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21/06/2017 | FRANCE | N°392692

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 21 juin 2017, 392692


Vu la procédure suivante :

L'association Coallia a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés et de taxe d'apprentissage auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008, 2009, 2010, 2011 et 2012. Par un jugement n°s 1218964, 128965, 1305810, 1305808 et 1312414 du 10 décembre 2013, le tribunal a fait droit à ses demandes.

Par un arrêt n° 14PA01513 du 23 juin 2015, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel du ministre des finances et des comptes publics, rétabli la taxe d'apprenti

ssage dont l'association Coallia avait été déchargée en première instance ...

Vu la procédure suivante :

L'association Coallia a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés et de taxe d'apprentissage auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008, 2009, 2010, 2011 et 2012. Par un jugement n°s 1218964, 128965, 1305810, 1305808 et 1312414 du 10 décembre 2013, le tribunal a fait droit à ses demandes.

Par un arrêt n° 14PA01513 du 23 juin 2015, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel du ministre des finances et des comptes publics, rétabli la taxe d'apprentissage dont l'association Coallia avait été déchargée en première instance pour les années 2008 à 2012 mais rejeté le surplus des conclusions du recours du ministre.

Par un pourvoi, un mémoire en réplique et un autre mémoire, enregistrés les 14 août 2015, 28 mars et 13 avril 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre des finances et des comptes publics demande au Conseil d'Etat d'annuler l'article 3 de cet arrêt.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Ploquin-Duchefdelaville, auditeur,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de la société Coallia.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'association Coallia, régie par la loi du 1er juillet 1901, a pour but de contribuer aux actions d'hébergement social, d'accompagnement socio-éducatif et de formation en faveur des populations immigrées ou réfugiées, des personnes en difficulté d'insertion sociale ou professionnelle, ainsi que des personnes contraintes, du fait de l'âge ou d'un handicap, de bénéficier d'une assistance spécifique. Le tribunal administratif de Paris a déchargé cette association des cotisations primitives et supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 à 2012. Le ministre de l'économie et des finances se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 23 juin 2015 en tant qu'il a confirmé sur ce point le jugement du 10 décembre 2013.

Sur le bien-fondé de l'arrêt en ce qui concerne la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2008 :

2. Aux termes du troisième alinéa de l'article R. 200-2 du livre des procédures fiscales : " Le demandeur ne peut contester devant le tribunal administratif des impositions différentes de celles qu'il a visées dans sa réclamation à l'administration ".

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, dans la réclamation qu'elle a formée auprès du directeur départemental des finances publiques le 8 novembre 2011, l'association Coallia se bornait à demander la décharge de la cotisation d'impôt sur les sociétés qu'elle avait spontanément acquittée au titre de l'exercice clos en 2008 pour un montant de 406 171 euros et qu'elle n'avait formé aucune réclamation préalable contre la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés mise en recouvrement, au titre du même exercice, en septembre 2012 pour un montant de 539 886 euros. La seule circonstance que l'association avait contesté, dans sa réclamation visant la cotisation primitive, le principe même de son assujettissement à l'impôt sur les sociétés, motif pris du caractère non lucratif de son activité, ne la dispensait pas de l'obligation de former, préalablement à la saisine du juge de l'impôt, une réclamation auprès de l'administration fiscale. Le ministre est, par suite, fondé à soutenir qu'en accordant à l'association la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés dues au titre de l'exercice clos en 2008 pour un montant excédant le quantum mentionné dans sa réclamation, la cour a méconnu les dispositions précitées de l'article R. 200-2 du livre des procédures fiscales. L'article 3 de son arrêt doit, en conséquence, être annulé dans cette mesure.

