Vu la procédure suivante :
Le grand port maritime de Rouen (GPMR) a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Rouen, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'enjoindre à Maître B...A..., en sa qualité de liquidateur de la société à responsabilité limitée unipersonnelle (SARLU) DIB Services, de lui communiquer le contrat d'assurance souscrit par cette société pour garantir les travaux de dépollution éventuelle des terrains mis à sa disposition, ainsi que l'attestation d'assurance afférente, dans un délai de huit jours sous astreinte journalière de 100 euros. Par une ordonnance n° 1603874 du 9 décembre 2016, ce juge des référés a fait droit à sa demande.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 décembre 2016, 10 janvier 2017 et 15 juin 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Me A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande du grand port maritime de Rouen ;
3°) de mettre à la charge du grand port maritime de Rouen la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Cyrille Beaufils, auditeur,
- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de Me A...et à Me Le Prado, avocat de la société Grand port maritime de Rouen.
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la société DIB Services, placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Rouen du 5 janvier 2016, exploitait, jusqu'à la déclaration de cessation de son activité dont le préfet de la Seine-Maritime a pris acte par récépissé du 20 juin 2016 délivré au titre de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement, une installation de collecte, transport et traitement de déchets industriels ou assimilés ; que cette installation se trouve sur des terrains appartenant au domaine public du grand port maritime de Rouen et mis à sa disposition par cet établissement public en vertu d'une convention d'occupation temporaire du 13 juillet 2005, modifiée par plusieurs avenants ; que le grand port maritime de Rouen a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Rouen, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'enjoindre à MeA..., en sa qualité de liquidateur de la société DIB Services, de lui communiquer le contrat d'assurance que cette société était tenue de souscrire en vertu de l'article 18 de la convention du 13 juillet 2005 pour garantir le financement d'éventuels travaux de dépollution des terrains mis à sa disposition, ainsi que 1'attestation d'assurance correspondante, dans un délai de huit jours à compter de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte journalière de cent euros ; que Me A...se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 9 décembre 2016 par laquelle le juge des référés a fait droit à cette demande ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-3 du code de justice administrative : " En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en 1'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative " ;
3. Considérant que, saisi sur le fondement de l'article L. 521-3 d'une demande qui n'est pas manifestement insusceptible de se rattacher à un litige relevant de la compétence du juge administratif, le juge des référés peut prescrire, à des fins conservatoires ou à titre provisoire, toutes mesures que l'urgence justifie à la condition que ces mesures soient utiles et ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ; qu'en raison du caractère subsidiaire du référé régi par l'article L. 521-3, le juge saisi sur ce fondement ne peut prescrire les mesures qui lui sont demandées lorsque leurs effets pourraient être obtenus par les procédures de référé régies par les articles L. 521-1 et L 521-2 ; qu'enfin, il ne saurait faire obstacle à l'exécution d'une décision administrative, même celle refusant la mesure demandée, à moins qu'il ne s'agisse de prévenir un péril grave ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 556-3 du code de l'environnement : " I. - En cas de pollution des sols ou de risques de pollution des sols présentant des risques pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques et l'environnement au regard de l'usage pris en compte, l'autorité titulaire du pouvoir de police peut, après mise en demeure, assurer d'office l'exécution des travaux nécessaires aux frais du responsable. (...) / II. - Au sens du I, on entend par responsable, par ordre de priorité : / 1° Pour les sols dont la pollution a pour origine une activité mentionnée à l'article L. 165-2, une installation classée pour la protection de l'environnement ou une installation nucléaire de base, le dernier exploitant de l'installation à l'origine de la pollution des sols, ou la personne désignée aux articles L. 512-21 et L. 556-1, chacun pour ses obligations respectives. (...) " ; que l'article L. 512-6-1 du même code, dans sa rédaction applicable, dispose que : " Lorsque l'installation soumise à autorisation est mise à l'arrêt définitif, son exploitant place son site dans un état tel qu'il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et qu'il permette un usage futur du site déterminé conjointement avec le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'urbanisme et, s'il ne s'agit pas de l'exploitant, le propriétaire du terrain sur lequel est sise l'installation. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 512-39-1 du même code : " I.-Lorsqu'une installation classée soumise à autorisation est mise à l'arrêt définitif, l'exploitant notifie au préfet la date de cet arrêt trois mois au moins avant celui-ci. (...) / III. - En outre, l'exploitant doit placer le site de l'installation dans un état tel qu'il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et qu'il permette un usage futur du site déterminé selon les dispositions des articles R. 512-39-2 et R. 512-39-3 " ;
