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21/06/2017 | FRANCE | N°403213

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 21 juin 2017, 403213


Vu la procédure suivante :

La société anonyme d'HLM Antin Résidences a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la réduction de la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2012 à raison de l'immeuble dont elle est propriétaire situé 12, rue du Général de Gaulle, à Osny (Val-d'Oise). Par un jugement n° 1400364 du 16 décembre 2014, ce tribunal a fait droit à cette demande.

Par une décision n° 387932 du 6 janvier 2016, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annu

lé ce jugement et renvoyé l'affaire au tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

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Vu la procédure suivante :

La société anonyme d'HLM Antin Résidences a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la réduction de la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2012 à raison de l'immeuble dont elle est propriétaire situé 12, rue du Général de Gaulle, à Osny (Val-d'Oise). Par un jugement n° 1400364 du 16 décembre 2014, ce tribunal a fait droit à cette demande.

Par une décision n° 387932 du 6 janvier 2016, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé ce jugement et renvoyé l'affaire au tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Par un jugement n° 1600256 du 5 juillet 2016, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, statuant sur renvoi, a fait droit à la demande de la société d'HLM Antin Résidences.

Par un pourvoi, enregistré le 5 septembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie et des finances demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de la société d'HLM Antin Résidences.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Ploquin-Duchefdelaville, auditeur,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société d'HLM Antin Résidences.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société d'HLM Antin Résidences est propriétaire d'un immeuble situé rue du Général de Gaulle à Osny (Val-d'Oise). Cet immeuble était, au 1er janvier 2012, loué à l'association Coallia, issue de la fusion en 2011 des associations Aftam et Soundiata Nouvelle, qui offre des prestations hôtelières et para-hôtelières à des personnes défavorisées sans domicile, immigrées ou réfugiées et qui y gère, en outre, un foyer de travailleurs migrants. Pour évaluer la valeur locative de ce bien immobilier retenue pour l'assiette de la taxe foncière sur les propriétés bâties due par la société au titre de l'année 2012, l'administration a appliqué le coefficient d'actualisation de 2,25 applicable aux locaux commerciaux. La société d'HLM Antin Résidences a saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'une demande tendant à la réduction de sa cotisation de taxe foncière à concurrence de l'application non de ce coefficient, mais de celui de 1,70 prévu pour les locaux d'habitation et rendu applicable aux organismes privés à but non lucratif par les dispositions du II ter de l'article 1518 du code général des impôts. Le ministre de l'économie et des finances se pourvoit en cassation contre le jugement du 5 juillet 2016 par lequel ce tribunal administratif, statuant sur renvoi de l'affaire après l'annulation d'un premier jugement du 16 décembre 2014 par décision du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, du 6 janvier 2016, a fait droit à cette demande.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " S'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, le Conseil d'Etat peut, soit renvoyer l'affaire devant la même juridiction statuant, sauf impossibilité tenant à la nature de la juridiction, dans une autre formation (sa charge au titre de l'année 2012 et celle qui résulte de l'article 2 ci-dessus) ".

3. Après renvoi de l'affaire par le Conseil d'Etat, le tribunal administratif a statué par un jugement rendu, en application de l'article R. 222-13 du code de justice administrative, par un magistrat statuant seul. Ce magistrat avait toutefois siégé dans la formation collégiale ayant rendu le jugement du 16 décembre 2014. Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, qui comporte dix chambres, n'étant pas dans l'impossibilité structurelle de composer une autre formation de jugement, la règle prévue au premier alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative a ainsi été méconnue. Le ministre de l'économie et des finances est, par suite, fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, à demander l'annulation du jugement qu'il attaque.

4. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un deuxième pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Il y a lieu, par suite, de régler l'affaire au fond.