Sur le surplus des conclusions :

4. Aux termes de l'article 206 du code général des impôts : " 1. (...) sont passibles de l'impôt sur les sociétés (...) toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif. (...) ". Aux termes de l'article 207 du code général des impôts : " 1. Sont exonérés de l'impôt sur les sociétés : (...) 5° bis. Les organismes sans but lucratif mentionnés au 1° du 7 de l'article 261, pour les opérations à raison desquelles ils sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée (...) ". Aux termes de l'article 261 du même code : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 7. (...) 1° (...) b : les opérations faites au bénéfice de toutes personnes par des oeuvres sans but lucratif qui présentent un caractère social ou philanthropique et dont la gestion est désintéressée, lorsque les prix pratiqués ont été homologués par l'autorité publique ou que des opérations analogues ne sont pas couramment réalisées à des prix comparables par des entreprises commerciales, en raison notamment du concours désintéressé des membres de ces organismes ou des contributions publiques ou privées dont ils bénéficient ".

5. Il résulte de ces dispositions que les associations, qui poursuivent un objet social ou philanthropique, sont exonérées de l'impôt sur les sociétés dès lors, d'une part, que leur gestion présente un caractère désintéressé, et, d'autre part, que les services qu'elles rendent ne sont pas offerts en concurrence dans la même zone géographique d'attraction avec ceux proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique. Toutefois, même dans le cas où l'association intervient dans un domaine d'activité et dans un secteur géographique où existent des entreprises commerciales, l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée lui est acquise si elle exerce son activité dans des conditions différentes de celles des entreprises commerciales, soit en répondant à certains besoins insuffisamment satisfaits par le marché, soit en s'adressant à un public qui ne peut normalement accéder aux services offerts par les entreprises commerciales, notamment en pratiquant des prix inférieurs à ceux du secteur concurrentiel et, à tout le moins, des tarifs modulés en fonction de la situation des bénéficiaires, sous réserve de ne pas recourir à des méthodes commerciales excédant les besoins de l'information du public sur les services qu'elle offre.

6. Après avoir relevé, par une appréciation souveraine des faits non entachée de dénaturation, que l'activité de maîtrise d'ouvrage exercée par l'association n'avait pas donné pas lieu à facturation et avait porté, pour une partie, sur son propre patrimoine et, pour l'autre partie, sur des immeubles qu'en sa qualité de gestionnaire, elle utilisait pour l'exercice de son activité d'utilité sociale, la cour a pu en déduire, sans entacher son arrêt d'insuffisance de motivation ni d'inexacte qualification des faits, que l'association, qui n'avait oeuvré que pour ses besoins propres, n'exerçait pas son activité de maîtrise d'ouvrage, dans des conditions analogues à celles d'entreprises intervenant dans le secteur du bâtiment et travaux publics, alors qu'elle avait, au surplus, transféré en 2010 cette activité à la société anonyme d'habitation à loyer modéré Coallia Habitat.

7. Par ailleurs, en écartant la circonstance que l'association Coallia soumette ses prestations d'hébergement à la taxe sur la valeur ajoutée comme dépourvue d'incidence sur la question de son assujettissement à l'impôt sur les sociétés, la cour n'a entaché son arrêt ni d'insuffisance de motivation, ni d'erreur de droit.

8. Il résulte de ce qui précède que le ministre est seulement fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque en tant que celui-ci statue sur la demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2008.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

10. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que les conclusions de l'association Coallia tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'exercice clos en 2008 sont irrecevables. Par suite, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif y a fait droit.

11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'association Coallia au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L'article 3 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 23 juin 2015 et l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Paris du 10 décembre 2013 sont annulés en tant qu'ils statuent sur la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés mise à la charge de l'association Coallia au titre de l'année 2008.

Article 2 : La demande présentée par l'association Coallia devant le tribunal administratif de Paris est rejetée en tant qu'elle porte sur la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'année 2008.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi du ministre des finances et des comptes publics est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de l'association Coallia présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'action et des comptes publics et à l'association Coallia.


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 392692
Date de la décision : 21/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 21 jui. 2017, n° 392692
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Vincent Ploquin-Duchefdelaville
Rapporteur public ?: M. Romain Victor
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN, STOCLET

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:392692.20170621
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