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14/06/2017 | FRANCE | N°406930

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 14 juin 2017, 406930


Vu la procédure suivante :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision implicite par laquelle le président du conseil général de l'Hérault a rejeté son recours, reçu le 30 décembre 2014, dirigé contre la décision de la caisse d'allocations familiales de l'Hérault du 24 novembre 2014 lui refusant le bénéfice du revenu de solidarité active. Par un jugement n°s 1501793, 1502476 du 13 juillet 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistré

s les 17 janvier et 18 avril 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Eta...

Vu la procédure suivante :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision implicite par laquelle le président du conseil général de l'Hérault a rejeté son recours, reçu le 30 décembre 2014, dirigé contre la décision de la caisse d'allocations familiales de l'Hérault du 24 novembre 2014 lui refusant le bénéfice du revenu de solidarité active. Par un jugement n°s 1501793, 1502476 du 13 juillet 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 janvier et 18 avril 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 13 juillet 2016 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge du département de l'Hérault la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Ohl, Vexliard, son avocat, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un mémoire, enregistré le 12 mai 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, Mme A...demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son pourvoi, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 262-6 du code de l'action sociale et des familles.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Pacoud, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Jean Lessi, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Ohl, Vexliard, avocat de MmeA....

Considérant ce qui suit :

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Les dispositions de l'article L. 262-6 du code de l'action sociale et des familles, par exception aux dispositions du 2° de l'article L. 262-4 de ce code qui réservent le bénéfice du revenu de solidarité active aux Français ou aux étrangers titulaires, depuis au moins cinq ans, d'un titre de séjour autorisant à travailler, ouvrent le droit à cette allocation aux ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse qui remplissent les conditions exigées pour bénéficier d'un droit de séjour et ont résidé en France durant les trois mois précédant la demande, en précisant que ceux de ces ressortissants entrés en France pour y chercher un emploi et s'y maintenant à ce titre ne peuvent bénéficier de cette allocation. L'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il exerce une activité professionnelle en France, s'il dispose, pour lui et pour les membres de sa famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie, s'il suit, sous certaines conditions, des études ou une formation professionnelle ou bien encore s'il a certains liens familiaux avec un ressortissant entrant dans l'une ou l'autre de ces catégories. En vertu de l'article L. 122-1 du même code, sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, ceux de ces ressortissants qui ont résidé de manière légale et ininterrompue en France pendant les cinq années précédentes acquièrent un droit au séjour permanent sur l'ensemble du territoire français. En outre, les ressortissants justifiant, à la date de leur demande, de la détention d'un titre de séjour en cours de validité doivent être regardés comme remplissant les conditions exigées pour bénéficier d'un droit de séjour, sans qu'ils aient besoin de l'établir autrement que par la production de ce titre.

3. Mme A...soutient qu'en réservant le bénéfice du revenu de solidarité active au ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui remplit les conditions de droit au séjour fixées par les articles L. 121-1 et L. 122-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article L. 262-6 du code de l'action sociale et des familles méconnaît le principe d'égalité devant la loi, garanti par les articles 1er et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

4. L'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dispose que la loi " doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ". Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.

5. Selon l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, le revenu de solidarité active a pour objet d'assurer à ses bénéficiaires des moyens convenables d'existence, de lutter contre la pauvreté et de favoriser l'insertion sociale et professionnelle. En estimant que le bénéfice du revenu de solidarité active devait être réservé à ceux des ressortissants de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse qui, bénéficiant d'un droit au séjour, ont vocation à résider en France, le législateur a institué entre ces ressortissants une différence de traitement en rapport direct avec l'objet de la loi. Par suite, la distinction que celle-ci opère ne méconnaît pas le principe d'égalité.

6. Il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que l'article L. 262-6 du code de l'action sociale et des familles porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté.

Sur les autres moyens du pourvoi :

7. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ".

8. Pour demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Montpellier qu'elle attaque, Mme A...soutient que :

- le tribunal a insuffisamment motivé son jugement en n'examinant pas si elle bénéficiait d'un droit au séjour permanent sur le territoire français en application de l'article L. 122-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il a commis une erreur de droit et inexactement qualifié les faits de l'espèce en faisant application du seul article L. 121-1 de ce code et non de l'article L. 122-1 du même code, sur le fondement duquel elle avait acquis un droit au séjour ;

- il a insuffisamment motivé son jugement, a commis une erreur de droit, a inexactement qualifié les faits de l'espèce et les a dénaturés en jugeant qu'elle ne remplissait pas les conditions de droit au séjour fixées par l'article L. 121-1 ;

- l'article L. 262-6 du code de l'action sociale et des familles méconnaît le principe d'égalité devant la loi ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en écartant les moyens tirés de l'atteinte aux principes de non-discrimination ainsi que de liberté de circulation et de séjour des personnes résultant des articles 18 et 21 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et d'une discrimination prohibée par les stipulations des articles 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du premier protocole additionnel à cette convention.

9. Aucun de ces moyens n'est de nature à permettre l'admission du pourvoi.

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par MmeA....

Article 2 : Le pourvoi de Mme A...n'est pas admis.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme B...A....

Copie en sera adressée au département de l'Hérault, au Conseil constitutionnel, au Premier ministre et à la ministre des solidarités et de la santé.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 406930
Date de la décision : 14/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 14 jui. 2017, n° 406930
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric Pacoud
Rapporteur public ?: M. Jean Lessi
Avocat(s) : SCP OHL, VEXLIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:406930.20170614
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