrant un délai dans lequel pouvait être présentée une demande tendant au bénéfice d'un droit à restitution tel que celui résultant de l'application des articles 1er et 1649-0 A du code général des impôts, pour en déduire que la demande de restitution complémentaire du 27 décembre 2012, présentée après l'expiration du délai de réclamation, n'était pas tardive.

4. En second lieu, aux termes de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. ".

5. Une personne ne peut prétendre au bénéfice de ces stipulations que si elle peut faire état de la propriété d'un bien qu'elles ont pour objet de protéger et à laquelle il aurait été porté atteinte. A défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir la restitution d'une somme d'argent doit être regardée comme un bien au sens de ces stipulations.

6. Selon une jurisprudence établie du Conseil d'Etat statuant au contentieux, la règle de droit interne dont il a été fait application et dont la non-conformité à une règle de droit supérieure a été révélée par une décision juridictionnelle ne peut résulter d'une instruction administrative. Le Conseil d'Etat statuant au contentieux en a fait application dans une décision n° 350100 du 30 décembre 2013 postérieure à la décision n° 330094 du 23 décembre 2011 invoquée par la requérante. Par suite, en jugeant que cette dernière décision ne pouvait être regardée comme établissant une jurisprudence ayant une stabilité suffisante, de sorte que Mme B...ne pouvait se fonder sur cette jurisprudence pour se prévaloir d'une espérance légitime, au sens des stipulations citées au point 4 ci-dessus, d'obtenir la restitution de la somme en litige, la cour, qui n'a pas donné des décisions rendues par le Conseil d'Etat une interprétation erronée, n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font dès lors obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de Mme B... est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Madame A... B...et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 399674
Date de la décision : 28/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 28 jui. 2017, n° 399674
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Ophélie Champeaux
Rapporteur public ?: Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon
Avocat(s) : SCP BOUZIDI, BOUHANNA

Origine de la décision
Date de l'import : 04/08/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:399674.20170728
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