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12/07/2017 | FRANCE | N°399953

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 12 juillet 2017, 399953


Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 mai, 17 août 2016 et le 10 avril 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société CFTA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les articles 17 à 22 du décret du 17 mars 2016 relatif à l'organisation du transport ferroviaire de voyageurs et portant diverses dispositions relatives à la gestion financière et comptable de SNCF Mobilités ;

2°) le cas échéant, de surseoir à statuer et de saisir la Cou

r de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle relative à la portée des...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 mai, 17 août 2016 et le 10 avril 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société CFTA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les articles 17 à 22 du décret du 17 mars 2016 relatif à l'organisation du transport ferroviaire de voyageurs et portant diverses dispositions relatives à la gestion financière et comptable de SNCF Mobilités ;

2°) le cas échéant, de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle relative à la portée des dispositions des articles 5 et 8 du règlement (CE) n° 1370/2007 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le règlement n° 1370/2007 (CE) du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 ;

- le règlement (UE) n° 2016/2338 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2016 ;

- le code de commerce ;

- le code des transports ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Louise Bréhier, auditrice,

- les conclusions de M. Xavier Domino, rapporteur public ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2121-3 du code des transports " la région est chargée, en tant qu'autorité organisatrice des transports collectifs d'intérêt régional, de l'organisation : / 1° Des services ferroviaires régionaux de personnes (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 2121-4 du même code : " Une convention passée entre chaque région et SNCF Mobilités fixe les conditions d'exploitation et de financement des services ferroviaires relevant de la compétence régionale. / Le contenu de la convention et les modalités de règlement des litiges entre les régions et SNCF Mobilités sont précisés par décret en Conseil d'Etat " ; que le décret du 17 mars 2016 relatif à l'organisation du transport ferroviaire de voyageurs et portant diverses dispositions relatives à la gestion financière et comptable de SNCF Mobilités a été pris pour l'application de ces dispositions ; que la société CFTA demande l'annulation pour excès de pouvoir des articles 17 à 22 de ce décret, relatifs aux conventions passées entre les régions et SNCF Mobilités s'agissant des services ferroviaires d'intérêt régional ;

Sur la légalité externe :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 462-2 du code de commerce, l'Autorité de la concurrence est " obligatoirement consultée par le Gouvernement sur tout projet de texte réglementaire instituant un régime nouveau ayant directement pour effet : / 1° De soumettre l'exercice d'une profession ou l'accès à un marché à des restrictions quantitatives ; / 2° D'établir des droits exclusifs dans certaines zones ; / 3° D'imposer des pratiques uniformes en matière de prix ou de conditions de vente " ; que les dispositions attaquées se bornent à faire application des dispositions des articles L. 2121-4 et L. 2141-11 du code des transports ; qu'elles n'ont ni pour objet, ni pour effet d'instituer un régime nouveau au sens des dispositions précitées de l'article L. 462-2 du code de commerce ; que par suite, le moyen tiré de ce que leur intervention aurait dû obligatoirement être précédée de la consultation de l'Autorité de la concurrence ne peut qu'être écarté ;

Sur la légalité interne :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 5 du règlement n° 1370/2007 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007, dans sa rédaction antérieure à l'intervention du règlement n° 2016/2338 (UE) du 14 décembre 2016, : " toute autorité compétente qui recourt à un tiers autre qu'un opérateur interne attribue des contrats de service public par voie de mise en concurrence, sauf dans les cas visés aux paragraphes 4, 5 et 6 (...) / 6. sauf interdiction en vertu du droit national, les autorités compétentes peuvent décider d'attribuer directement des contrats de service public de transport par chemin de fer (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 du même règlement : " sans préjudice du paragraphe 3, l'attribution de contrats de services publics de transport par chemin de fer ou par route est conforme à l'article 5 à partir du 3 décembre 2019 " ; qu'il résulte de ces dernières dispositions que, contrairement à ce que soutient la requérante, l'obligation d'attribution des contrats de service public par voie de mise en concurrence prévue par l'article 5 devait entrer en vigueur le 3 décembre 2019 ; qu'au demeurant cette date a été repoussée au 25 décembre 2023 par les dispositions du règlement 2016/2338 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'article L. 2121-4 du code des transports, qui confère des droits exclusifs à SNCF Mobilités pour la fourniture de services de transport ferroviaire régional de voyageurs, et le décret pris pour son application méconnaîtraient ces dispositions ne peut qu'être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que, selon le b) de l'article 2 du règlement 1370/2007 (CE), est une autorité compétente au sens de ce règlement " toute autorité publique ou groupement d'autorités publiques, d'un ou de plusieurs Etats membres, qui a la faculté d'intervenir dans les transports publics de voyageurs dans une zone géographique donnée, ou tout organe investi d'un tel pouvoir " ; qu'aux termes de l'article 6 du règlement 1370/2007 (CE) : " toute compensation financière liée à une règle générale ou à une compensation de service public respecte les dispositions de l'article 4, quelles que soient les modalités d'attribution du contrat " ; qu'aux termes de l'article 2 de l'annexe du même règlement : " la compensation financière ne peut excéder un montant correspondant à l'incidence financière nette, équivalant à la somme des incidences, positives ou négatives, dues au respect de l'obligation de service public sur les coûts et les recettes de l'opérateur de service public (...) pour calculer l'incidence financière, l'autorité compétente s'inspire de la formule suivante (...) " ; qu'ainsi, les dispositions du règlement 1370/2007 (CE), qui sont d'effet direct, déterminent la méthode et les modalités de calcul des compensations de service public ; que le moyen tiré de ce que le pouvoir réglementaire n'aurait pas épuisé sa compétence faute pour l'acte attaqué de détailler une méthode de calcul de l'incidence financière des obligations de service public sur les coûts et recettes de l'opérateur, ne peut, par suite, qu'être écarté ;

5. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " est incompatible avec le marché intérieur et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d'en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci " ; qu'aux termes du 2 de l'article 106 du même traité : " Les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général ou présentant le caractère d'un monopole fiscal sont soumises aux règles des traités, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l'intérêt de l'Union " ; que, d'une part, si l'article L. 2121-4 du code des transports, en attribuant à SNCF Mobilités les droits exclusifs mentionnés ci-dessus, a nécessairement créé au profit de cette société une position dominante sur le marché du transport ferroviaire régional de voyageurs au sens des stipulations de l'article 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ni cet article, ni le décret attaqué, qui précise le régime des conventions entre les régions et SNCF Mobilités, ne mettent par eux-mêmes cette société en situation d'abuser automatiquement de sa position dominante ; que, d'autre part, si la requérante soutient que les droits exclusifs accordés à SNCF Mobilités excèdent ce qui est nécessaire pour assurer l'exécution de sa mission de service public, elle n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations ; qu'ainsi, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'article L. 2121-4 du code des transports et les articles 17 à 22 du décret pris pour son application seraient incompatibles avec les stipulations des articles 102 et 106 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la ministre et sans qu'il y ait lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, que la requérante n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir des dispositions qu'elle conteste ; que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la société CFTA est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société CFTA et au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire.

Copie en sera adressée à SNCF Mobilités et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 399953
Date de la décision : 12/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 12 jui. 2017, n° 399953
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Louise Bréhier
Rapporteur public ?: M. Xavier Domino
Avocat(s) : SCP SPINOSI, SUREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:399953.20170712
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