5. Aux termes de l'article 1518 du code général des impôts : " I. Dans l'intervalle de deux révisions générales, les valeurs locatives définies aux I et II de l'article 1496 et aux articles 1497 et 1498 (...) sont actualisées tous les trois ans au moyen de coefficients correspondant à l'évolution de ces valeurs, entre la date de référence de la dernière révision générale et celle retenue pour l'actualisation. (...) / II ter. Pour l'application du présent article, la valeur locative des locaux occupés par les organismes privés à but non lucratif est actualisée au moyen du coefficient applicable aux locaux mentionnés à l'article 1496 (...) ". Pour l'application des dispositions du II ter de cet article, une association doit être regardée comme un organisme privé à but non lucratif si, d'une part, sa gestion présente un caractère désintéressé et si, d'autre part, les services qu'elle rend ne sont pas offerts en concurrence dans la même zone géographique d'attraction avec ceux proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique. Toutefois, même dans le cas où l'association intervient dans un domaine d'activité et dans un secteur géographique où existent des entreprises commerciales, le but non lucratif lui est reconnu si elle exerce son activité dans des conditions différentes de celles des entreprises commerciales, soit en répondant à certains besoins insuffisamment satisfaits par le marché, soit en s'adressant à un public qui ne peut normalement accéder aux services offerts par les entreprises commerciales, notamment en pratiquant des prix inférieurs à ceux du secteur concurrentiel et, à tout le moins, des tarifs modulés en fonction de la situation des bénéficiaires, sous réserve de ne pas recourir à des méthodes commerciales excédant les besoins de l'information du public sur les services qu'elle offre.

6. Il résulte de l'instruction, et il n'est pas contesté, que la gestion de l'association Coallia présente un caractère désintéressé. Il résulte également de l'instruction que l'association Coallia a pour but de contribuer aux actions d'hébergement social, d'accompagnement socio-éducatif et de formation, en faveur, soit de populations immigrées ou réfugiées, soit de publics en difficulté d'insertion sociale ou professionnelle ou encore de personnes ayant des besoins spécifiques d'accompagnement social telles que les personnes âgées ou handicapées. Au titre de son activité en matière de logement, l'association Coallia assure notamment la gestion de foyers de travailleurs migrants et de personnes défavorisées sans domicile, immigrées ou réfugiées. Si cette activité comprend effectivement, ainsi que le fait valoir l'administration, des prestations de nature hôtelière, incluant l'accueil, la blanchisserie et la restauration, cet élément ne saurait suffire à établir que l'association exerce son activité dans des conditions concurrentielles dès lors que ces services sont exclusivement destinés à un public en grande difficulté, pour l'essentiel immigré ou réfugié, et que l'administration n'établit pas par les pièces qu'elle produit que les offres de la société d'économie mixte Adoma et de la société anonyme d'habitations à loyer modéré Espacil Habitat s'adressent spécifiquement à ce public, ni même que les prestations similaires offertes le sont à des prix équivalents. Ainsi, les services rendus par l'association Coallia en matière d'hébergement ne peuvent être regardés comme étant offerts au même public et dans la même zone géographique d'attraction en concurrence des entreprises commerciales exerçant une activité identique. En outre, la seule circonstance que l'association exerce une activité de maîtrise d'ouvrage portant, pour partie, sur son propre patrimoine et, pour le surplus, sur des immeubles qu'en sa qualité de gestionnaire, elle utilise pour les besoins de son activité d'utilité sociale, de sorte qu'elle se borne à oeuvrer pour ses besoins propres, n'est pas de nature à établir qu'elle exercerait cette activité dans des conditions analogues à celles d'entreprises intervenant dans le secteur du bâtiment et travaux publics et à lui faire perdre son caractère non lucratif.

7. Il résulte de ce qui précède que la société d'HLM Antin Résidences est fondée à demander l'application du coefficient d'actualisation de 1,70 pour l'immeuble litigieux au titre de l'année 2012 et, par suite, la réduction de la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties qui en résulte.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société d'HLM Antin Résidences au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 5 juillet 2016 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : La cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties au titre de 2012 à raison de l'immeuble situé 12, rue du Général de Gaulle, à Osny (Val-d'Oise) sera calculée par application d'un coefficient d'actualisation de 1,70.

Article 3 : La société d'HLM Antin Résidences est déchargée de la différence entre la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties demeurant à.sa charge au titre de l'année 2012 et celle qui résulte de l'article 2 ci-dessus

Article 4 : L'Etat versera à la société d'HLM Antin Résidences la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'action et des comptes publics et à la société anonyme d'HLM Antin Résidences.


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 403213
Date de la décision : 21/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 21 jui. 2017, n° 403213
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Vincent Ploquin-Duchefdelaville
Rapporteur public ?: M. Romain Victor
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:403213.20170621
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