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12/07/2017 | FRANCE | N°394115

France | France, Conseil d'État, 6ème - 1ère chambres réunies, 12 juillet 2017, 394115


Vu les procédures suivantes :

1. Sous le n° 394115, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 19 octobre 2015, 19 janvier 2016 et 10 janvier 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2015-999 du 17 août 2015 relatif aux procédures judiciaires applicables aux copropriétés en difficulté ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'arti

cle L. 761-1 du code de justice administrative.

2. Sous le n° 396955, par une requête ...

Vu les procédures suivantes :

1. Sous le n° 394115, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 19 octobre 2015, 19 janvier 2016 et 10 janvier 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2015-999 du 17 août 2015 relatif aux procédures judiciaires applicables aux copropriétés en difficulté ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2. Sous le n° 396955, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 12 février et le 22 septembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'article 9 du décret n° 2015-999 du 17 août 2015 relatif aux procédures judiciaires applicables aux copropriétés en difficulté, en tant qu'il ne dispense pas les experts judiciaires inscrits dans la rubrique " gestion d'immeubles-copropriété " de la condition de diplôme qu'il énonce, ainsi que la décision, née du silence gardé par le Premier ministre, de rejet de son recours gracieux du 13 octobre 2015 ;

2°) d'enjoindre à la ministre du logement et de l'habitat durable de dispenser les experts judiciaires inscrits dans la rubrique " gestion d'immeubles-copropriété " dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision du Conseil d'Etat ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de commerce ;

- la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ;

- la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 ;

- le décret n° 67-223 du 17 mars 1967 ;

- le décret n° 2004-1463 du 23 décembre 2004 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Laurence Franceschini, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la Fédération nationale de l'immobilier.

1. Considérant que les requêtes de la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM) et de M. B...sont dirigées contre le décret du 17 août 2015 relatif aux procédures judiciaires applicables aux copropriétés en difficulté ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

2. Considérant, d'une part, que l'article 29-1 B la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, dans sa rédaction issue de la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, prévoit que le juge compétent peut, lorsqu'une copropriété connaît des difficultés financières, désigner un " mandataire ad hoc " afin de remédier à cette situation ; que l'article 29-1 C de la même loi dispose que : " I. - Pour exercer les fonctions de mandataire ad hoc (...), le juge peut désigner un administrateur judiciaire inscrit sur la liste des administrateurs judiciaires mentionnée à l'article L. 811-2 du code de commerce. / II. - Toutefois, à titre exceptionnel, le juge peut également désigner, par décision spécialement motivée, une personne physique ou morale justifiant d'une expérience ou d'une qualification particulière au regard de la nature de l'affaire et remplissant des conditions définies par décret. (...) " ; que, d'autre part, l'article 29-1 de la même loi prévoit la possibilité de nommer un administrateur provisoire si l'équilibre financier du syndicat des copropriétaires est gravement compromis ou si le syndicat est dans l'impossibilité de pourvoir à la conservation de l'immeuble qui se substitue au syndic et à l'assemblée générale de la copropriété pour sa gestion et la prise de certaines décisions ; que le III de, cet article dispose que : " Pour exercer les fonctions d'administrateur provisoire (...), le juge peut désigner un administrateur judiciaire inscrit sur la liste des administrateurs judiciaires mentionnée à l'article L. 811-2 du code de commerce. / Le juge peut également désigner une personne physique ou morale justifiant d'une expérience ou d'une qualification particulière au regard de la nature de l'affaire et remplissant des conditions définies par décret. (...) " ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 61-1-2 du décret du 17 mars 1967 pris pour l'application de la loi du 10 juillet 1965, issu de l'article 9 du décret du 17 août 2015 relatif aux procédures judiciaires applicables aux copropriétés en difficulté, dont les requérants demandent l'annulation pour excès de pouvoir : " La personne physique désignée par le président du tribunal de grande instance pour exercer les fonctions de mandataire ad hoc ou d'administrateur provisoire, en application du II de l'article 29-1 C ou du III de l'article 29-1 de la loi du 10 juillet 1965, doit justifier par tous moyens qu'elle remplit les conditions cumulatives suivantes : / 1° Une expérience d'au moins trois ans dans la gestion d'une copropriété ou, pour les mandataires ad hoc, dans le conseil des syndicats de copropriétaires ; / 2° Un diplôme de niveau master 2 attestant de compétences dans les trois domaines suivants : / - droit civil ; / - comptabilité ; / - construction ou gestion immobilière " ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions des articles 29-1 C et 29-1 de la loi du 10 juillet 1965 rappelées au point 2 que le juge peut désigner comme mandataire ad hoc ou administrateur provisoire d'autres personnes que des administrateurs judiciaires si, d'une part, il estime, au terme d'une appréciation d'espèce, qu'elles justifient d'une expérience ou d'une qualification particulière au regard de la nature de l'affaire, et que, d'autre part, elles remplissent des conditions définies par décret ; que la condition de diplôme instituée par le décret attaqué sur le fondement de ces dispositions s'ajoute ainsi à l'exigence d'une expérience ou d'une qualification particulière prévue par le législateur lui-même ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'édiction d'une condition supplémentaire de diplôme reviendrait à imposer illégalement des conditions cumulatives d'expérience et de qualification, en méconnaissance des dispositions des articles 29-1 C et 29-1 de la loi du 10 juillet 1965 ne peut qu'être écarté ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le législateur a expressément autorisé le pouvoir réglementaire à fixer, outre l'exigence d'une expérience ou d'une qualification particulière qu'il a lui-même prévue, les conditions auxquelles est subordonnée la possibilité pour le juge de désigner en qualité de mandataire ad hoc ou d'administrateur provisoire d'autres professionnels que les administrateurs judiciaires ; que l'obligation faite aux intéressés, en application de l'article 61-1-2 du décret du 17 mars 1967, dans sa rédaction issue du décret attaqué, de détenir un diplôme de niveau master II attestant de compétences en droit civil, comptabilité, et construction ou gestion immobilière n'a ni pour objet ni pour effet d'interdire, par principe, aux syndics de copropriété d'exercer ces fonctions ; que cette mesure est conforme à l'objectif poursuivi par le législateur d'élargir le nombre des professionnels susceptibles de se voir confier ces missions, tout en s'assurant de leurs qualifications dans les domaines de compétences requis pour la mise en oeuvre des procédures collectives concernant les copropriétés en difficulté, en s'inspirant du régime applicable aux entreprises en difficulté ; que s'il est soutenu que les dispositions attaquées méconnaissent le principe d'égalité notamment entre les syndics de copropriété et les administrateurs judiciaires, il ressort des pièces du dossier que ces derniers exercent, en vertu du code de commerce, des missions similaires à celles mentionnées ci-dessus en matière d'entreprises en difficulté ; qu'ils sont, en vertu des articles L. 811-2 et suivants et R. 811-7 et suivants de ce code, inscrits sur une liste établie par une commission nationale au terme d'un parcours de sélection et de formation comportant notamment des conditions de diplôme, un examen d'accès à un stage professionnel organisé par le Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires, selon un programme et des modalités fixés par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, un stage d'une durée de 3 à 6 ans, consistant dans la pratique d'activités permettant d'acquérir une expérience dans le domaine professionnel des administrateurs judiciaires, en qualité de collaborateur d'un administrateur judiciaire et sous son contrôle direct et, enfin, un examen d'aptitude ; qu'il résulte notamment des articles A. 811-7 et A. 811-17 du même code que les épreuves de l'examen d'accès au stage professionnel et de l'examen d'aptitude aux fonctions d'administrateur judiciaire font une large place aux matières juridique, financière, comptable et de gestion ; qu'ainsi, les administrateurs judiciaires ne sont pas placés dans la même situation que les autres professionnels concernés, comme l'a d'ailleurs estimé le législateur en prévoyant qu'ils exercent ces activités sans les soumettre à des conditions particulières ; qu'il résulte de tout ce qui précède que le décret attaqué n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation et ne porte par lui-même aucune atteinte ni à la liberté d'entreprendre, ni à la liberté du commerce et de l'industrie, ni au principe d'égalité ;