5. Considérant, d'une part, que les dispositions citées au point précédent créent, dans le chef de l'exploitant d'une installation classée, de son ayant droit ou de celui qui s'est substitué à lui, une obligation de mettre en oeuvre les mesures permettant de remettre en état le site qui a été le siège de l'exploitation dans l'intérêt, notamment, de la santé ou de la sécurité publique et de la protection de l'environnement ; que l'administration peut contraindre les personnes en cause à prendre ces mesures et, en cas de défaillance de celles-ci, y faire procéder d'office et à leurs frais ; que, nonobstant les pouvoirs de police spéciale que ces dispositions confèrent à l'autorité administrative à cette fin, elles ne font pas obstacle à ce que le propriétaire du terrain qui a été le siège de l'exploitation recherche la responsabilité de l'exploitant afin d'obtenir l'exécution de l'obligation de remise en état du site pesant sur ce dernier ;
6. Considérant, d'autre part, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 641-9 du code de commerce qu'à compter de la date du jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire, le débiteur est dessaisi de l'administration et de la disposition de ses biens et que " les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur " ; que le débiteur peut accomplir les actes et exercer les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission du liquidateur judiciaire ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsque les biens du débiteur comprennent une installation classée pour la protection de l'environnement dont celui-ci est l'exploitant, il appartient au liquidateur judiciaire qui en assure l'administration de veiller au respect des obligations découlant de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le grand port maritime de Rouen a demandé d'enjoindre à MeA..., en sa qualité de liquidateur de la société DIB Services, de lui communiquer le contrat d'assurance que cette société était tenue de souscrire pour garantir les travaux de dépollution éventuelle des terrains mis à sa disposition, ainsi que 1'attestation d'assurance qu'elle était tenue de lui transmettre en exécution des stipulations de l'article 18 de la convention d'occupation temporaire du domaine public fluvial qui lui avait été consentie ; qu'en se fondant sur la seule circonstance que le grand port maritime de Rouen ne disposait pas de moyens de contrainte pour obtenir cette communication pour en déduire que cette communication était utile, le juge des référés a entaché son ordonnance d'une erreur de droit ; que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, Me A... est fondé à en demander l'annulation ;
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur la demande en référé en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le grand port maritime de Rouen a demandé la communication du contrat d'assurance et de l'attestation d'assurance prévue par la convention d'occupation temporaire du domaine public fluvial consentie à la société DIB services afin de déterminer les garanties dont le port pouvait effectivement disposer en vue d'entreprendre les travaux de dépollution du site occupé par la société et de procéder ainsi à la remise en état du domaine public fluvial ;
10. Considérant, toutefois, que Me A...soutient que la société DIB Services n'a pas souscrit la police d'assurance requise par cette convention et qu'il lui est, dès lors, impossible de produire le contrat et l'attestation demandés ; que la demande du grand port maritime de Rouen se heurte ainsi à une contestation sérieuse ; que l'injonction sollicitée ne peut, par suite, être prononcée ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande du grand port maritime de Rouen doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du grand port maritime de Rouen la somme que demande Me A... sur le fondement des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 9 décembre 2016 du juge des référés du tribunal administratif de Rouen est annulée.
Article 2 : La demande présentée par le grand port maritime de Rouen devant le juge des référés du tribunal administratif de Rouen est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.
Article 4 : Les conclusions du grand port maritime de Rouen présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Maître B... A...et au grand port maritime de Rouen.