6. Considérant, en troisième lieu, que les missions dévolues aux mandataires ad hoc et aux administrateurs provisoires de copropriétés en difficulté s'exercent dans le même domaine d'activité et requièrent des compétences similaires ; qu'en s'abstenant de différencier les conditions de qualification exigées des intéressés, lorsqu'ils n'ont pas la qualité d'administrateur judiciaire, le pouvoir réglementaire n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ;

7. Considérant, en quatrième lieu, que la FNAIM soutient que la loi du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, tend à renforcer l'encadrement de la profession de syndic de copropriété et les exigences auxquelles elle est soumise en matière de formation, consacré par la création de la carte professionnelle " syndic de copropriété " et que, par suite, en subordonnant à une condition de diplôme l'exercice par les syndics de copropriété des fonctions de mandataire ad hoc ou d'administrateur provisoire de copropriété le décret attaqué aurait méconnu ces objectifs ; que, toutefois, et en tout état de cause, compte tenu de l'indépendance entre les législations régissant, d'une part, la copropriété et, d'autre part, les professionnels de l'immobilier, le moyen ne peut qu'être écarté comme inopérant ;

8. Considérant, en cinquième lieu, qu'eu égard à l'objet et à la portée des dispositions critiquées, en ne dispensant pas les professionnels qui ont la qualité d'expert judiciaire de la condition de diplôme précitée, le pouvoir réglementaire n'a pas entaché le décret attaqué d'une erreur manifeste d'appréciation ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la ministre du logement et de l'habitat durable, que les requêtes de la FNAIM et de M. B...doivent être rejetées ;

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les requêtes de la FNAIM et de M. B...sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Fédération nationale de l'immobilier, à M. A...B..., au Premier ministre, au ministre de la cohésion des territoires et à la garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 6ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 394115
Date de la décision : 12/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 12 jui. 2017, n° 394115
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Laurence Franceschini
Rapporteur public ?: Mme Suzanne von Coester
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:394115.20170712
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